Charles Munster : au nom du frère

C’est à l’aube d’une nouvelle saison en Stellantis Rally Cup, juste avant de rejoindre le Service Park de la première manche du South Belgian Rally, que Charles Munster, pilote éclectique qui a goûté depuis peu à l’électrique, a pris le temps de se dévoiler. L’occasion de faire marche arrière pour mieux connaître le frère de Grégoire Munster. 

On connaît votre frère aîné Grégoire, qui évolue désormais en WRC2 aux côtés de Louis Louka ; pouvez-vous revenir sur votre parcours en tant que pilote ? 

J’ai commencé à rouler en avril 2019, une semaine et demie seulement après avoir eu mon permis de conduire. J’ai débuté par le TAC Rally en Belgique, au volant d’une Opel Adam Cup avec Jérôme Humblet comme copilote. C’était une saison de découverte principalement axée sur quelques manches belges. J’ai changé en fin d’année pour une Opel Adam R2, voiture que mon frère a également pilotée, une catégorie au-dessus. Ce ne sont pas les mêmes modèles, le moteur est plus important. J’ai aussi pu participer au RACB National Challenge en Belgique pour essayer d’être le pilote lauréat pour l’année 2020 sur une Peugeot 208 R2, la même catégorie que l’Opel. J’ai enfin pris part à un rallye historique en Roumanie, où j’ai gagné avec une Subaru. 

Comment avez-vous été affecté par les différents épisodes de la crise sanitaire ?

On n’a plus vraiment roulé pendant le premier confinement. Tout était fermé. Il n’y avait plus de rallye, plus rien. On a recommencé doucement par des rallyes en Europe pour l’équipe et pour mon frère, que je suivais sur quelques manches où ça reprenait. J’ai ensuite pu prendre le départ du Rallye Aarova où j’ai gagné le Junior avec une copilote française, Charlyne Quartini. Les rallyes en Belgique étant de nouveau annulés, je suis parti aux îles Canaries, toujours avec Charlyne. C’était une première apparition en Europe à l’occasion de la dernière manche d’ERC (European Rally Championship), reportée à fin décembre. J’ai fini meilleur deuxième Junior au classement final et deuxième en ERC3 Junior. Nous avons entamé la saison 2021, qui a été une bonne année d’apprentissage, en ayant deux programmes en Stellantis Belge et Stellantis France, tout en faisant des apparitions en électrique avec Opel. J’ai découvert certains terrains que je ne connaissais pas avec différents types de parcours et de grip. Je suis content car je suis le parcours de mon frère et je continue à garder ce titre dans la famille. On a augmenté notre rythme vers la fin, surtout vers le SPA Rallye. Et maintenant on repart pour cette saison avec la même envie. 

Qui a été votre concurrent le plus féroce cette dernière saison ? 

C’était Gino Bux en Stellantis Cup Belux. C’est celui qui nous a vraiment fait monter d’un cran. Cette année, il y a Marijan Griebel, champion d’Europe Junior qui roulera en Stellantis aussi, et il faudra tout donner pour être devant. On a besoin de pilotes qui soient aussi ou plus rapides que nous pour nous améliorer. C’est à ce moment-là qu’on apprend. Ce n’est pas en roulant avec une minute d’avance qu’on va tirer des enseignements. 

Votre frère nous expliquait que les résultats de l’année précédente sont souvent très importants pour la suite…

Les bons résultats de l’année d’avant apportent peut-être plus de support et de visibilité pour des sponsors, et souvent plus d’opportunités. Ça devient de plus en plus compliqué de trouver des sponsors en rallye, mais plus généralement en sport automobile et même dans certains autres sports, surtout avec la crise sanitaire qu’on a subie ces deux dernières années. Les résultats vont davantage compter pour se faire voir et obtenir de l’aide. 

Pourquoi vous êtes-vous orienté vers le rallye plutôt que la monoplace ? 

