Bien plus qu’un point

En décrochant un match nul mérité sur la pelouse du Stade Fatih Terim, l’équipe luxembourgeoise, au-delà d’un point assurant la seconde place du groupe a marqué les esprits. Un résultat qui devrait permettre, encore un peu plus, de changer l’image de cette nation du football en constant progrès.

Les conférences de presse peuvent, à certains moments, être particulièrement savoureuses. Et le ton employé par la presse turque envers Luc Holtz, longtemps déconcertante, sera mieux compris lorsque son homologue Stefan Kuntz affrontera des journalistes particulièrement hostiles.  Ainsi, le monde de la presse turque peut détonner dans son approche plus que directe, qui a notamment vu le responsable communication de la délégation luxembourgeoise s’écharper avec un journaliste en colère de ne pas avoir eu de traduction sur la première question. Un sentiment d’énervement qui poussera d’ailleurs ses confrères à obliger le pauvre traducteur à ne plus retranscrire les propos de Kuntz en français. Ambiance…

Mais plus qu’une agressivité en certain point comique, c’est bien le contenu des questions qui a pu interroger. Ainsi, après ce revers, le sélectionneur turque devait s’expliquer d’avoir perdu des points contre une équipe du même niveau que « Saint-Marin, les Iles Féroes, Madagascar, la Moldavie ou l’Azerbaidjan » selon les dires d’un homologue turque. Une méconnaissance des progrès du football luxembourgeois qui ne s’est pas limité à la conférence de presse, puisque lors du match, certains journalistes locaux venaient nous poser d’incessantes questions sur notre équipe, telle que la nationalité de notre coach, l’âge d’Yvandro Borges ou encore le nom de la moitié des joueurs de l’équipe. Au-delà d’intriguer sur le travail de fond effectué par une presse se targuant d’être passionné, cette impression de voir tout un pays profondément sous-estimer le Luxembourg est tout sauf anecdotique.

Une perception sans cesse changeante

En ce sens, les Roud Léiwen, hier, ont marqué plus qu’un point. Déjà, en montrant une solidarité qui forçait véritablement l’admiration. La défense, évidemment, s’est déchaînée pour protéger les cages d’un Anthony Moris encore une fois brillant, à l’image de ce sauvetage de Gerson sur sa ligne, ou le tacle d’un Skenderovic tout juste entré sur un centre dangereux. Mais c’est bien tout le onze qui s’est arraché pour défendre sa cage. On repense évidemment à ce tacle héroïque de Sebastien Thill dans la surface, ou les incessants retours défensifs de Gerson, premier défenseur des Roud Léiwen hier soir. 

Mais résumer ce match nul à une simple prouesse défensive serait faire insulte à la partition savamment jouée hier, où, pendant plus de 60 minutes, les joueurs du Grand-Duché ont joué leur jeu sans complexe, et avec un talent certain. Profitant des espaces laissés par une équipe Turque sûrement trop insouciante, Borges, Sinani, et Gerson, particulièrement collectifs ont fait planer une menace constante sur Soyuncu et ses coéquipiers, bien incapables d’éteindre les velléités offensives de visiteurs bien plus téméraires qu’attendus.

Les vingt dernières minutes, assurément plus compliquées, ont rappelé qu’évidemment, la nation Turque demeure supérieure sur le papier. Mais les Roud Léiwen ont prouvé qu’avec une idée de jeu claire, une attitude décomplexée et une abnégation constante, les résultats pouvaient se combiner avec un contenu franchement enthousiasmant. Un message qu’a transmir hier le sélectionneur en conférence de presse, rappelant la différence dans le style de jeu entre il y a encore quinze ans et aujourd’hui. Le tout au sein d’un groupe dans lequel manquait un certain nombre de cadres, preuve supplémentaire que le Luxembourg compte dorénavant non pas sur un onze sans banc, mais bien un effectif fourni avec chaque membre capable d’apporter sa pierre à l’édifice.

Avec ce point, le Grand-Duché a assuré sa seconde place dans ce groupe de Ligue des Nations. Une place moins symbolique qu’il n’y parait, puisque celle-ci assure le Luxembourg de se retrouver dans le chapeau 4 lors du tirage au sort des éliminations pour l’Euro 2024. Un petit succès qui pourrait, en cas de petit coup de pouce du destin, offrir un groupe plus abordable. Une bien belle opération en tout point, qui sera aussi symbolisée par ce dernier moment assez savoureux dans les tribunes du Stade Fatih Terim. Alors que la presse locale, particulièrement détendue semblait persuadée qu’au final, la Turquie allait finir par l’emporter, les rires et plaisanteries des confrères locaux ont fini par céder à l’étonnement, le silence, et enfin une forme de respect sincère. En témoigne cette main tendue vers nous au moment du coup de sifflet final, signe d’adoubement et de validation de l’effectif composé par Luc Holtz. Une petite victoire pour nous, mais surtout, un grand succès pour le Luxembourg.

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