Sécurité routière au Luxembourg : suffisante pour les cyclistes ?

De plus en plus nombreux à utiliser le vélo pour se rendre au travail, ou à des fins de loisirs, les cyclistes sont ils plus en danger sur la route au Luxembourg qu’ailleurs ? La sécurité routière est-elle au niveau ? Eléments de réponse.

L’accident de Claire Faber en avril dernier sur la N31 entre Esch-sur-Alzette et Kayl a attiré l’attention des médias et du grand public sur les conditions de circulation et de partage de la route entre automobilistes et cyclistes au Luxembourg. Heurtée par une voiture et souffrant de blessures importantes, la jeune cycliste de 22 ans doit probablement son salut à son casque. Mais malheureusement parfois les accidents prennent une tournure plus dramatique…Si 2020 fut une année particulière en terme de statistiques autour de la sécurité routière en raison du confinement et de la crise sanitaire, 35 cyclistes ont été victimes d’accidents graves et trois sont décédés. Si ces accidents sont pour la plupart imputables à la fatalité, ou à des chutes impliquant seulement le cycliste, ces chiffres sont en large augmentation par rapport aux précédents: en 2019 on recensait 22 accidents graves, en 2018 14 et 3 mortels, en 2017 et 2016 22 (dont 1 décès), alors que les années 2015, 2014, et 2013, n’avait connu «que» 17 accidents graves. Dans l’Union européenne, la part des cyclistes dans les accidents mortels est de 8%, mais tend à augmenter légèrement elle aussi. Au Luxembourg, l’asbl ProVelo.lu, anciennement LVI, promeut depuis trente ans la pratique du cyclisme, et défend les intérêts des pratiquants auprès des différentes institutions compétentes. En 2021, l’association compte environ 1600 membres, et voit depuis la crise sanitaire de nombreux curieux s’adresser à elle afin de mieux connaître notamment l’état du réseau cycliste au Luxembourg.

Un changement de mentalité

Depuis le Covid et pas seulement au pays, la mobilité à vélo devient un enjeu de plus en plus important et un thème récurrent. Yves Meyer de ProVelo.lu explique cette nouvelle donne: «Les gens cherchent des alternatives par rapport aux transports motorisés individuels, mais aussi les transports en commun, qui étaient évités au début de la crise du Covid. On remarque que la pratique du vélo augmente de plus en plus». Mais est-ce l’afflux de nouveaux cyclistes sur les routes et les pistes qui leur sont dédiées qui seraient la seule explication de l’augmentation du nombre d’accident? Selon Yves Meyer il y a plusieurs réponses à cette question: «Bien sûr le nombre plus important de cyclistes a une répercussion sur le nombre d’accidents qui ont lieu, mais d’autre part on est d’avis qu’il y a encore beaucoup d’améliorations à faire au niveau des infrastructures et en termes de sécurité routière. On remarque souvent que des axes principaux ne sont pas toujours accessibles en vélo à 100%, et que parfois ils doivent utiliser les voies ou il y a du trafic motorisé, ce qui met en danger les cyclistes, c’est une de nos préoccupations principales, pouvoir équiper les axes principaux au moins d’une bande cycliste, ou avec des infrastructures séparées et destinées à sécuriser les pratiquants». Si les mesures gouvernementales et dans les entreprises pour encourager la pratique du vélo se multiplient allègrement depuis quelques années, le Luxembourg se montre-il assez ambitieux en la matière? «A notre avis, il y a suffisamment de choses actuellement en train d’être planifiés. Le budget destiné aux infrastructures est là, le problème c’est que parfois certains dossier n’avancent pas à la vitesse escomptée. On se perd aussi un peu parfois entre les différentes compétences autour des pistes cyclables, parfois cela relève du ministère de la Mobilité, parfois c’est les communes… On a souvent des dossiers où il n’y a pas d’entente à ce niveau et on aimerait que la communication soit améliorée» estime Yves Meyer.

Les Pays-Bas et le Danemark comme exemple

ProVelo.lu aimerait aussi que les citoyens lambdas soient plus impliqués dans le processus de décision auprès des administrations, et tente donc d’améliorer le dialogue dans ce sens entre toutes les parties. Autre aspect à prendre en ligne de compte, le lien encore très important entre les automobilistes luxembourgeois et leur véhicule, que tous ne sont pas près à abandonner: «Il faut sensibiliser. On remarque qu’ici l’engouement pour l’automobile est très élevé. On a beaucoup de publicités qui nous bombardent chaque jour sur les nouvelles offres des constructeurs automobiles. La pratique de la voiture au Luxembourg est fortement ancrée dans les moeurs. Il faut sensibiliser les gens aux effets positifs du vélo, par exemple sur la santé physique et mentale, les réflexes…».Les exemples en matière de mobilité douce ne manque pas en Europe, et pas loin de chez nous les Pays-Bas, ainsi que le Danemark plus au nord, sont souvent cités en exemple et même de précurseurs dans le domaine de la sécurité routière. Mais au Luxembourg il existe des disparités fortes entre les réseaux néerlandais et luxembourgeois explique Yves Meyer. «Si l’on parle de liaison d’une région vers une autre ici au Luxembourg il y a encore des lacunes. Par exemple il y a une piste cyclable qui s’arrête au milieu de nul part et ensuite prendre la route. Au Pays-Bas et dans les Flandres il existe des autoroutes pour vélo. On a beaucoup de piste cyclable ici, mais elles sont plus utilisées à des fins touristiques, mais pas au quotidien». Dans les prochaines années, les chantiers et les aménagements concernant la pratique du vélo au Luxembourg ne vont en tout cas pas manquer. Dans la capitale, un pont devrait voir le jour afin de relier les quartiers du Cents et du Kirchberg, et les travaux devraient démarrer à la fin 2022 pour un investissement estimé à 18 millions d’euros. A Esch-Belval, l’investissement devrait être encore plus conséquent avec la construction d’une passerelle (voir notre article) destinée à relier la ville au quartier de Belval. D’autres chantiers sont en cours, mais cette fois en raison des fortes intempéries du 15 juillet dernier, qui a notamment emporté une partie de la voie de la PC3 entre Vianden et Schengen. Les pistes cyclables devraient en tout cas bénéficier d’une partie de l’enveloppe de 100 millions d’euros annoncée par Xavier Bettel au titre de la réparation des dommages causés par les pluies diluviennes.

Thibaut Goetz

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