Dejvid Sinani : « De nos jours, la technique ne suffit plus »

Élu meilleur joueur de BGL Ligue à l’occasion du Dribble d’Or 2021, Dejvid Sinani a écrasé toute concurrence au sein du championnat de par ses statistiques et son influence sur le jeu de son équipe. De ses débuts à Differdange au titre de champion avec le Fola en passant par son nouveau club, le milieu offensif se livre dans un entretien exceptionnel.

Revenons au Sinani du début : comment en-est tu venu à jouer au football ? Vous êtes une famille de footeux ?

Quand on était jeune, la première chose qu’on a fait avec un ballon, mon frère et moi, c’est de taper avec le pied. Pourtant, notre père préférait plutôt le basket ! Donc à six, sept ans, on s’est décidé à faire du football. J’ai commencé trois années de formation à Belgrade, puis on est arrivés au Luxembourg en 2003. J’avais dix ans, mon frère en avait six et on a tous les deux joué aux Red Boys de Differdange. J’ai continué là-bas jusqu’à mes premiers matchs avec l’équipe première. Je suis parti en prêt à Strassen, où j’ai connu mes premières sélections en U21 avec le Luxembourg. Ensuite, je suis revenu à Differdange, et avant de signer trois ans au Fola, j’ai joué une saison à Mondorf. Aujourd’hui, me voilà au F91 !

Comment se passe la relation avec ton Danel ? Entre frères, il y a parfois un peu de rivalité, d’autres fois pas du tout…

Chez nous, il n’y a jamais eu de rivalité. Les seules fois où il y en avait, c’était lors de Racing-Differdange, quand on s’affrontait. Pendant 90 minutes, on était rivaux, mais sinon ça s’est toujours très bien passé. J’étais très content pour lui lors de ses saisons avec Dudelange et le voir passer un cap en devenant professionnel, ça m’a rendu heureux. Jusqu’à présent, je l’ai toujours soutenu et ça me fait vraiment plaisir.

Avant la saison 2020/2021, tu avais des statistiques très bonnes sans pour autant affoler les compteurs. Depuis un an, tu es ultra décisif tant au niveau des passes d que des buts. Y a-t-il eu un déclic à un certain moment ou bien c’est venu crescendo au fil des années ?

Le fait de passer à Mondorf pendant une saison, ça m’a réellement réveillé. Je me suis dit qu’il fallait que je montre ce que je valais vraiment au risque de toujours rester un simple remplaçant. Cette saison-là, j’avais été meilleur passeur de BGL Ligue avec 13 passes décisives. Depuis, j’ai continué à bosser sur mes défauts, à m’améliorer physiquement. Grâce au travail, ça m’a permis de devenir un meilleur joueur et d’augmenter mes statistiques, notamment au niveau des buts.

« AVEC MON FRÈRE, IL N’Y A JAMAIS EU DE RIVALITÉ. LE VOIR PASSER UN CAP EN DEVENANT PROFESSIONNEL, ÇA M’A RENDU HEUREUX »

Est-ce que tu as changé quelque chose dans ta façon de jouer pour évoluer ?

Je n’ai pas changé grand chose, je me suis toujours adapté aux exigences des coachs que j’ai eu, mais j’ai plus travaillé sur moi-même, surtout sur l’aspect physique. De nos jours, la technique est importante, mais elle ne suffit plus, le football est devenu beaucoup plus physique. J’ai beaucoup travaillé là-dessus et jusqu’à présent, ça a porté ses fruits.

Ta montée en puissance correspond à l’arrivée de Sébastien Grandjean au Fola. Est-ce qu’il a changé quelque chose par rapport à ta position sur le terrain ou ta relation avec les autres joueurs ?

Chaque coach qui arrive apporte un changement, un petit plus à son équipe. Quand on regarde la saison passée, on peut dire que ça a été un changement décisif puisqu’on a fini champions. Me concernant, j’essayais de jouer plus offensif que les saison d’avant, mais il n’y a pas eu de grand changement. C’est surtout la philosophie de jeu et l’état d’esprit de l’équipe qui ont évolué. Moi, j’ai continué à bosser à ma façon et saison après saison, j’ai continué à améliorer mes statistiques. Par rapport à mon arrivée au Fola, je me suis amélioré et mes statistiques ont suivi. En 2020/2021, j’avais réalisé ma meilleure saison, jusqu’à cette saison en tout cas ! Je n’avais surtout jamais marqué autant de buts.

Pourquoi avoir choisi de quitter le Fola en fin de saison et d’avoir rejoint le F91 ?

Quand je suis arrivé au Fola, j’ai eu comme objectif de finir champion. Mon but a été atteint la saison dernière, donc j’ai eu envie de découvrir un nouveau challenge. Dudelange m’avait présenté ses ambitions, donc je me suis dit que c’était le bon moment et je pensais pouvoir encore m’améliorer en découvrant notamment un nouveau coach. En tant que joueur, on veut toujours s’améliorer et changer de club a été un nouveau déclic pour moi.

L’adaptation dans une nouvelle équipe s’est faite rapidement ?

Oui, ça s’est fait plutôt rapidement puisque je connaissais déjà certains joueurs avec qui j’avais joué les saisons passées. Et avant de signer à Dudelange, j’avais discuté avec eux et ils m’avaient convaincu. Au fur et à mesure, j’ai constaté que le groupe était formidable et tous les nouveaux coéquipiers que je ne connaissais pas encore m’ont super bien accueilli.