C’est une histoire de famille. Mon grand-père a fait du rallye, puis mon père a suivi. Mon frère a ensuite commencé à rouler. De mon côté, je faisais de la moto à l’époque, à un niveau amateur. Vers l’âge de 17 ans, je suis monté dans une voiture, et à mes 18 ans, c’était parti ! J’étais au volant aussi !

Avez-vous suivi le programme FIA Rally Star initié par la Fédération internationale de l’automobile (FIA), qui offre l’occasion à des pilotes d’être accompagnés et à terme de rouler ?

J’ai l’ai suivi de loin. Je n’ai pas moi-même essayé d’intégrer le programme. C’est davantage axé pour les débutants, pour laisser la place aux nouveaux et les encourager à prendre cet élan. Je pense que c’est une très bonne chose, comme ce qui est fait avec le rallye féminin en Belgique, le RACB Rallye Girls Challenge 100 % dédié aux femmes, qui est très bien aussi. J’ai aussi fait la sélection belge pour essayer d’être pilote lauréat RACB comme Thierry Neuville. Il est important de promouvoir les jeunes. Si certains ont le talent, mais pas forcément le budget pour l’exprimer, c’est grâce aux fédérations qu’ils peuvent essayer de les mettre en avant. Mon frère et moi dépendons de l’ACL. Le Comité olympique luxembourgeois apporte également beaucoup, et pour le moment, deux pilotes sont représentés : Dylan Pereira et mon frère. L’ACL ouvre beaucoup de portes, elle n’organise pas de volant en raison de la taille du pays, mais elle est bien présente auprès de ses affiliés. 

Suivez-vous les autres pilotes luxembourgeois qui évoluent dans les différents championnats ? 

Je connais Steve Fernandes qui a été champion du Luxembourg, car il roule en Belgique avec sa Skoda. Il a une équipe aussi. 

Comment se prépare-t-on à un rallye ? On peut imaginer un nombre de contraintes inhérentes à la discipline pour organiser des essais, contrairement aux monoplaces?

Les journées de tests sont de plus en plus compliquées à organiser. Il faut bloquer une route, par rapport à un circuit, ça n’a rien à voir. On essaie de trouver un test avant le rallye, en fonction des disponibilités, de combien de pilotes on peut tester par exemple. Souvent, on essaie de trouver les vidéos des rallyes des années précédentes, si ça a déjà été roulé ou si l’organisateur peut nous fournir des vidéos des spéciales. Là, on regarde les films du parcours pour en avoir une notion et apprendre à le connaître. Et puis on va effectuer notre reconnaissance le jour avant les rallyes pour faire nos deux passages. Là, on sait déjà où on est sur le parcours. 

Sur quelle surface préférez-vous rouler ?

J’ai plus d’expérience sur l’asphalte, c’est aussi parce qu’il s’agit déjà de ma troisième saison sur cette surface et je connais donc bien. J’ai participé à quatre rallyes sur terre et j’ai également roulé sur la neige, qui s’en rapproche, et j’ai adoré. J’apprécie quand on peut provoquer la voiture comme on veut pour faire tous les virages. C’est un peu différent de l’asphalte, c’est une autre conduite. Je suis plus rapide sur l’asphalte pour le moment. 

Que pensez-vous de l’hybridation des championnats ? 

L’hybride dans le sport auto est arrivé il y a longtemps, surtout en circuit. En rallye, c’était bien plus compliqué de l’apporter, mais ça devait arriver à un moment. J’ai roulé l’année passée avec Opel en électrique et il fallait revenir recharger. C’est quelque chose de différent, d’un peu nouveau. C’était une voiture presque d’origine, avec un arceau pour la sécurité. Le but est d’attirer des jeunes, c’est une coupe très bien organisée en Allemagne. L’hybride en WRC n’est pas une mauvaise idée. Le but est d’allier la puissance thermique et l’électrique pour faire une voiture qui fonctionne encore mieux que les années précédentes. Si tout marche bien et que c’est bien développé, les pilotes adhéreront.

