Daniel Rinaldis, chef trois étoiles

Un soleil automnal illumine la nouvelle piste en sable du CSI 3* de Roeser, centre névralgique du saut d’obstacles grand-ducal et qui s’apprête à voir défiler un ballet de cavaliers venus de toute l’Europe, dans la ville éponyme de Luxembourg. Cette année, le mythique concours a accueilli ses hôtes du 23 au 26 septembre pour une édition inédite, adaptée à une situation sanitaire particulière mais sans toutefois perdre son ADN : Proposer du beau sport.

Car les Réiser Päerdsdeeg ont su se créer, au fil des années, une vraie identité. Et être appréciés à l’unanimité. Entretien avec Daniel Rinaldis, l’un des maetros de cette organisation qui s’attelle depuis plus de vingt saisons à concocter ces rendez-vous équestres avec passion. 

Comment le concours de Roeser a-t-il évolué au fil des années, depuis sa création en 1992 ? 

Daniel Rinaldis : « Si vous voyiez les images d’« antan », parce que ça fait quand même vingt-huit ans qu’il est en place. (Rires). Il faut savoir que dans un premier temps, la piste en herbe qu’il y avait avant était juste une « prairie » qui était utilisée comme piste équestre. Nous faisions avec les moyens du bord comme on dit. » 

Le concours a évolué d’année en année. On a démarré en concours national, puis c’est devenu un CSA (un concours de saut pour Amateurs ndlr). De fil en aiguille, on est passé en format Grande Région, puis international. On a même organisé un CSIO en 2017. (Format Coupe des Nations en 2017 où le Luxembourg avait terminé 2e derrière la Belgique ndlr)

Ce week-end, on est décalé par rapport à d’habitude car le concours se tient toujours au mois de juin. Le calendrier international cette année fait qu’il y a beaucoup de compétitions cinq étoiles qui sont tombées au même moment que le nôtre. En plus, il y a le championnat du monde des jeunes chevaux à Lanaken (Belgique). Et certaines « têtes d’affiche » sont prises, contractuellement ou non. 

Mais ça ne nous pénalise pas du tout puisqu’on a même dû refuser du monde. Le concours de Roeser, surtout maintenant avec la piste en sable qui a été construite l’année passée est apprécié. On a de la chance. » 

Comment s’organise-t-on pour préparer un tel évènement en période de pandémie où ont eu lieu trois concours en un mois ?

DR : « On respecte les règles. On a surtout une contrainte par rapport au public. Seules 2000 personnes sont autorisées mais on fait avec. On est déjà heureux qu’on puisse réorganiser le concours après une « année sabbatique ». En 2020, on en a profité pour structurer la piste en sable. Avant, quand on était sur herbe et que la pluie s’invitait, c’était très embêtant. On avait même dû annuler le Grand Prix une année. On s’était alors dit que dès que l’on pourrait, on basculerait vers le sable et on ne serait lors plus dépendant du temps. Et vous voyez le résultat. (Sourires) »

Fin août, nous avions un CSI-V, pour les vétérans. Ils ont répondu présent, c’était un magnifique concours. C’est Monsieur Thiry a gagné le Grand Prix. 

Le deuxième week-end a eu lieu les championnats nationaux toutes catégories et championnats Grande Région. (Saar- Lor-Lux), tout ce qui est autour de Luxembourg. On appelle ça La Grande Région qui regroupe la Lorraine, le Saarland, la Rhénanie-Palatina et la région Ardennes-Belge. C’était une première et tout le monde a pu apprécier. La météo en plus était favorable. 

Surtout qu’il y a de plus en plus de concours chaque week-end … On assiste à une multiplication de compétitions depuis quelques années …

DR : « Ça n’arrête pas. Il y en a de plus en plus. Nous avions trois-cent deux chevaux inscrits à cette édition. Si l’on souhaite en prendre plus, ça devient compliqué, surtout au niveau du timing. Les épreuves deviennent trop longues pour permettre au public de pouvoir les suivre dans de bonnes conditions. C’est difficile d’apprécier une épreuve quand vous avez cent-vingt partants. Ici, nous privilégions le sport. »

Qu’est ce qui fait la singularité d’un concours comme le Jumping de Luxembourg ? 

