La joie du retour, la peur de l’arrêt

Alors que la plupart des grands championnats européens continuaient de jouer, nous permettant malgré tout de garder une affinité avec le ballon rond, l’absence de BGL Ligue depuis pratiquement trois mois privait tous les amoureux de football du Grand-Duché de profiter de leurs équipes. Une pause forcée qui s’arrête enfin, avec le retour de notre championnat ce weekend. Si l’excitation est évidemment de mise, beaucoup gardent une forme de réserve, la victoire contre le COVID étant encore loin d’être remportée et les interrogations sur la forme de cette reprise nombreuses.

Depuis le début de cette crise – tout de même commencée en mars de l’an dernier – tous et chacun, des instances aux simples passionnés de football naviguent en eaux inconnues. Après une saison entamée fin août, période habituelle pour une reprise de championnat, et une tenue dans l’ensemble respectable du calendrier jusque fin octobre, la BGL Ligue avait déjà été obligée de suspendre ses activités au moment de la deuxième vague de coronavirus. Une pause de courte durée puisqu’à peine un mois plus tard, les joueurs pouvaient de nouveau enfiler leurs crampons et repartir de plus belle croiser le fer sur les pelouses du Grand-Duché. Hélas, ce retour ne sera qu’illusion puisque dans la foulée, toute activité sportive est proscrite pour une durée indéterminée. Les joueurs et dirigeants passent alors leur réveillon dans une ambiance maussade où la reprise du ballon rond paraît bien loin, et la saison commence à prendre des allures de fiasco, la fin pure et dure de cette année de BGL Ligue commençant à devenir une hypothèse crédible.

Un flou anxiogène qui semble peut-être enfin fini, le ministre des Sports Dan Kersch annonçant début janvier le retour programmé de la compétition en ceweek-end du 6 février. Un soulagement de pouvoir enfin reprendre pour les différents acteurs de la compétition : « On est impatient de reprendre. On a changé notre staff, notre coach, on a récupéré deux recrues. On se sent dans la bonne direction et on a envie de retrouver les terrains pour remonter le plus vite possible, et prendre des points directement. La période a été très longue pour les joueurs, et passé un moment, ça devient difficile de garder leur motivation intacte, même si on est très fiers de leur implication depuis le début. » assène avec détermination Thomas Gilgemann, manager d’un Progrès ayant raté son début de saison et impatient de repartir pour remonter au classement.

Si le bonheur de pouvoir enfin retrouver les terrains verts et les joutes hebdomadaires est présent, il demeure au vu de l’atmosphère globale une certaine retenue des émotions positives, tant cette reprise est accompagnée d’un nombre élevé de questionnements et interrogations logiques : « C’est sûr qu’il y a du bonheur, puisque tout le monde attend de revoir le football, mais on ne sait pas exactement où on va, avec les tests, les finances, les aides du gouvernement. Pour le moment il demeure beaucoup d’inquiétude parce qu’on ne sait pas exactement ce qui va se passer », tempère Michael Schenk, président d’un FC Wiltz promu et auteur d’un excellent début de saison.

Sur le plan sportif, l’incertitude et le suspense demeurent à chaque niveau du classement. Alors que Dudelange a surpris son monde avec un départ absolument canon et que le Progrès végète dans les profondeurs du classement, le Fola et Differdange, habitués au haut de tableau complètent le podium des suites de quatre victoires en cinq matchs avant le repos forcé. Derrière, c’est le petit promu du FC Wiltz et un Victoria Rosport plus habitué à lutter pour le maintien, qui espèrent pouvoir prolonger leur très beau début de saison et qui sait, accrocher une qualification européenne historique.

Au milieu de tableau, Hesperange espère concrétiser ses grandes ambitions et remonter au classement tandis que Pétange européen l’an passé et ayant déjà changé trois fois d’entraîneur, va tenter de retrouver une certaine stabilité pour repartir. Enfin, le bas de BGL Ligue risque aussi d’être disputée, et il faudra un retour en fanfare d’Etzella et du RM Hamm, auteurs d’un début de saison chaotique pour espérer pouvoir sauver leurs têtes. À l’image des grands championnats européens qui ont eu un début de saison rempli de résultats et classements inattendus, la BGL Ligue ne déroge pas à la règle. À voir si les pronostics de pré-championnat s’avèreront plus corrects avec un nombre plus élevé de rencontres.

