À quoi sert un chef d’orchestre ?

Les bébés insectes ont-ils l’âme d’enfants ? Que signifie être bête ? Pourquoi les poils pubiens sont-ils bouclés ? Tant de questions originales qui restent généralement sans réponse. Un long flot d’interrogations auquel nous allons essayer de répondre régulièrement, avec la question improbable de la semaine. Sujet du jour : à quoi sert le chef d’orchestre ?

Il n’est pas compliqué pour qui que ce soit de détailler visuellement un chef d’orchestre à autrui. La tenue, la baguette, la gestuelle : la silhouette assignée à cette profession n’est un secret pour personne. Mais, au-delà de la simple apparence se cache un réel mystère sur le rôle et les capacités du chef d’orchestre. Car, finalement, à quoi sert réellement ce dernier ? Tentative de réponse, avec l’aide de Michel Podolak, chef d’orchestre, chef de chœur, comédien et conférencier professionnel français (http://mpodolak.com). « Un chef d’orchestre au 21e siècle est quelqu’un qui porte une vision et s’assure que le collectif s’harmonise autour de celle-ci. À ce titre, il peut être un facilitateur, être quelqu’un qui écoute beaucoup, va faire confiance à l’orchestre, et qui assume ce que demande les autres musiciens : être responsable d’harmoniser le tout. »

Au-delà de ce rôle de conducteur de l’ensemble, le chef d’orchestre a aussi pour rôle d’apporter sa vision personnelle à l’oeuvre. Une vision qui peut dès lors apporter une réelle différence dans la composition en fonction du conducteur de celle-ci : « Une composition peut changer énormément en fonction du chef d’orchestre, étant donné qu’il y a plusieurs approches possibles quant à l’interprétation d’une partition. » D’une certaine manière, le chef d’orchestre peut ainsi être perçu comme le cerveau d’une production, là ou les musiciens sont alors les doigts. « Les plus connus sont des gens qui sont capables de transcender leur orchestre, et de faire que les musiciens aient envie de jouer le mieux possible, et ensemble » enchaine Podolak. « Il veille à ce que l’ensemble sonne bien, et il va élever le tout par une vision forte, par son imagination et par sa créativité qui vont donner du sens au mot artiste ». Un rôle donc particulièrement vital, et qui, assez logiquement, confère à certains membres de la profession une réputation plus élevée que d’autres. « Il y en a qui sont effectivement très appréciés, et d’autres notoirement pas très bon » admet Podolak, avant de rappeler que, tel un sportif, le talent global demeure dépendant à la performance du jour : « Un chef moyen dans ses bons jours peut être meilleur qu’un bon dans un mauvais jour ».

Des femmes de plus en plus présentes

S’il est difficile de parler de hiérarchisation claire des chefs d’orchestres, il existe donc un talent, reconnu et forcément valorisé. Ce qui, comme un mercato au football, provoque des transferts ci-et là et de chefs d’orchestres désirés. Au-delà de l’entente humaine et artistique, d’autres critères peuvent évidemment être pris en compte pour assurer une collaboration fructueuse : la langue, l’environnement de vie, et la disponibilité du chef d’orchestre sur les années à venir. La possibilité de migrer et changer d’environnement assez régulièrement ne se limite pas néanmoins par une « signature » dans un autre orchestre, puisqu’au delà du contrat signifiant un certain nombre de semaines de production par an, un chef d’orchestre ou directeur musical peut alors être invité ailleurs pour se produire.

Dans l’imaginaire collectif, la première image qui vient aux néophytes, en pensant à un chef d’orchestre, est une personne de sexe masculin. Alors, idée reçue ou profession réellement dominée par les hommes ? « C’était en effet un métier traditionnellement d’hommes, comme les chefs d’entreprises, les politiques et bien d’autres professions de pouvoir » confirme Podolak, qui précise néanmoins un changement ces dernières années. « Aujourd’hui, comme partout, des femmes arrivent en tant que chef d’orchestre. Il n’y a pas encore beaucoup de femmes qui ont des postes de directrice musicale d’orchestre, mais la tendance est à la hausse sans aucun doute. Et ce n’est pas pour rien que le film Tar a choisi une femme comme chef d’orchestre ». Une mue qui se fait aussi sur le plan médiatique, ou des personnalités telles que Marin Alsop ou encore Karina Cannellaki ont trouvé une place dans la diaspora.

La seconde image qui saute aux yeux, est évidemment celle de la baguette. Un accessoire qui parait indispensable pour le chef d’orchestre. Pourtant, cet outil aurait, avant tout, principalement une valeur symbolique, et serait devenu bien plus désuet depuis quelques temps. « Cela fait douze ans que je ne l’utilise plus » emboite Podolak, corroborant que cet instrument est d’une valeur bien plus symbolique que pratique. « La baguette est un symbole de pouvoir. Cela va du roi, du pape, de l’instituteur auparavant jusqu’à la baguette magique. C’est un accessoire. La réalité est que si votre pensée est claire , baguette ou pas baguette, le geste sera clair. Les jeunes ont encore tendance à l’utiliser à leur début car cela les rassure d’une certaine manière et leur confère un symbole de pouvoir. »

Les jeunes, justement. Sont-ils concernés par ce métier ? Est-il possible d’accéder à cette profession dès le plus jeune âge, ou est-elle réservée à des personnes au vécu plus poussé ? Pas de réelles règles ici, principalement dû à un changement de mentalité, avec un rajeunissement des chefs d’orchestre. « Il y a de très jeunes chefs qui arrivent à des postes très importants. La valeur n’attend pas le nombre des années. Il n’y a pas de réponse absolue. On peut être un grand chef à tout âge. »

Depuis plusieurs années néanmoins existent des orchestres ayant pris le pari de se passer de chefs d’orchestre. De quoi entamer une réelle révolution ? Pas pour Podolak, qui assure qu’au-delà de l’aspect minoritaire de ce mouvement se trouve une réelle difficulté pratique. « Il y a très peu d’orchestre sans chef d’orchestre. C’est tellement exigeant pour les musiciens que peu s’y aventurent. Quand vous jouez sans chef d’orchestre, cela signifie que vous portez toute la responsabilité sur le dos. Le chef est quand même là pour donner un sens collectif à ce qui est joué, donc quand il n’y en a pas, c’est plus compliqué. Il faudrait vraiment des musiciens extrêmement compétents, autonomes et talentueux. Je ne crains rien pour le futur de la profession ». 

Ainsi, le chef d’orchestre est donc porteur d’une vision, mais aussi responsable de l’ensemble des musiciens. Il se doit de réussir à offrir un ensemble harmonieux, respectant la composition assignée tout en – selon ses désirs – lui offrant une touche plus ou moins marquée. Un rôle reconnu, nécessaire dans la bonne tenue d’un orchestre qui comptera toujours sur lui pour offrir au public la plus belle expérience possible. Et ce, avec ou sans baguette.

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