« C’est très convivial, c’est une grande famille. Déjà, nous en tant qu’organisateurs faisons cela depuis vingt-huit ans maintenant, avec presque toujours la même équipe. On est un team rodé. On se regarde et on se comprend. Nous sommes tous bénévoles et multi-casquettes au sein de l’organisation, tous des chefs d’entreprise. On consacre beaucoup de notre temps libre à pouvoir organiser ce concours et offrir aux sports équestres luxembourgeois un concours digne des performances que les cavaliers grand-ducaux proposent. A l’époque, au niveau international, on était moins bien représenté. Il y en avait parfois un ou deux. Il y avait par exemple Edgar-Henri Cupper qui montait pour le Luxembourg, ainsi qu’Angie Lefebvre. Ce sont des noms qui sont très connus dans le milieu équestre ici. »

« En revanche, maintenant, comme le niveau et la technicité des épreuves deviennent de plus en plus difficiles au fil des années, avec des chefs de piste qui concoctent des parcours très techniques. Ce n’est plus la hauteur, ce sont d’autres paramètres qui prédominent, comme les contrats de foulées qui sont très piégeux. Ce qui fait que sans travailler la semaine, ça ne va pas. Avant, on travaillait au bureau la semaine et le week-end, on prenait le cheval et on allait en concours. Maintenant, si on veut figurer au classement mondial, ça ne vient pas par hasard. Déjà, il faut les chevaux, les sponsors. C’est tout une machinerie qu’il faut mettre en place. On a vraiment la chance avec la famille Bettendorf qui contribue beaucoup aux résultats équestres luxembourgeois. »

Le Luxembourg est-il un pays propice à la pratique de l’équitation ?

DR « On va dire qu’on est une petite fédération mais en fait, le nombre d’inscrits est assez conséquent, c’est un sport en vogue. Avant, on avait l’étiquette d’être un sport élitaire mais si l’on pratique l’équitation à niveau national, à petit niveau, on peut se faire plaisir avec un budget tout à fait abordable. Mais pour le haut niveau, il n’y a pas photo, il faut les moyens. »

Comment les cavaliers Luxembourgeois se positionnent-ils par rapport à leurs voisins européens ?

DR : « C’est utopique de répondre à cette question. On peut les compter sur les doigts d’une main. Quand je regarde la France ou la Belgique, ils peuvent puiser dans des centaines de cavaliers de ce niveau. Tout est là. C’est dans le nombre de cavaliers talentueux. La population à Luxembourg est d’environ 600 000 habitants, l’équivalent de deux arrondissements à Paris. Ce n’est pas comparable. C’est comme dans tous les sports. Bien sûr, il y a toujours des exceptions qui font la différence mais le nombre d’exceptions n’est pas assez grand pour pouvoir concurrencer des Nations comme la voisine belge. La Belgique, par exemple, est déjà une terre d’élevage de chevaux. Les Belges produisent parmi les meilleurs chevaux au monde car ils ont croisé les sangs étrangers il y a quelques années. Ils ne sont pas restés dans un Studbook figé, n’ont pas fait que croiser leurs races de warm Blood. Ils ont croisé le Holstein, le Selle Français. Ils sont prédécesseurs, surtout au Haras de Lanaken où Leon Melchior était novateur dans beaucoup de domaines. Vous avez des éleveurs comme Joris de Brabander qui a mis en route tout ce qui est transferts d’embryons pour pouvoir optimiser ses meilleures juments dans le sport. Quand je vois qu’il a sorti quarante produits internationaux d’une seule jument… On est très modeste à Luxembourg, on est très content de ce que font nos cavaliers mais je pense que l’avenir nous montrera qu’il y en aura toujours un peu plus … 

Est-ce que le concours de Roeser a déjà permis de révéler certains talents ? 