Qu’est-ce que ça change au niveau du pilotage ? 

En électrique, il y a une grande différence. Les voitures sont beaucoup plus lourdes avec les batteries, elles bougent moins. Le centre de gravité est beaucoup plus bas aussi. Les sensations peuvent varier d’une voiture à l’autre. Il faut adapter la conduite et j’ai eu un peu de mal sur l’Opel. Sébastien Loeb par exemple s’est très bien accommodé à la nouvelle réglementation (le champion français a remporté la première manche, NDLR). Nous étions avec mon frère en Suède pour la deuxième manche du WRC et on a pu voir que les voitures sont performantes et que les pilotes arrivent parfaitement à s’adapter. 

Quel est le pilote qui vous a le plus impressionné en rallye, toutes générations confondues ?

J’ai toujours été un grand fan de Sébastien Loeb, depuis petit. Je l’ai déjà vu plusieurs fois et en 2008, j’étais au rallye de Suède et je lui ai dit qu’il était mon pilote préféré. À 48 ans, c’est pas mal d’aller encore aussi vite. Mon frère, c’est plus Sébastien Ogier. Les deux sont de grands champions. Dans la génération actuelle, j’apprécie plus Ott Tanak, c’est un style que j’aime bien, il s’exprime au volant, il sort de grands moments et de bons temps surtout. On sait qui il est sans qu’il dise grand-chose. Dans la jeune génération, Solberg est la relève de son père, il est très performant. Il se battait contre mon frère en Junior en ERC, c’était une belle saison pour tous les deux et j’ai d’ailleurs pu y assister en 2020. Ça peut être un grand champion.

Comment trouvez-vous la nouvelle génération de pilotes en WRC ?

Il y a Solberg ou Rovanperä, les plus jeunes du « groupe de tête » qui sont impressionnants. Ils ont roulé très tôt et à seize ans, ils étaient dans des voitures de pointe en rallye. À dix ans, ils roulaient déjà dans une voiture de course. Leur expérience parle. Quelqu’un qui a commencé plus tard avec autant d’expérience pourrait-il faire pareil ? Il faudrait pouvoir comparer… 

Est-ce que vos parents gardent un œil sur votre parcours ? 

Mes parents nous ont toujours assistés, on roule tous les deux avec mon frère dans la société familiale. Ils ne nous ont jamais forcés à faire du rallye, mais depuis dix-huit ans, ils nous suivent presque sur chaque manche à laquelle on participe. Je suis donc reconnaissant pour tout ce qu’ils font. C’est grâce à eux. 

Comment en êtes-vous arrivé à travailler avec votre copilote et comment fonctionnez-vous en dehors des week-ends de compétition ? 

Je travaille avec Loris Pascaud, un copilote français originaire de Gap. On s’est rencontrés sur un rallye, on a commencé par discuter et on s’est dit qu’on allait travailler ensemble. Ça s’est super bien passé et il m’a accompagné toute la saison passée. Ça fait un an qu’il roule à mes côtés, je pense qu’on a déjà disputé une douzaine de rallyes, et on continue cette année. On commence à bien se connaître, c’est un peu comme une personne qu’on accompagne tout le temps. En dehors des courses, lui va travailler sur tout ce qui est plan du rallye et je vais davantage me pencher sur les vidéos. Si on les a déjà récupérées en avance, on fait des « notes à la vidéo » pour gagner des passages de reconnaissance. 

Grégoire Munster, le grand frère, lui a ouvert la route. Les deux pilotes partagent souvent certaines manches et il est le mieux placé pour évoquer l’évolution de son cadet : 

« Il a bien évolué en tant que pilote depuis ses débuts et il commence à avoir de bons automatismes avec son copilote. Au niveau de ses qualités, il a un bon car-control naturel et est à l’aise dans les situations délicates. Il doit encore un peu travailler les notes et les trajectoires. »

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