Marcel Wagener : « Des joueurs qui viennent pour un paquet de chips et un Coca, c’est fini »

Le président du T71 Dudelange s’est confié à Mental! sur ce qui a fait la réussite de la dernière saison exceptionnelle de son club, terminée avec un titre de champion de Luxembourg pour les hommes et pour les femmes.

Tout d’abord, félicitations pour vos deux titres de champion du Luxembourg la saison dernière. Est-ce que cet exploit, si on peut l’appeler comme ça, a été une surprise pour vous ?

Oui et non. Je l’avais dit au départ, avec l’équipe féminine qu’on avait monté pour cette saison j’étais très confiant et je savais que nous étions parmi les meilleurs. J’ai eu raison puisque ça s’est concrétisé. Un exploit oui, mais ce n’est pas non plus une véritable surprise ni un miracle. C’était quelque part attendu étant donné que nous avions de très bonnes joueuses avec le recrutement de deux ex-professionnelles avec Mandy Geniets et Nadia Mossong.

Chez les hommes, j’avais dit au départ que si nous avions la chance de ne pas avoir de blessés, notamment chez nos cadors Tom et Frank. Si on les avait du début à la fin et que nos deux américains confirmaient ce qu’ils avaient montré lors du début de saison, je savais qu’on partirait au moins pour les demies-finales. Maintenant, finir champion est un exploit puisqu’on ne l’avait pas forcément prévu au départ, même si on l’avait dans un petit coin de notre tête. Il y avait des favoris comme Esch ou Etzella donc c’était une petite surprise, c’est vrai.

Du coup, au niveau masculin, ce n’était pas forcément un objectif ?

C’est difficile à dire. Quand on a Tom (Schumacher, ndlr) et Frank (Muller, ndlr) dans l’équipe on joue toujours pour le titre. De là à voir qu’on finirait champion à la fin de la saison, ce n’était pas forcément prévu. Espéré oui, objectif final non.

Et du côté des féminines ? Cela faisait 12 ans qu’elles n’avaient plus été championnes…

Du côté des féminines, oui. En tout cas de mon point de vue, c’était un réel objectif. 

Est-ce que c’est le retour du T71 en tant que favori pour le titre ?

Chez les femmes oui. Chez les hommes, c’est un peu plus compliqué dans la mesure où nous ne savons pas à quel point et à quelle vitesse les nouveaux s’intègreront et joueront ensemble en tant qu’équipe. C’est plus difficile de faire des pronostics. On a quatre à cinq nouveaux joueurs et il serait un peu osé de nous voir tout de suite jouer pour le titre. Un objectif réaliste serait de terminer dans les demi-finalistes, c’est-à-dire les quatre premiers.

Souvent, la réussite des clubs ne réside pas seulement dans l’aspect sportif mais aussi dans l’organisation en elle-même… Comment êtes-vous structuré pour agir au mieux ?

Je suis président du T71 depuis 2004, donc dix-sept ans. Ça va donc être ma dix-huitième saison à la tête du club. Nous avons eu une grosse série de titres de champions, à savoir six titres de champions et cinq coupes de Luxembourg chez les hommes, et deux titres de championnes ainsi que deux coupes chez les dames. Donc du point de vue des titres, nous sommes gâtés. 

Je dirais que notre force réside dans notre très grand nombre de bénévoles qui aident le club dès que nous en avons besoin. C’est l’un de nos atouts. Notre deuxième atout est d’avoir des commissions, des teams, plus ou moins autonomes qui savent ce qu’elles font. Le T71, ce n’est plus une ASBL, c’est une PME, avec des salariés, des entraineurs à temps plein, quelques professionnels. On ne peut plus parler d’amateurisme pur mais plutôt de semi-professionnalisme. Notre grande force, c’est d’avoir ces sections autonomes qui font que le club tourne. Il y a une team catering, une team sportif, une commission des finances, une commission des jeunes, une team qui s’occupe des appartements pour les professionnels… Donc il y a plusieurs entités qui fonctionnent bien au club et nous, en tant que comité et président à la tête du comité, ma tâche principale est de faire fonctionner ces groupes, d’avoir toujours l’harmonie et la bonne entente entre les différentes entités, et c’est ce qui nous mène à être un très grand club. 

