Reprise post Covid : les communes misent gros sur le sport

La crise du Covid aurait pu tétaniser ou geler les ambitions des communes luxembourgeoises en matière de politique sportive, déplaçant les priorités ailleurs. Il n’en est rien, et ces dernières mettent au contraire les bouchées doubles sur les investissements structurels ou l’accompagnement des clubs. Les villes du Grand-Duché ont bien compris qu’étant un enjeu de santé public et l’un des derniers lieux de lien social fort, le sport devait rester au coeur de leur action.

Article issu du magazine Mental! #17

Mersch : Un projet à 80 millions d’euros et un accent mis sur les enfants

C’est le grand projet qu’attend  la ville de Mersch, sur le plateau Miescha Borg : un immense complexe sportif. « Deux terrains de foot au moins, deux parquets (un de basket, un de handball), une salle de judo, une de gymnastique, le tout sur 7 à 8 hectares », énumère Michel Reiland, premier échevin de la ville, également professeur de sport au nouveau lycée européen et vice-président de la fédération luxembourgeoise de basket, et qui a été pendant vingt-deux ans entraîneur national. « Il s’agit d’un projet à 80 millions d’euros, 100 si l’on ajoute la salle polyvalente prévue et une ou deux autres activités annexes. » Autant dire que quand on parle de sport, on ne lésine pas sur les moyens à Mersch…

« Ce nouveau complexe devait voir le jour aux alentours de 2024, mais ce sera plutôt 2028-2030 finalement », précise Michel Reiland. « Les lois ont changé en matière de construction et nous attendons de nouvelles autorisations. Nous devrions choisir l’architecte vers 2023. »

En attendant ce nouveau temple du sport, deux nouvelles salles devraient, en plus, voir le jour. Hélas, par-dessus la crise Covid, Mersch a aussi été touchée de plein fouet par les inondations de juillet dernier. « Cela nous a coûté cinq mois de retard dans tous nos objectifs. Mais on a vu beaucoup de solidarité, de l’État et aussi des autres communes », témoigne Michel Reiland, qui a vu un gymnase et plusieurs terrains inondés. Cette mauvaise passe appartient désormais au passé, et l’activité sportive a repris de plus belle. « On a rouvert toutes nos structures très vite, dès que cela a été possible, et en respectant les consignes sanitaires bien sûr. »

Outre ces investissements conséquents, Mersch mise sur sa jeunesse en matière de sport, avec le programme Fit Kanner Miersch, créé en 2006, qui permet à 400 enfants âgés de trois à douze ans de faire du sport toutes les semaines (Basket, football, handball, tennis, tennis de table, etc). « Nous avions embauché dans un premier un prof de sport, et nous en avons recruté un deuxième par la suite. Notre objectif est de partir de cette activité périscolaire pour amener le maximum d’enfants vers le sport, afin de leur donner envie d’intégrer les clubs de la commune par la suite. On aide les associations à susciter des vocations », explique le premier échevin.

Hors activité en club, Mersch fait aussi ce qu’il faut pour les sportifs du dimanche. « La ville a notamment la chance d’être propriétaire de 1150 hectares de bois, nous avons aménagé de nombreux chemins pour marcher, courir, faire du vélo. »  Pas mal pour une commune d’un peu plus de 10 000 habitants. « Il manque encore des choses, mais on réfléchit à tout ce qu’on pourrait développer », ajoute modestement Michel Reiland. Si tous les feux sont au vert en matière d’investissement et de développement, le prof de sport alerte sur une tendance observée avec la crise du Covid : « Nous constatons une fuite des bénévoles dans les associations, un vrai repli sur soi. Certains, avec cette épreuve, ont eu envie de faire autre chose, de se concentrer sur leur cocon plutôt que sur le collectif. Nous avons toujours des bénévoles sur des événements périodiques, mais moins sur un engagement continu et dans la durée. » Espérons que ce changement ne soit qu’une mauvaise période avant un nouveau regain d’engagement.

