Les véhicules militaires ont aussi leur héritage

quadriga [kwä-ˈdrē-gə]. Nom, du latin quatuor, qui signifie quatre, et jungere, ensemble. Un quadrige est un char antique monté sur deux roues, attelé de quatre chevaux disposés de front.

C’est aussi le nom choisi par une association luxembourgeoise de collectionneurs de véhicules militaires.

Jeudi 21 octobre, 18h30. Ce soir-là, la longue route dans un temps pluvieux et dans une nuit qui se fait noire de plus en plutôt nous amène quelque part dans un petit village de l’Est du Grand-Duché, où nous devons rencontrer Christian Wagener. Arrivé devant le lieu de rendez-vous, nous savons tout de suite où nous sommes. Une moto militaire et des mannequins en treillis derrière les vitres nous feraient presque penser à l’entrée d’un musée. Nous découvrons alors notre protagoniste, policier de métier et passionné de véhicules militaires. Il nous ouvre les portes de ses garages et l’on aperçoit, entre autres, sa Jeep Willys ou encore son camion GMC. Mais les intempéries du jour nous ramènent au sein de sa maison, où il se met à raconter avec passion ce à quoi il voue beaucoup de temps à travers, notamment, l’association Quadriga, dont il est le président depuis 2014.

Cette association, qui a pour objectif de collectionner, de restaurer et de conserver des véhicules militaires alliés de la Seconde Guerre mondiale, regroupe une centaine de membres qui, pour le coup, ne font pas seulement de la collection qu’on pourrait qualifier de « statique » : ces véhicules, ces vieilles bécanes, ces camions, ils les roulent encore ! Leur devise, c’est « Keep’em Rolling ». Continuer à rouler donc, à travers des événements où ces passionnés se réunissent régulièrement, que ce soit au Luxembourg ou à l’étranger. « Nous faisons beaucoup de meetings en Belgique ou aux Pays-Bas. Les belges et les hollandais sont très passionnés » nous avoue Christian Wagener.

« Trouver une Jeep en France ou en Allemagne, c’est simple, mais chez nous tous nos véhicules ont une histoire luxembourgeoise »

Cette passion, elle lui est venue de ses parents. « Ils ont participé à la seconde guerre mondiale. Ils ont célébré les libérateurs, les américains, donc je suis un passionné depuis tout petit. Ça a commencé avec une Jeep, et puis on a continué ». Ce qui l’intéresse, lui et sa bande de passionnés, c’est tout d’abord, et évidemment, « des originales. Il y a eu beaucoup de copies entre temps, donc c’est une vraie recherche ». Et puis, c’est « toujours sur une base de restauration », car en plus d’être fous de véhicules militaires, ce qui les bottent, c’est aussi la mécanique. « On ne cherche jamais quelque chose de fini » ajoute Christian, qui aime tout autant les vieilles voitures non militaires. « Quand on est collectionneurs de vieilles mécaniques, on apprécie aussi bien des véhicules militaires que des véhicules ‘’normaux’’ ». 

Préserver une histoire luxembourgeoise

La recherche de véhicules, Christian et les membres de son association ne la font pas sur internet mais « souvent par des amis passionnés qui ont entendu qu’il y avait quelque chose dans le coin ». Des recherches dans le coin pour quelqu’un qui prend à coeur de trouver uniquement « des véhicules qui ont eu une histoire au Luxembourg, qui sont restés au pays. C’est simple de trouver une Jeep en France ou en Allemagne, mais tous nos véhicules ont une histoire luxembourgeoise ». Une histoire qui mérite d’être remémorée, racontée et poursuivie au fil des années. Hélas, la jeune génération, peut-être plus détachée de cette époque, est moins intéressée par cet héritage. « Il n’y a pas beaucoup de jeunes et c’est un grand problème. Aujourd’hui, pour s’acheter une Jeep Willys il faut 20 ou 25 000 euros, voir 30 000 euros pour les plus rares. Donc au niveau du prix, c’est déjà compliqué. Et puis, l’histoire est de plus en plus oubliée. Le souvenir, la mémoire de ce temps, ça disparaît peu à peu… » regrette Christian Wagener. 

« Le cinéma et des films comme Fury ou Il faut sauver le soldat Ryan ont fait exploser les prix des véhicules militaires »

Un désintéressement qui s’ajoute donc à un coût évidemment conséquent. Car pour acheter certains véhicule de ce type, « on commence tout de même dans les dix-sept, dix-huit mille euros. ». Des voitures qui ont vu leur valeur augmenter brusquement avec… le cinéma. « Des films comme Fury ou Il faut sauver le soldat Ryan ont fait exploser les prix. Pour vous donner un exemple, notre Jeep, on l’avait acheté six, sept mille euros en 2005. Aujourd’hui, ça vaudrait trois fois plus cher ». Si les bonnes affaires restent parfois possibles, à l’image « du camion que nous avons trouvé, tout démonté, on l’a eu à 2 000 euros. », dénicher des pièces originales devient parfois une casse-tête. « Beaucoup d’armées ont relâché les GMC il y a seulement 20 ans, donc on trouve encore des pièces d’origine. Mais pour les véhicules les plus anciens, vous ne trouverez presque plus de volants ou de moteurs originaux, c’est devenu très rare ».

19h15. Notre rencontre touche à sa fin et Christian Wagener me raccompagne vers la sortie en me racontant quelques anecdotes de hollandais qui s’arrêtent devant sa porte en contemplant l’intérieur de ce qui semble être un musée. Si les véhicules militaires de la Seconde Guerre mondiale sont des vestiges d’un temps révolu, Christian, lui, continue de faire vivre cet héritage, que ce soit pour alimenter sa passion de la mécanique ou pour se remémorer une époque que nos ancêtres ont connu, il n’y a finalement pas si longtemps que cela.

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