Avec la mort de Frank Williams disparait le dernier des « garagistes »

Ce dimanche 28 novembre est décédé le fondateur de l’écurie de Formule 1 Williams, dont il sera resté le patron durant cinquante ans, cumulant au total neuf titres des constructeurs et sept des pilotes. 

C’est une histoire comme la Formule 1 n’en propose (et n’en proposera) malheureusement plus. Celle d’un passionné de sport automobile, parti de rien pour créer une des écuries les plus victorieuses en championnat du monde de Formule 1. Nous sommes alors dans les années 60, et les petites structures privées britanniques sont nombreuses à vouloir se frayer un chemin vers la plus prestigieuse des compétitions de monoplace. D’abord pilote amateur, Frank Williams comprend vite que son principal talent n’est pas le maniement du volant. Il laisse cela à son ami Piers Courage dont il deviendra le manager. 

Lors de ses débuts en F1 en 1969, l’écurie Williams engage d’anciens châssis Brabham avec tout d’abord quelques coups d’éclat, notamment à Monaco et Watkins Glen. Puis vient une saison 1970 qui tournera au fiasco avec un châssis De Tomaso totalement dépassé. Mais le pire intervient le 21 juin 1970, lorsque Piers Courage meurt à 28 ans dans le brasier de sa monoplace à Zandvoort. 

Des débuts tortueux

Williams décide ensuite de construire ses propres monoplaces, mais après avoir crée son écurie sous son nom propre, il en perd le contrôle au profit de son ancien sponsor Walter Wolf. Mais dès 1977, Frank Williams fait son retour avec Williams Engineering. A ce moment, débute alors l’association qui va faire le succès de l’équipe dans les années futures lorsque Williams embauche un jeune ingénieur du nom de Patrick Head. 

En 1979 avec la FW07 wing-car, l’écurie récolte ses premiers succès en F1. La première victoire arrive à mi-saison lorsque Clay Regazzoni s’impose à Silverstone. Alan Jones sera pas très loin du titre, mais finalement c’est en 1980 que l’Australien deviendra le premier pilote champion du monde au volant d’une Williams. Cette année-là et en 1981 l’écurie décrochera ses premiers titres constructeurs, tandis qu’à l’issue d’une saison 1982 qui tournera au jeu de massacre, Keke Rosberg est sacré champion. 

Tétraplégique depuis 1986

Les années 80 voient l’émergence des surpuissants moteurs turbo, et Frank Williams a une nouvelle fois le nez creux en s’alliant avec le constructeur japonais Honda, de quoi retrouver les sommets. Mais en 1986 la vie de l’homme d’affaires britannique va basculer. Pressé de regagner l’aéroport de Nice après une séance d’essais sur le circuit du Castellet, il est victime d’un grave accident de voiture. Tétraplégique, il perd l’usage de ses jambes à l’âge de 44 ans. Après quelques mois loin des circuits, il retrouvera le commandement de son équipe qui signe cette année-là une nouvelle victoire dans le championnat des constructeurs même si le titre pilote échappe à Nelson Piquet et Nigel Mansell. 

En 1987 l’écurie de Grove signe le doublé, et Piquet devient triple champion du monde. Mais à la fin de cette saison, Honda quitte Williams pour motoriser McLaren. Il faudra attendre 1989 et l’arrivée de Renault pour retrouver la performance, avant l’ouverture de la page la plus glorieuse de l’écurie. De 1992 à 1997, les Williams sont en effet de loin les monoplaces les plus performantes du championnat, et glanent cinq titres pilotes et constructeurs, avec Nigel Mansell, Alain Prost, Damon Hill puis Jacques Villeneuve. En 1994, un autre drame frappera l’équipe avec la mort du triple champion du monde brésilien Ayrton Senna, entraînant des poursuites judiciaires en Italie envers Frank Williams et Patrick Head. 

Le lent déclin

Renault quitte Williams fin 1997, et l’écurie va alors connaître un lent mais irrémédiable déclin. L’association avec BMW redonne des couleurs aux monoplaces de Frank Williams, qui manquent de peu le titre en 2003. Et si les succès deviennent rares, celui qui a été anobli au rang de Sir par la Reine Elizabeth II en 1999 se refuse à lâcher les rênes de son écurie dont il contrôle les parts à hauteur de 70%, faisant de lui le dernier indépendant en F1. 

L’association avec Toyota de 2007 à 2009 n’apportera pas les résultats escomptés. Williams retrouve donc Renault de 2010 à 2013 mais l’alchimie gagnante des années 90 ne sera pas au rendez-vous. Seule éclaircie dans la grisaille, la victoire de Pastor Maldonado au Grand Prix d’Espagne 2012, toujours la dernière en date de l’écurie. En 2013 Frank Williams nomme sa fille Claire directrice-adjointe et lui confie peu à peu la direction totale des opérations. L’ère hybride de la F1 entamée en 2014 va voir la prestigieuse écurie reculer irrémédiablement dans la hiérarchie, et se battre pour éviter les dernières places…

L’arrivée de Mercedes comme motoriste permet de revigorer quelque peu l’équipe, grâce aussi aux performances du jeune George Russell. Mais Claire Williams en raison d’une situation financière délicate doit se résoudre dans le courant de l’année 2020 à vendre l’écurie familiale au fonds d’investissement américain Dorilton Capital. Le 3 septembre l’annonce est officialisée à la veille du Grand Prix d’Italie, et ce jour-là marquait sans doute une première mort pour Frank Williams qui s’est éteint dimanche à l’âge de 79 ans.

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