Strassen : Le karaté comme fer de lance et les seniors encouragés

A Strassen, le karaté tient une place particulière puisqu’il s’agit du plus gros club de la ville avec 517 licenciés. Jean-Claude Roob, échevin des sports, en est d’ailleurs le président et ce dernier est toujours arbitre international. Vient ensuite le Cercle d’éducation physique avec 481 licenciés, puis les Cavaliers indépendants luxembourgeois (équitation), qui en compte 394. Le football arrive après avec 357 inscrits et le volley avec 253. « Sur 10600 habitants, on a 2422 licenciés en club, on peut dire que c’est pas mal ! », se félicite Jean-Claude Roob.

En plus des clubs, la ville mène une politique de sport loisir, dont 210 habitants profitent aujourd’hui. Mais l’échevin des sports aimerait aller plus loin, notamment en pensant aux plus âgés : « Je projette d’attirer les plus de 70 ans sur des créneaux de sport loisir en leur proposant des cours spécifiques. 30 % de la population de Strassen a plus de 60 ans, il faut penser à eux. Nous devons leur apporter une offre sportive adaptée, surtout que c’est important de le permettre d’entretenir leur forme et leur santé. »

Pendant la crise du Covid, comme d’autres communes, Strassen a tout fait pour limiter les conséquences sur la pratique sportive de ses habitants : « Nous nous sommes adaptés aux consignes sanitaires afin de poursuivre les cours. Heureusement les restrictions, notamment sur le ratio nombre de participants/espace disponible, se sont vite assouplies. »

En matière d’investissement, la ville prévoit la construction, près de la piscine, d’un nouveau complexe avec deux terrains de football (un pour les matchs, un pour les entraînement) et un troisième terrain multisports extérieur. « Il s’agit d’un projet d’environ 25 millions d’euros voté en conseil municipal. Il y aura des gradins de 350 places et encore 150 places de l’autre côté du terrain. Les travaux devraient commencer l’année prochaine et nous espérons pouvoir profiter de cette nouvelle infrastructure d’ici deux ou trois ans », détaille Jean-Claude Roob. Sur l’ancien terrain de football, la ville prévoit de construire un campus d’école, sur lequel un nouveau hall omnisports verra le jour. « Mais pas avant 2028 », précise l’échevin des sports de Strassen.

Dudelange : Trouver l’équilibre entre la compétition et le loisir

A Dudelange, 21 000 habitants, une quarantaine de clubs, le sport tient une place indéniable. Outre la cote de son club de foot (400 licenciés pour le ballon rond, six terrains), la ville jouit d’une belle réputation : « En 2019, nous avons obtenu le prix de ville européenne du sport. Une vraie reconnaissance », rappelle Loris Spina, échevin des sports. Il faut dire qu’en 2015, la ville a inauguré l’énorme centre sportif René Hartmann, dont profite les écoles, les collèges, le lycée et les clubs de natation, de handball ou encore de basket. La structure est équipée d’une piscine, de deux gymnases, d’un mur d’escalade, d’une salle de fitness, d’une salle multisports pour les sports de combat, d’une buvette publique et d’une autre pour les clubs. Sans compter la piscine ouverte en rénovation juste à côté et qui rouvrira l’été prochain.

« Nous avons également des structures pour le sport loisir, avec des tables de tekball, des chemins aménagés pour les VTT dans la plus grande réserve naturelle du Luxembourg, un terrain de beach-volley, des terrains de baskets extérieurs, un grand skate-park. Nous faisons tout pour trouver l’équilibre entre le sport de compétition et le sports loisirs. Il est important que tout le monde puisse pratiquer, encore dans la période que nous traversons », souligne Loris Spina.