Il faut aussi des finances solides. Vous savez, il n’y a plus de joueurs de haut niveau qui viennent jouer à Dudelange pour du coca et un paquet de chips, c’est terminé ça (rires) ! Il faut être honnête et savoir qu’il faut du bénévolat, de l’engagement et de l’argent. Et tout ça, avec le soutien de notre commune et un merveilleux centre sportif, ça marche. Mais c’est un challenge permanent, d’un point de vue sportif, financier, organisationnel, au niveau de l’entente entre les diverses commissions. 

Vous parlez du soutien de la commune de Dudelange, dans quelle mesure elle intervient pour vous apporter une aide ?

Déjà, il y a ce superbe centre sportif dont on a quasiment le plein potentiel étant donné qu’avec le basket, nous avons chacun notre salle. Nous n’avons donc pas de problèmes avec d’autres clubs pour gérer la salle. Il y a aussi tout le service des sports de la commune qui nous aide à préparer la salle quand nous recevons du monde, sortir les tribunes… Dès qu’il y a des problèmes techniques, ils sont là. Donc c’est déjà un gros soutien qu’on a de la commune pour le fonctionnement du club. On en profite largement et c’est un attrait pour le sportif. Quand il doit prendre la décision d’aller soit à Dudelange soit ailleurs, ça dépend beaucoup des infrastructures. Et là, nous sommes bien lotis.

Pour revenir sur le plan sportif, est-ce qu’être champion du Luxembourg a mis des projecteurs sur certains de vos joueurs qui ont pu être plus sollicité que d’habitude par d’autres clubs durant le mercato ?

C’est difficile à dire, parce que nos deux meilleurs joueurs des vingt dernières années, Tom Schumacher et Tom Muller, ne m’ont jamais signalé qu’ils avaient été contactés par d’autres clubs, mais il faut dire qu’au départ ils ne changeaient jamais, donc c’était quelque part un agreement entre nous trois. Ça a fonctionné pendant dix-sept ans avec un accord verbal. Des nouveaux joueurs qu’on a eu, on part tout de même sur des contrats. S’ils ont été sollicités par d’autres clubs, oui, mais nos anciens meilleurs joueurs ont terminé leur carrière, d’autre joueurs n’ont pas été contactés. Nous, par contre, nous avons contacté des joueurs luxembourgeois à fort potentiel, et avec ces joueurs, nous voulons former une toute nouvelle équipe, mais on ne sait pas combien de temps ça prendra.

On imagine qu’avoir le statut de champion permet aussi d’attirer plus facilement certains joueurs…

Oui, je pense que c’est plus facile de les attirer. Mais le plus important, à mon avis, c’est l’entraineur. Le premier critère, chez les joueurs de haut niveau au Luxembourg, c’est l’entraineur. La première question qu’ils nous posent, c’est « qui est l’entraineur la saison prochaine ? ». Avec Ken (Diederich, ndlr), nous avions un des meilleurs si ce n’est le meilleur luxembourgeois du pays. Aujourd’hui, il nous a quitté et je pense que nous avons fait le bon choix en recrutant Denis Toroman qui a fait ses preuves à la FLBB (Fédération luxembourgeois de basket-ball) et qui a été joueur de haut niveau. D’après ce que j’ai entendu des joueurs pendant la phase de préparation, c’est un excellent coach, donc je pense que nous avons posé la première pierre de l’édifice et que beaucoup de joueurs se décideront à venir au club. 

