Adrien Daniele : « Les entraîneurs sont tributaires des joueuses »

Arrivé l’an passé sur le banc de l’Entente WMG, Adrien Daniele a reçu la plus haute récompense de la part du jury. Un trophée que le jeune entraîneur relativise, bien plus concerné par l’élévation du niveau de son groupe.

Que représente ce titre pour vous ?

Honnêtement, c’est toujours extrêmement valorisant. Cela fait chaud au coeur, et c’est très agréable. Maintenant, on demeure dans un sport collectif, donc au moins l’Entente WMG a gagné un titre cette année (rires) ! Mais honnêtement, je l’échangerai contre une coupe ou un championnat. Le foot est un sport qui appartient aux joueuses, et les entraîneurs sont tributaires de leur groupe. Evidemment, je suis très heureux de l’emporter, mais je ne peux pas oublier que tout ceci n’est autre qu’un résultat collectif. Et je tiens à saluer votre initiative, qui permet de mettre en valeur le football féminin au Luxembourg. C’est extrêmement valorisant.

Qu’est-ce qui vous a fait rejoindre l’Entente WMG ?

Un concours de circonstances, sincèrement. Suite au Covid, j’ai décidé d’arrêter ma carrière de joueur à Kopstal et de commencer les diplômes. J’ai toujours eu cette fibre entraîneur en moi même si forcément, quand tu es sur le terrain, l’essentiel, c’est de jouer. La crise sanitaire a été en soi importante dans ma réflexion, où je me suis dit d’accélérer ma formation d’entraîneur. A ce moment là, les coachs de Wolmerdange de l’époque partaient, et le comité m’a contacté. 

Vous vous voyiez déjà dans le futur dans le football féminin ?

S’il y a une chose que j’ai appris de par mes différentes expériences de vie, c’est que la vie t’offre toujours l’inverse que ce que tu imaginais. Je n’ai donc aucun à priori sur rien. La seule chose que je me suis dit, c’est d’aller voir le niveau. J’ai été très étonné dès le premier entraînement avec un groupe qui, certes, avait de vraies lacunes tactiques, mais pouvait s’améliorer et était prometteur. En axant le progrès avant tout sur le développement mental, puis sur les bases du football, à savoir le positionnement, les déplacements, je me suis vite rendu compte qu’il y avait quelque chose à faire. Et si je prends les matchs d’il y a un an avec les tout derniers qu’on a joué, je vois absolument la différence. Les joueuses ont l’envie et les capacités d’évoluer, et ont le désir de progresser.

Quelle est votre approche avec les joueuses ? Plutôt proche, ou maintenant une certaine distance ?

C’est une bonne question. J’ai la chance d’avoir vécu plusieurs époques. Nagelsmann avait dit il y a quelques mois que pour lui, 70% du travail aujourd’hui consiste en le management humain, et 30% le côté purement footballistique. Il expliquait que quelqu’un ayant des énormes connaissances tactiques mais aucune gestion humaine n’avait aucune chance, malgré son talent. Et qu’à l’inverse, quelqu’un qui n’avait que les compétences sur le plan relationnel pouvait s’en sortir, meme si un plafond de verre arriverait un jour. Je trouve ça très intéressant. Car la société a évolué. Je ne peux pas coacher comme j’ai été coaché dans un monde beaucoup plus militaire. Il faut s’adapter, et comprendre quelle joueuse a besoin de la carotte, du baton, du rire, de l’empathie, de la distance, de la provocation… Une part énorme du travail consiste à trouver le bon équilibre avec chaque joueuse. Il n’y a pas de réponse globale. C’est une remise en question perpétuelle. Il n’y a pas de recette. Il faut analyser ton groupe, mais aussi l’individu et trouver le bon mix. C’est une adaptation permanente.

Avez-vous une philosophie de jeu particulière ?

Particulière, non, définie, oui. Je n’ai rien inventé. Tous les termes d’aujourd’hui ne sont que des nouvelles dénominations. Mais bien sûr, j’aime le pressing, le contre pressing, la recherche de la victoire par le jeu. Mais je suis de ceux qui pensent aussi qu’il faut s’adapter en fonction du match et du groupe. SI tu n’as pas de défenseurs rapides, tu ne peux pas mettre un bloc défensif haut, ou sinon tu te fais bouffer. C’est bien joli d’avoir ses croyances, mais il faut comprendre et jauger ce que tu as pour exploiter le potentiel au maximum. Il ne faut pas être borné. Arrigo Sacchi disait : « Contre les équipes les plus faibles, impose ton jeu. Contre les plus fortes, adaptes-toi ». Le Racing est le parfait exemple pour ça : si on y va avec le jeu habituel, on prend une branlée. Si on s’adapte à l’adversaire, on peut faire quelque chose. Et cela s’est vu : match nul en championnat, et défaite dans les dernières minutes en coupe. 

Il y a eu beaucoup de polémiques ces dernières années sur le championnat de Ligue 1 Dames. Etes-vous pour une réforme du championnat ?

Il faut déjà avant tout se souvenir de ce que le football féminin était il y a encore quelques années. La progression est évidente. C’est indéniable. Quand on voit ce que la FLF a mis en place, la soif de foot des nouvelles joueuses, c’est extrêmement encourageant. Mais oui, en effet, encore aujourd’hui, il faudrait réussir à officialiser certaines réformes. J’ai le plus grand respect pour ces équipes qui prennent dix buts par matchs et viennent à chaque rencontre avec la même intensité et combativité. Mais je ne suis pas sûr que cela soit vraiment enrichissant. Le championnat devrait diminuer le nombre d’équipes : si derrière, cela se passe avec des play-offs ou non, ce n’est pas dans mon domaine de compétence. Mais je suis certain que tout le monde y gagnerait, y compris les équipes habituées à la défaite. Mais n’oublions pas que le football féminin s’améliore énormément. Je vois plein de jeunes aujourd’hui qui ont eu une formation par la FLF extrêmement productive et qui indéniablement porte ses fruits. Mais un championnat à 8 ou 10 serait extrêmement intéressant. Je ne pense pas que cela sera pour l’an prochain, mais sincèrement, je préfère jouer le Racing, Junglinster ou Mamer quatre fois dans l’année. Tout le monde y gagnera. 

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