Est-ce que tu as rapidement compris les principes de jeu de Carlos Fangueiro, qui sont plutôt différent de ceux de Sébastien Grandjean ?

Là encore, avant de signer au F91, j’ai eu plusieurs discussions avec Carlos Fangueiro qui m’avait présenté sa philosophie, sa façon de jouer, dans quelle position il me voyait sur le terrain… Par rapport à mon poste de numéro 10, il y a une adaptation qui devait être faite de ma part et ça s’est très bien passé, donc je n’ai pas mis beaucoup de temps à m’adapter. D’autant plus qu’après avoir fait connaissance avec mes coéquipiers lors des premiers entrainements, j’ai vite vu leurs qualités et ça m’a encore plus aidé à m’adapter. Mon adaptation, c’est aussi grâce à eux que je la dois.

« PASSER UNE SAISON À MONDORF M’A RÉVEILLÉ. JE ME SUIS DIT QU’IL FALLAIT QUE JE MONTRE CE QUE JE VALAIS VRAIMENT »

On a l’impression que ce n’est pas seulement toi qui t’es adapté à eux mais aussi eux qui se sont adaptés à toi. La saison dernière, le jeu du F91 misait énormément sur les côtés, tandis qu’aujourd’hui, ils s’appuient beaucoup plus sur le milieu offensif que tu es…

Effectivement, c’est une alchimie qui fonctionne très bien. Si j’ai pu leur rapporter un petit plus au milieu de terrain et permettre au latéraux d’être un peu plus libre, c’est encore mieux. Dans notre groupe, le danger peut venir de partout, que ce soit sur les côtés ou au milieu, et on l’a prouvé car beaucoup de joueurs ont déjà marqué

Tu as remporté le titre la saison dernière, est-ce l’objectif est le même pour toi cette saison ?

L’objectif, c’est d’être champion, comme les exigences du coach sont élevées on ne va pas baisser nos objectifs non plus. Après, la saison est très longue. Pour l’instant, on est bien placés, mais il y a beaucoup d’équipes qui suivent derrière et ce sera encore plus difficile que les saisons précédentes. On va prendre les matchs les uns après les autres, et on verra à la fin de la saison.

Luc Holtz a déclaré que tu méritais d’être sélectionné avec le Luxembourg mais qu’il y avait déjà beaucoup de profils comme toi au sein de l’équipe. Tu as été choisi en réserve lors du dernier rassemblement. La sélection nationale, est-ce que c’est quelque chose auquel tu penses souvent ?

Je suis focalisé à 100% sur les objectifs mon club, parce que c’est grâce au club qu’on peut atteindre d’autres objectifs. Mon but, c’est toujours de donner le meilleur de moi-même pour le groupe et pour atteindre les objectifs. Si ça suffit pour pouvoir être appelé un jour, je l’accepterais avec grand plaisir. C’est quelque chose que j’aimerais connaître, mais je ne vais pas me mettre une pression supplémentaire.

Est-ce que tu comprends ta non-sélection ?

Non, je ne comprends pas, mais ce n’est pas moi qui décide. Le sélectionneur fait ses choix et si je n’ai pas de place dans la liste des vingt-trois joueurs choisis, c’est qu’il faut bosser encore plus apparemment.

Admettons que tu ai remporté le Dribble d’Or. Qu’est ce que ça fait d’être élu meilleur joueur de BGL Ligue cette année ?

Ce serait une belle reconnaissance d’une part pour ma belle saison passée et d’autre part pour la saison actuelle. Ça me fait plus plaisir que d’être dans la liste des réservistes. C’est un trophée supplémentaire que je pourrai garder dans ma vitrine et ça me fera de bons souvenirs à se rappeler sur cette année réussie.

Quels sont tes objectifs, pour le futur ?

Le premier sera de devenir champion avec Dudelange. Après, dans le football tout peut aller vite donc je profite de chaque moment.

« J’AIMERAIS CONNAITRE LA SÉLECTION, MAIS JE NE ME METS PAS DE PRESSION SUPPLÉMENTAIRE »

Découvrir un championnat étranger, c’est quelque chose qui te plairait ?

Je ne me focalise pas forcément sur ça, parce que plus on se focalise, plus on espère des choses qui n’arriveront peut-être jamais et ça peut vite nous démotiver. Donc je me concentre sur le club et sur mes performances, et si tout se passe bien au niveau national et éventuellement international avec le club ou la sélection, on ne sait pas ce qui peut se passer. Donc ça pourrait me plaire, mais ça ne m’obsède pas.

À 28 ans, tu as encore plusieurs belles années devant toi, mais est-ce que tu penses entrainer par la suite ?

Je n’ai pas encore pensé à arrêter le foot ni songé à devenir entraineur. Je veux encore profiter de ma carrière de joueur et après on verra. Je ne me suis pas fixé de limite d’âge, le plus important c’est la santé. Si tout va bien et que les blessures m’épargnent, je pourrai jouer au moins jusqu’à 35 ans.

La question qui tue : quel est ton favori pour le titre de meilleur entraineur : Carlos Fangueiro ou Sébastien Grandjean ?

C’est un choix très difficile (rires) ! Les deux coachs se distinguent l’un de l’autre à leur façon de travailler, leur philosophie de jeu… Si on regarde la saison passée, Sébastien Grandjean le mériterait parce qu’il a notamment remporté le championnat, mais d’un autre côté j’espère que ce sera mon coach actuel parce que sa façon de travailler et son exigence sont vraiment exemplaires pour chaque joueur.

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