Quand bien même le suspense au classement augure de rencontres passionnantes à suivre, il demeure une pointe d’amertume pour les clubs obligés de reprendre sans le soutien de leurs supporters. Une absence pénalisante mais surtout un brin tristoune, tant la pratique de ce sport est indissociable avec des tribunes ouvertes. « Si on doit jouer sans spectateurs je ne suis pas content. On ne joue pas seulement pour nous et pour les joueurs,on joue aussi pour les gens, les supporters et s’ils ne peuvent pas suivre… On espère que les livestream vont fonctionner, parce que si l’on doit jouer sans rien ni personne, c’est dommage… » abonde Schenk. Il paraît néanmoins difficile de reprocher au gouvernement l’obligation de jouer à huis clos. Alors que les mesures sanitaires ne font que se renforcer à travers l’Union Européenne et que le retour du public en Premier League a été un réel fiasco, il aurait été incongru – voire profondément déplacé – de permettre un retour du sport sans aucune restriction. Une situation logique mais qui évidemment, pénalise les clubs bien au-delà de l’aspect financier : « On est numéro 1 en termes de spectateurs sur les dernières saisons. Forcément, leur absence a un impact négatif pour nous. On joue avec plus de 1000 supporters tous les matchs et nous avons un fan club de 50 personnes, c’est une évidence que c’est compliqué. Mais on est tous logé à la même enseigne. Il va falloir faire avec et serrer les dents… Aller chercher une place européenne que l’on pourra peut être célébrer avec nos fans, et pouvoir jouer des supers matchs européens » relativise avec honnêteté Thomas Gilgemann.

L’incertitude demeure donc de mise malgré le retour de la compétition. Evidemment, l’absence de visibilité à long terme est un des facteurs les plus difficiles à gérer pour les clubs incapables de savoir si ce retour est définitif ou s’il faudra à nouveau arrêter la ligue en fonction de l’actualité du COVID. Un flou qui explique ce calendrier infernal qui oblige les effectifs à se retrouver sur les terrains tous les trois jours pendant un mois de février dantesque, mettant à l’épreuve des corps ayant repris l’entraînement il y a peu. «On ne sait pas encore si l’on va réussir à terminer la saison, il faut donc déjà absolument arriver à 15 matchs.» poursuit le manager du Progrès Niederkorn. « 21 jours à jouer tous les mercredis et dimanches, ça demande beaucoup. Après, il faut le prendre positivement : plus de matchs ça veut dire moins d’entraînement, plus de récupération, de travail tactique, de matchs et donc plus de plaisir. Ce qui anime nos joueurs c’est de jouer des matchs. On essaye de diminuer au maximum les risques de blessures et on continue d’avancer ».

Un risque de blessure logique au vu de la cadence monstrueuse que les clubs vont affronter. Une peur qui a aussi montré une différence de vision entre les clubs et un désaccord notable sur la possibilité de procéder à cinq changements au lieu de trois. Alors que certains clubs aimeraient avoir cette alternative, d’autres estiment cette possibilité injuste au vu de la différence de taille d’effectifs des différents acteurs du championnat. Un vif débat qui ne sera sûrement pas le dernier ni le moins intense, le sujet des promotions et relégations étant lui aussi sûr d’amener son lot de voix discordantes. Alors que la décision a été prise de ne reléguer et promouvoir que deux clubs, l’absence de reprise des divisions inférieures crée le doute sur ce choix. Et il est fort à parier que les pensionnaires de deuxième division feront entendre leurs voix en cas d’absence de montée sportive.

Enfin, l’aspect financier reste en proie à des questionnements pragmatiques, le manque à gagner demeurant somme toute évident avec un retour sur les pelouses sans le soutien des supporters, qui, au-delà du bénéfice moral, apportent aussi une réelle rentrée d’argent via la billetterie et autres buvettes. Une situation difficile qui impacte à tout niveau, à l’image de clubs de football mythiques en proie à de sérieuses pertes financières. Absence de supporters, peur de l’arrêt et complications financières : des inquiétudes qui ne pourront être répondues qu’avec le temps, laissant les clubs plus spectateurs qu’acteurs d’une situation déplaisante.

Néanmoins, il s’agirait ici de ne pas bouder son plaisir. Le retour du football, considéré par le ministre des Sports Dan Kersch comme « nécéssaire pour la santé physique et mentale » se doit d’être apprécié et pris comme une forme d’espoir pour un retour à la normalité d’ici peu. Les campagnes de vaccinations étant lancées, et les mesures sanitaires ayant fonctionné jusqu’à maintenant pour éviter une augmentation du nombre de cas positifs, le Grand-Duchésemble être sur la bonne voie pour revenir au monde d’avant. Et, alors que bien d’autres sports ainsi que les divisions inférieures du ballon rond sont soumis à des restrictions sanitaires bien plus sévères et l’absence de reprise, profitons de notre chance de pouvoir voir des affrontements, des beaux duels, et des buts. En bref, du football.

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