Ensuite, la renommé du club pèse aussi dans la balance. Le T71, cela devient une institution au Luxembourg maintenant. Et enfin, comme je vous l’ai dit, il ne faut pas être naïf et se dire que les très bons joueurs viendront jouer gratuitement et qu’ils viennent seulement pour le nom, l’entraineur et la ville. Non, il y a aussi l’argent qui joue un rôle chez des bons jeunes joueurs. On ne parle évidemment pas des mêmes chiffres que dans d’autres sports collectifs mais il est vrai qu’il n’y a plus de joueurs qui jouent pour des

On a la chance d’être solides d’un point de vue financier. On a travaillé dur pour y parvenir puisqu’au début, il y a dix-sept ans, nous avions un budget de 150 000 euros. Aujourd’hui, nous avons un budget de 450 000 euros, donc ça a bien changé mais pour y arriver, nous avons bien travaillé. 

Est-ce que la crise du Covid vous a affaibli de ce point de vue ?

Beaucoup moins que nous le craignions, notamment du fait que nos fidèles sponsors sont restés. Là aussi, je pense que nous avons profité de notre renommée. Le T71 et les sponsors, c’est une histoire qui marche et dans les deux sens. Nous avons des sponsors qui ne s’arrêtent pas au moindre pépin et qui sont fidèles, du moins les plus importants. C’est aussi l’un de nos atouts : garder nos sponsors au-delà des crises et de saisons où nous ne sommes pas aussi forts que d’autres. Il n’y a pratiquement aucun sponsor qui nous quitte, mais je touche du bois (rires) ! Même le Covid n’a pas réussi à nous mettre à genou.

Avez-vous une stratégie de formation des jeunes joueurs ?

Oui. Tout d’abord, nous sommes représentés dans toutes les catégories d’âge, que ce soit pour les filles ou les garçons, ce qui est déjà un atout. Pour le développement, c’est toujours difficile de trouver des entraineurs qualifiés pour toutes les catégories d’âge. À plusieurs reprises, nous avons engagé des entraineurs de jeunes à plein temps, il y a cinq ans. On a encore engagé que des entraineurs diplômés cette saison. Maintenant, malheureusement, nous n’avons pas pu sortir de grands joueurs chez les garçons. Par contre, chez les féminines, nous avons des filles qui ont commencé à jouer en scolaire chez nous et qui ont été formées au club. Chez les garçons, nous avons fait exactement le même travail. Malheureusement, nous n’avons pas réussi à sortir un Frank Schumacher et un Tom Muller, mais on travaille dessus. Tant que nous n’arrivons pas à les sortir de nos propres jeunes, il faut regarder à gauche et à droite pour avoir une équipe masculine compétitive. Mais ça ne veut pas dire que nous ne travaillons pas et que nous avons commis des fautes. Nous avons fait tout ce qui était possible, nous avons mis des moyens financiers, mais jusqu’à présent nous n’avons pas encore sorti le grand joueur de chez nous, mais nous espérons que ça arrivera un jour. À ce niveau-là, il y a une très forte concurrence à Dudelange, puisque beaucoup de garçons sportifs ont aussi le HBD et le F91 comme choix. Donc au départ, les garçons doivent se décider entre les trois clubs et très souvent, c’est le football. Le handball aussi est populaire et enfin le basketball, qui est un peu moins choisi je dirais. Par contre, chez les filles, les plus talentueuses, les plus sportives optent souvent pour le basket-ball ou le handball. Mais la concurrence à Dudelange se fait plus au niveau des garçons.

Concernant la coupe d’Europe ?

Oui, en tant que champion, on a la possibilité d’y participer. Mais il y a d’abord un problème financier. Si nous avions à jouer seulement un aller-retour, je dirais sans hésiter « on y va ». Mais si nous tombons contre un adversaire que nous pouvons battre, soudainement nous sommes dans une poule et là tout se complique, parce qu’il y aura six matchs que nous n’arriverons ni à gérer au niveau financier, ni au niveau humain. Certains joueurs ont un travail et ils ne peuvent pas se permettre le luxe de partir trois fois à l’étranger et de perdre des journées de stage en semaine. Financièrement, nous ne sommes pas aidés par la FIBA comme le foot l’est par la FIFA ou l’UEFA. Nous avons tout à payer de notre poche, et il y a énormément de contrainte. Donc il est pratiquement impossible de participer à une coupe d’Europe. Je ne préfère pas risquer l’avenir du club pour une telle aventure.

Dernières nouvelles