Comme une évidence

La lutte pour le titre de meilleur entraîneur de BGL Ligue aura été féroce. Mais au final, Sébastien Grandjean a remporté le titre. Un succès qui s’explique évidemment par la saison en grande pompe l’an passé du Fola, superbe vainqueur du championnat avec un football offensif à souhait, mais aussi une campagne européenne réussie, et une édition 2021/22 solidement entamée, malgré de nombreux changements.

Avant tout, il s’agit de poser les bases. L’an passé, le Fola a remporté le championnat avec un total de 68 points, soit 2,27 points par match. À cela, il faut ajouter 89 pions marqués, et 35 d’encaissés. Ce qui revient à 2,96 buts par rencontre pour 1,16 fois à aller chercher le ballon au fond des filets. Des statistiques impressionnantes qui valident parfaitement le parcours quasi parfait du club doyen pour aller glaner ce nouveau titre. Au nez à la barbe du Swift mais aussi d’un F91 que l’on n’attendait pas si haut, le Fola a donc réussi un véritable exploit, le tout avec un des effectifs les plus jeunes de BGL Ligue, signe des appétences pour la formation de Grandjean.

Le couac Gibraltar, fondamental

Avec le meilleur passeur et le meilleur buteur du championnat, le Fola a offert des prestations en grande pompe, récompensées par une qualification européenne dans la plus belle des compétitions, la prestigieuse Ligue des Champions. Et le tirage de Gibraltar avait fait passer un courant d’optimisme rare au pays, quand bien même Dejvid Sinani et Zachary Hadji avaient quitté le club. Pourtant, le Fola s’est crashé, violemment. Une défaite due à un football qui, avec ce nouveau groupe ne pouvait plus se jouer. Mais, au lieu de s’entêter, le technicien de 51 ans a décidé de rabattre les cartes, et de perdre de cette insouciance, voire folie offensive, pour retravailler les fondations d’une maison qui soudainement, était devenu bien tremblotante. Un choix qui avait parfaitement payé avec des victoires par la suite contre Soligorsk, champion de Biélorussie devant le BATE Borison, mais aussi Linfield, à la suite de performances admirables en termes de courage et abnégation. Seul Almaty, objectivement d’un standing supérieur, avait réussi à faire tomber le champion de BGL Ligue.

Durant cette période ô combien intense physiquement et mentalement, le Fola avait aussi à concourir en BGL Ligue pour défendre son titre. Deux compétitions diamétralement opposées qui posaient le dilemme de la recherche de l’exploit éphémère mais inoubliable face à la « routine » du championnat, déterminante pour revivre de tels moments d’exaltation. Avec un effectif composé de nombreux nouveaux visages, Grandjean avait alors essayé de s’adonner au turnover, stratégie qu’il apprécie particulièrement, et qui a permis à son groupe de ne pas se retrouver distancé au classement tout en s’offrant une parenthèse européenne enchantée. Un numéro d’équilibriste réussi, qui permet aujourd’hui au toujours champion de BGL Ligue de rester en course pour l’Europe, voire bien plus…

Aujourd’hui, le Fola semble avoir digéré une inter-saison particulièrement mouvementée. Et continue de soutenir les idées d’un entraîneur, qui, loin de se lamenter du départ de ces meilleurs éléments, a su insuffler un vent nouveau, mais aussi et surtout, réussir à créer à nouveau la notion d’équipe au sein d’un groupe qui a définitivement appris à vivre ensemble.

L’adaptation, qualité sous-évaluée

Le football aime les extrémistes. D’une certaine manière, leur folie, leur entêtement à vouloir pratiquer telle ou telle manière de jouer peut vite provoquer une certaine admiration. Mais derrière ce profil atypique se cachent souvent des résultats qui ont forcément des limites. Celles-ci se voient d’ailleurs assez rapidement sur la durée lorsque, que cela soit vis-à-vis de l’adaptation de l’adversaire, ou tout simplement une usure physique et mentale des joueurs, le groupe n’y arrive plus. Et on assiste alors souvent à une lente mise à mort, encouragée par un technicien qui préférera mourir avec ses préceptes qu’accepter la moindre entorse à sa vision.

Le Fola, cette année, aurait pu suivre ce parcours. Après tout, ne doit-il pas être particulièrement difficile d’abandonner un style de jeu qui a tant enthousiasmé, et de plus, porté ses fruits ? Mais c’est bien ce revirement que Sébastien Grandjean a su opérer cette saison. Car, conscient que la donne avait changé, l’entraîneur belge a su insuffler une nouvelle identité – sans pour autant se renier totalement – à son groupe. Alors que l’objectif l’an passé était d’attaquer à tout-va et de marquer un but de plus que l’adversaire, nous assistons cette année à la mue du Fola, plus pragmatique, moins insouciant… Une preuve de plus que derrière le style de jeu, la recherche de la victoire tout simplement est assurément prioritaire, pour un homme qui a compris ce qui comptait réellement.

Lors de notre entretien à retrouver sur la prochaine page, Sébastien Grandjean a clamé qu’il n’avait jamais rien inventé. Et personne ici ne lui en tiendra rigueur. L’invention est parfois mise sur un piédestal, au détriment de l’analyse. Un constat sur lequel nous sommes en profond désaccord, tant la capacité à cerner, comprendre, prendre le meilleur et se délester du moins bon nécessite des compétences rares. Non, Grandjean, que cela soit l’an passé ou cette nouvelle édition, n’a rien inventé. Mais cela n’enlève rien à la réussite de son monstrueux travail, tant l’application a frôlé la perfection à certains moments, et l’adaptation a été exemplaire en termes de remise en question et rapidité de réflexion. N’en déplaise aux puristes, Sebastien Grandjean n’est pas un extrémiste. Il est simplement un gagnant.

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