DR « Non, ce n’est pas révélateur. Ce qui est bien dans notre sport, c’est que tout le monde part à armes égales. Il y a des jours avec et des jours sans. C’est le seul sport au monde où deux êtres vivants concourent et c’est un sport mixte. Mixité des sexes, mais surtout animal-être humain. Il faut une certaine harmonie. Ce n’est pas parce que vous gagnez aujourd’hui que vous serez en forme demain. Et j’aime souvent dire « Tout le monde a ses chances » Après, il y a les pros et les amateurs. »

Les cavaliers luxembourgeois répondent souvent présents dans les grandes échéances … 

DR : « Oui ! Marcel Ewen par exemple, a participé il y a quelques années au derby de Hambourg. Il a terminé 3e et c’était sa première participation (en 2011 ndlr) Dans le milieu équestre, le Derby de Hambourg est connu comme étant l’une des plus difficiles pistes au monde. Et cela a été révélateur pour lui. Quelques jours après son parcours à Hambourg, c’est devenu une star. Il est passé dans tous les médias, A la sortie de piste à l’époque, on croyait que c’était lui qui avait gagné tellement il était heureux. Car il faut savoir que tous les cavaliers n’arrivent au bout de cette épreuve, de ce parcours mythique. C’est vraiment une performance à souligner. Il y a quelques cavaliers qui sont basés à Luxembourg. Au niveau des concours internationaux et des vraies écuries de concours, elles se trouvent souvent à l’étranger, que ce soit en France, en Belgique, en Hollande ou en Allemagne. L’Europe est une plaque tournante du milieu équestre. Les meilleurs chevaux et les meilleurs cavaliers se trouvent en Europe. Pas forcément au Luxembourg mais qui sait ? Il faudrait… » 

Il y a pourtant Studbook en place à Luxembourg, où remrque plusieurs bons chevaux SCSL qui sortent sur des épreuves internationales …

DR : « Absolument ! Je montais personnellement un petit peu, à un niveau amateur, je me faisais plaisir et j’ai fait beaucoup d’élevage, je connais un peu le milieu. Pendant plus de vingt-cinq ans, j’ai élevé des chevaux de saut d’obstacles. Il y a quelques chevaux qui ont percé. Quelques-uns de nos étalons sont partis aux Etats-Unis comme Lucky Loke R. Ce sont des chevaux qui étaient montés par François Bossu, Jérôme Guery (Des cavaliers belges). Quelques chevaux sont partis par le biais de François Mathy, qui est le marchand et cavalier par excellence. Un grand homme de cheval, médaillé au Jeux de Montréal et actuel employeur de Charlotte Bettendorf. Lui aussi a acheté quelques chevaux, qu’il a formé et vendu au niveau international. » 

Comment vous voyez l’avenir de votre concours ? Pourrait-on voir quatre, voire un cinq étoiles à Roeser? 

DR : « Non pas forcément. Passer de trois à quatre ou cinq, ça va surtout se voir au niveau budgétaire, c’est à cela qu’il faut penser. Parce qu’au niveau des installations, on y est, on répond largement aux critères imposés par la FEI (Fédération Equestre Internationale ndlr) pour organiser un concours de quatre ou cinq étoiles. Peut-être un jour. C’est surtout qu’on veut rester familial pour permettre aux cavaliers locaux de pouvoir concourir dans ce bonnes conditions dans leur pays. Qui sait, peut-être qu’un jour nous organiserons un week-end un trois étoiles, et un week-end un cinq étoiles. »

Pourrait-on voir un format de concours sous forme de tournée, comme le font l’Espagne ou le Portugal, sur plusieurs semaines ? 

DR : « N’oubliez pas que ce sont des personnes qui ne font que ça, que c’est leur métier, alors que nous, nous avons tous une activité à côté. En termes d’organisation, on fait ça bénévolement. Si c’est une tournée, ce sera difficile, je ne dis pas que c’est impossible mais il faudra une structure en place qui tienne la route et dédiée entièrement à cela. »

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