Le golf, sauvé par la franc-maçonnerie ?

Pour une fois, les amateurs de complots n’auront pas nécessairement tort. Car voici définitivement une situation qui serait totalement différente dans ce petit monde si les francs-maçons n’avaient pas existé. Le golf, l’un des sports les plus pratiqués sur terre, ne serait en effet pas devenu si populaire sans la présence assidue sur les parcours de cette organisation qui fascine tant une frange de la population. Retour sur la genèse du golf entre Chine, Hollande et Écosse, et point sur le rôle primordial de la franc-maçonnerie.

Des origines multiples et contestées

Certaines histoires sont belles du fait des côtés surnaturels qui les entourent. D’autres sont magnifiées par des héros inoubliables, empreintes de bravoure, de force, ou tout simplement de folie. Reste ensuite une catégorie, qui se nourrit d’une genèse soumise à un débat constant et à des historiens qui s’écharpent autour de la prétendue vérité. Le golf fait assurément partie de cette dernière. 

Certains disent que les origines de cette discipline proviennent tout simplement de l’Empire romain, avec un jeu intitulé panagica, qui consistait à envoyer une balle en cuir vers un objectif prédéterminé. Une théorie souvent refroidie par l’absence de preuves attestant que cette discipline se pratiquait avec un bâton et non avec les mains. D’autres arguent que la genèse du golf remonte à fort loin, en terres chinoises, dès le XIe siècle, avec la pratique du chuiwan, jeu se rapprochant de la discipline pratiquée aujourd’hui, avec de franches similarités. Certains prétendent même que ce sport aurait été créé en Écosse où des bergers, pour passer le temps, auraient frappé dans des galets ronds à l’aide de leur bâton dans le but de les glisser dans des terriers de lapins. Tant de théories qui ne peuvent réellement être confirmées ou infirmées, tant certaines pièces du puzzle manquent.

La pensée dominante, elle, consiste tout de même à appuyer sur une véritable genèse de la discipline en Hollande, dès 1297. On retrouve en effet des traces écrites d’un jeu au nom fort similaire, colf, qui consistait à taper une balle avec un bâton et à l’envoyer vers un but précis. La pratique connaît un engouement réel puisque dès 1350, les autorités doivent mettre des amendes aux joueurs qui, sans parcours, exercent l’activité partout et n’importe où, rendant la vie dans la ville compliquée. En 1360, une loi l’autorisera à nouveau, à condition que celui-ci soit pratiqué en dehors des limites de la cité. Un jeu qui va se développer au point de voir les premières mentions de parcours et de fairways en 1483, à Haarlem. Forte d’une popularité croissante, la discipline va néanmoins pratiquement disparaître au XVIIe siècle, avec l’explosion des jeux d’intérieurs et de société.

On retrouvera alors le golf du côté de l’Écosse où les Hollandais – toujours eux – de plus en plus implantés dans le pays, font revivre un sport jadis populaire, se prêtant parfaitement aux conditions météorologiques. D’abord établi sur la côte est de l’Écosse, le golf va, petit à petit, embraser tout le pays. Un succès que l’on doit en grande partie aux… francs-maçons.

Les francs-maçons, sauveurs du golf 

La franc-maçonnerie, qui remonte au Moyen Âge, était un ordre au départ voué aux secrets de l’art de bâtir. Composé de tailleurs de pierres extrêmement talentueux, il grandit dans la solidarité et dans le secret le plus total et prend une part de plus en plus importante au sein de la société. L’arrestation des Templiers en France en 1307 va néanmoins mettre un sérieux frein au mouvement, dont de nombreux membres décident alors d’émigrer en Écosse.

Les francs-maçons, initialement constitués de bâtisseurs en majorité, doivent, pour survivre, ouvrir leurs portes à d’autres professions. Avocats, médecins, officiers rejoignent alors petit à petit le mouvement, qui retrouve de sa splendeur et obtient un rôle d’une influence certaine dans le monde. Alors que le golf, lui, perd en popularité, il trouve en cette caste des passionnés avides. La discipline permettait en effet de se dépenser sans trop suer, y compris pour des personnes d’âge avancé, avant de festoyer dans des dîners mémorables et particulièrement arrosés. Ce sport devient de loin la pratique préférée des francs-maçons, qui voient là l’occasion idéale pour se retrouver à l’abri des regards, mais aussi de faire travailler leur réseau et de rencontrer d’autres membres capables d’aider au développement personnel. Les francs-maçons sont même à l’origine du club-house installé à proximité immédiate des parcours de golfs. Là, ils pouvaient s’adonner à deux de leurs occupations favorites : se réunir discrètement au chaud et, ne nous mentons pas, se la coller sévère. Les banquets procèdent alors d’un véritable cérémonial. On dîne en uniforme, vêtus d’une veste rouge, de knickers noirs, mais aussi de chaussures vernies à boucle et bas blancs, soit le swag de l’époque.