Côté compétition, l’échevin des sports ne lâche pas d’une semelle les clubs : « On essaye de relancer la machine après cette crise du Covid, notamment en donnant des subsides exceptionnels. Être à l’écoute des responsables est notre priorité aujourd’hui, nous sommes en échange permanent afin de les aider le mieux possible. » Pour lui, au-delà des clubs, le sport doit être un axe fort de la politique de la commune : « Notre service organise beaucoup de cours pour inclure le maximum d’habitants. Le sport est un énorme enjeu social. »

Esch-sur-Alzette : Un facteur d’inclusion et d’intégration

« Mon but principal est de toucher tout le monde : le haut niveau, les tout petits en leur donnant envie très tôt (ils ont droit à des cours le mardi et le jeudi en extrascolaire), les plus âgés avec le programme Fit60+ (des cours proposés aux seniors par la Ville). » A Esch-sur-Alzette, le sport est partout, central. Le fait que le bourgmestre, Georges Mischo, soit lui-même professeur de sport y est peut-être pour quelque chose. Ce dernier en fait en tout cas une priorité, et surtout, veut lever tous les freins, tous les obstacles, à la pratique : « Nous mettons notamment le paquet sur le handisport et il s’agit d’un énorme succès. La demande est telle que nous avons embauché un deuxième animateur sportif pour les cours qui leur sont dédiés. Nous avons d’ailleurs pour objectif de devenir centre national pour le handisport. »

La volonté du bourgmestre est de n’oublier personne : « Nous avons aussi un service de cours pour les femmes musulmanes qui ne voudraient pas s’entraîner  avec des hommes. Nous avons 122 nationalités à Esch, le sport doit être un facteur d’inclusion et d’intégration. »

Niveau infrastructures, la ville est bien équipée mais continue de se développer : « On a déjà les bâtiments COHS 1 et 2, on est en train de construire le troisième avec deux halls sportifs supplémentaires (pour les arts martiaux, la boxe, le tennis de table, et pour les matchs et les entraînements des enfants des clubs de sports co). En plus de ce projet, une nouvelle arène sera construite sur l’ancien site de BMW. Ce quatrième hall pourra accueillir 2000 spectateurs, les travaux débuteront l’année prochaine. Juste à côté, on va également construire le musée national du sport, un projet dans les cartons depuis 1986 et que j’ai décidé de relancer en lien avec le ministère. »

Ce besoin d’expansion et d’investissement dans de nouvelles infrastructures est une impérieuse nécessité, vue la croissance impressionnante de la ville : « D’ici 2035, il y aura 55000 habitants à Esch, contre 37000 aujourd’hui. Toutes nos plages horaires pour le sport sont complètes. Pour répondre à une demande toujours plus forte, on se doit de faire ces investissements », conclut Georges Mischo. En parallèle de ces nombreux projets, une nouvelle tribune est prévue pour la Jeunesse d’Esch, et nouveau centre de tennis devrait voir le jour (au stade des études de faisabilité à l’heure actuelle).

Differdange : La SportFabrik débarque pour le haut niveau

C’est le gros projet à venir pour la ville de Differdange : « La SportFabrik  va ouvrir à Oberkorn et constitue une structure unique au Luxembourg et dans la Grande Région. », dévoile Paulo Aguiar, échevin des sports.  « Un centre national de diagnostic sportif à la pointe de la recherche accompagnant et améliorant nos sportifs d'élites dans leurs performances et pouvant tout aussi bien se révéler précieux dans tout type d'analyses de la motricité humaine. » Une structure élanorée en partenariat avec le ministère des Sports, des membres du COSL et des dirigeants de la clinique du sport à Eich. « Par ailleurs, nous préparons le budget 2022 avec davantage de manifestations sportives auxquelles les clubs pourront participer et se faire connaître. Je tiens aussi à signaler que le centre sportif Jonh-Scheuren à Oberkorn et le Bock sont en train d’être rénovés. Pour 2024, nous aurons de superbes infrastructures sportives pour nos écoles, nos maisons relais et nos clubs. »