Ces réunions sont alors également l’occasion de faire vivre la franc-maçonnerie et d’étendre sa suprématie. De nouveaux membres sont d’ailleurs élus dans un style propre à cette association : dans une boîte close, chacun des participants glisse à son gré une boule blanche ou noire. Il suffit d’une seule boule noire et anonyme pour que le postulant soit refusé. Si cette première étape est franchie, il faut alors réussir une épreuve où le candidat est testé sur ses capacités physiques et mentales. Le capitaine a aussi le privilège d’élire chaque année 3 nouveaux membres par unepoignée de main.

La passion du jeu ne tarde cependant pas à prendre le pas sur l’amour de la bonne chère. Amoureux des paris, les francs-maçons organisent tournois et compétitions et commencent à codifier le golf avec des règles de plus en plus précises. La création de clubs afin de supporter la vague lancée par ces adeptes de la discipline devient conséquente. Les tournois également. La machine est lancée, et elle ne s’arrêtera jamais de tourner.

Si la franc-maçonnerie a assurément sauvé le golf en Écosse en offrant, après de nombreuses années, un regain de popularité au sein de la population, nombreux sont ceux qui estiment que ce mouvement a aussi permis de démocratiser le sport à travers le monde. En effet, nombre de ses membres voyageaient assez régulièrement sac de golf dans les bagages, et sont ainsi devenus des ambassadeurs de ce sport dans des contrées lointaines.

De fil en aiguille, un grand nombre de pays se sont ainsi rendu compte de l’intérêt d’élargir la pratique, voyant rapidement le potentiel financier dans cette discipline prisée par des personnes aux poches bien pleines. États-Unis, Inde, Australie… la liste des pays s’intéressant avec de plus en plus de passion au golf est aussi longue que le nombre de nations sous l’égide de l’Empire britannique d’alors.

Il faudra d’ailleurs attendre 1856 pour que le tout premier parcours soit créé dans un pays hors des territoires ou possessions du plus grand empire au monde de l’époque. Et c’est en France, à Pau précisément, qu’un premier golf vit le jour, ce qui explique encore aujourd’hui une présence conséquente d’habitants anglais au sein de la ville. 

Si le rôle de la franc-maçonnerie par le passé, et aujourd’hui encore, est toujours empreint d’un flou et d’un mystère assez conséquents, alimentant ainsi fantasmes et théories loufoques, il y a pour une fois assez de preuves et traces écrites pour confirmer que l’association a en effet sauvé le golf. Parfaitement adaptée aux mœurs et à la classe sociale de ses membres, la discipline n’aurait certainement pas pris le même essor sans cette pratique assidue des francs-maçons. Il n’est d’ailleurs pas impossible d’affirmer que, potentiellement, ce sport aurait pu disparaître dans les abîmes. À ce titre, et nous n’aurions pourtant jamais, au grand jamais, pensé prononcer ces mots : merci la franc-maçonnerie.

Le Luxembourg, conquis en 1936

Il faudra attendre le XXe siècle pour voir le premier golf au sein du Grand-Duché. C’est en 1936 que le Golf-club grand-ducal ouvre en effet ses portes. Le 13 juin de cette même année, cette institution mythique effectue une inauguration du parcours en présence de la grande-duchesse Charlotte et du prince Félix de Luxembourg, à qui revient l’honneur de frapper la première balle. Si la Seconde Guerre mondiale va évidemment mettre un coup à la discipline, le golf doyen retrouvera ses fonctions dès 1948, et n’a depuis jamais cessé de grandir.

On a golfé sur la Lune !

Le 6 février 1971, Alan B. Shepard et son équipage atterrissent sur la Lune. Le commandant d’Apollo 14 descend alors sur le satellite naturel de la Terre, devant les yeux émerveillés de millions d’Américains qui ne savent pas encore qu’ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Car Shepard a préparé un « coup », au nez et à la barbe de tous, équipage et Nasa compris. L’astronaute parvient à sortir un fer 6 de son costume, et quatre balles. Alors, l’éternel passionné de golf tape quatre coups pour la postérité. Si les trois premiers sont objectivement moyens, la dernière balle, elle, fuse. « Nous avons lhabitude de dire que c’était le plus long coup de lhistoire du monde parce qu’il n’a pas encore atterri », rira le célèbre instructeur de golf Butch Harmon. En réalité, le coup aura une distance d’approximativement 182 mètres. Pas le plus fou, mais ne soyons pas trop difficiles : après tout, Alan B. Shepard a tout de même propulsé le golf dans l’espace.

Gentlemen only, ladies forbidden ?

C’est une rumeur tenace qui continue à être relayée par un grand nombre. L’idée que le terme « golf » serait en réalité un acronyme signifiant « Gentlemen only, ladies forbidden » est aujourd’hui encore vue comme un secret de polichinelle par certains. Alors, vrai ou faux ? 

Pour nous, il n’y pas le moindre doute. Si cet acronyme a pendant de longues années été en adéquation avec cette discipline qui a longtemps fermé ses portes aux femmes, l’origine du nom de ce sport n’est absolument pas basée là-dessus. « Golf » n’est simplement qu’un mélange des termes « gouf » et « gowff » signifiant respectivement bâton en hollandais et en écossais gaélique. On retrouve d’ailleurs l’utilisation officielle du terme dès le XVIe siècle, à l’image des registres officiels du roi James IV. Dommage, l’histoire était belle…

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