Au-delà du haut niveau et des infrastructures, la ville de Differdange propose également ses propres cours « qui s’adressent à toute la population avec entre autres comme objectif de promouvoir une meilleure santé à travers l’exercice physique. Dans le même esprit, nous essayons aussi de mettre en place des synergies entre les maisons relais et les clubs sportifs pour permettre aux enfants de pratiquer leurs sports préférés », précise Paulo Aguiar. La ville a d’ailleurs obtenu le label de City of sport, « et ce n’est pas un hasard ». Une cinquantaine d’associations composent le tissu sportif differdangeois. L’échevin des sports souhaite aussi améliorer la communication et l’information entre tous les acteurs : « Je suis en train de mettre en place, avec les services communaux concernés, une plateforme en ligne du sport differdangeois sur laquelle les gens trouveront les dates de toutes les rencontres et événements sportifs de notre ville. » Surtout avec la reprise crescendo post Covid : «  On sent chez les habitants l’envie de profiter de cette liberté que l’ont croyait acquise, mais qui a été mise à mal. »

Luxembourg Ville : De plus en plus de demandes, de moins en moins de place

C’est la grosse problématique à laquelle va être confrontée la Ville de Luxembourg dans les années à venir : l’espace, la place ! « Nous avons les moyens, de l’argent, mais maintenant on ne sait plus trop où et comment on va pouvoir agrandir les structures existantes ou en construire de nouvelles », constate Simone Beissel, l’échevine des sports. « Essayer d’implanter un maximum d’infrastructures est pourtant la première de nos trois grandes priorités. » Le programme pluriannuel est calé jusqu’en 2040 ! « La demande des clubs est énorme et ils commencent vraiment à avoir du mal à accueillir tous les licenciés. »

Les chiffres font déjà tourner la tête : aujourd’hui Luxembourg c’est 125 000 habitants, 170 nationalités, 175 infrastructures sportives pour 168 clubs sur la ville. Et les projets colossaux sont déjà en route, « comme le stade d’athlétisme à Hamm qui remplacera José Barthel. Nous en sommes au stade des planifications, on espère l’inaugurer dans environ sept ans. Tout un campus sera construit autour, les terrains de foot seront agrandis, un nouveau hall verra le jour. C’est un projet d’une envergure encore plus grande que le stade national », détaille Simone Beissel. Plusieurs autres projets de halls et de piscines sont en cours. « Il faut qu’on agrandisse tout, qu’on pousse les murs, mais on a vraiment de plus en plus de mal à trouver de la place. »

La deuxième priorité pour l’échevine au sports est d’entretenir l’existant : « Pour cela, le Covid a eu parfois un effet positif, nous permettant de faire des rénovations et de l’entretien, quand cela n’a pas été limité par la fermeture de certaines entreprises. »

Enfin troisième priorité, les aides aux 168 clubs… « On fait dans la mesure du possible », introduit Simone Beissel, avant de développer : « Pour commencer nous prenons en charge toutes les dépenses d’énergie des clubs, alors qu’à la base ils gèrent leurs propres infrastructures. Ensuite nous avons lancé une nouvelle politique en matière de subsides, avec tout un accompagnement social derrière. On verse notamment un subside par compétiteur, 275€ par an et par sportif à partir du moment où il fait de la compétition (une compétition minimum dans l’année). Cette mesure représente 900 000€ au total. » A noter que pendant la crise du Covid, la Ville a maintenu les mêmes subsides qu’en 2018/2019 malgré l’absence de compétition, afin d’aider les clubs à traverser au mieux cette épreuve.

En plus de ces ambitions et cet accompagnement des clubs, Luxembourg n’oublie pas le sport loisir : « Nous avons un programme de sport pour tous avec 150 cours différents par semaine, en intérieur et en extérieur. On essaye d’innover et d’intégrer de nouvelles disciplines. On fait tout pour être à la pointe et rester attractifs », explique l’échevine des sports. Chaque été, 300 enfants profitent de stages sportifs organisés au Luxembourg ou à l’étranger. Enfin, après la crise due à la pandémie, quid des grandes manifestations sportives ? « On travaille sur la reprise des grands événements, mais cela dépend des organisateurs et de l’évolution de la situation sanitaire. On reste prudents. »

François Pradayrol

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