Mario Mutsch : « Il faut toujours y croire »

Les U17 luxembourgeois participeront à l’Euro qui débutera le 16 mai en Israël. Avec du lourd au programme : le pays organisateur, l’Allemagne et l’Italie. Mario Mutsch, le sélectionneur, encourage ses joueurs à profiter et à engranger un maximum d’expérience pendant cette compétition. Il se confie également sur son rôle et sa vision de la formation de cette génération.

Quels ont été les moments forts, les étapes clés, jusqu’à cette qualification ?

Cela remonte à loin, selon moi ; c’était au mois d’octobre avec la victoire contre la Belgique (0-1) et le match nul contre la Norvège (2-2). On devait également jouer l’Azerbaïdjan, mais la rencontre a été annulée à cause du COVID-19. On s’est alors qualifiés pour le tour suivant où l’on a affronté la France (0-2), certainement le match le plus dur. Les jeunes ont été impressionnés par la puissance athlétique des Bleus. Puis l’Angleterre avec cette victoire (2-0). On aurait également dû jouer la Russie, mais, là aussi, cela a été annulé à cause de la guerre. Avec les résultats des autres groupes, on a finalement appris qu’on était qualifiés. Mais honnêtement, je n’ai jamais pensé à la qualification à l’avance. Il y a toujours une part de chance finalement, mais elle ne tombe pas comme ça, il faut aller la provoquer. C’est notamment ce qu’on a fait contre la Belgique. Contre l’Angleterre, on a confirmé les trois matchs précédents.

Qu’est-ce qui a permis à votre groupe de réaliser cet exploit ?

Contre l’Angleterre, mes joueurs ont respecté le plan de jeu. La clé ensuite, c’est le collectif, c’est surtout comme ça que l’on a pu en arriver là. C’est le collectif qui nourrit les individualités plutôt que l’inverse. On a aussi une vraie mentalité, qu’on essaye de développer depuis qu’on est en charge de ce groupe. Le fait d’avoir pas mal de joueurs à l’étranger aide également, ils évoluent plus vite lorsqu’ils se confrontent à un niveau de compétition plus élevé.

Vous êtes manager des U17 depuis juillet 2021, vous aviez les U15 juste avant (donc le même groupe). Sur quels axes de travail avez-vous insisté pour faire progresser votre effectif ?

La mentalité, déjà, c’est la base. Si tu ne l’as pas, tu ne peux pas être un bon joueur de football. Après, on travaille la formation technique jusqu’à 16 ans. On affine ensuite la tactique et le physique, l’intensité. Parce que si tu as trop de déchet dans ton jeu, la tactique ne sert à rien. On essaye de leur faire intégrer ça sous forme de jeu, de les mettre en situation.

L’Euro débute le 16 mai en Israël. Dans votre groupe, on retrouve le pays organisateur, l’Allemagne et l’Italie. Que pensez-vous de ces adversaires ?

C’est un peu comme la Belgique, la Norvège, l’Angleterre, etc. Si tu regardes les équipes de notre groupe sur le papier, tu te dis « on les joue et on rentre à la maison ». Mais on prend les choses comme ça vient et on verra. On prépare déjà à fond l’Israël, on ne parle même pas de l’Allemagne ou de l’Italie. C’est l’Israël d’abord. On aurait pu ne pas aller à cet Euro, on a finalement la chance de jouer ces trois matchs internationaux supplémentaires. On joue de grosses nations, on va en profiter. Trois matchs de ce niveau, c’est trois ans de formation accélérée pour mes jeunes.

Quel objectif avez-vous fixé ?

D’engranger de l’expérience et de profiter de cette compétition pour progresser au maximum.

Pourquoi pas un exploit et une qualification pour les phases finales ?

Si on n’y croit pas, on n’a rien compris. Il faut être convaincu, tout en étant réaliste… Il faut savourer en tout cas. Tout le bonus, on le prendra. Et si ça se passe moins bien, ça nous fera progresser aussi.

Vous déclariez après la qualification que le principal but de votre travail était de faire en sorte qu’un maximum de vos joueurs puisse évoluer un jour en équipe première. Avez-vous déjà des profils qui se détachent, des joueurs dont vous êtes quasiment sûr qu’ils franchiront ce cap ?

C’est difficile à dire. Mathias Olesen est en train de percer à Cologne… Deux ans en arrière, personne n’aurait pensé qu’il signerait ce contrat. À l’inverse, Vincent Thill jouait déjà en équipe première à 16 ans et il n’a pourtant pas eu la carrière espérée ensuite. Donc on ne peut pas vraiment savoir à l’avance. Moi, par exemple, je n’ai jamais fait de centre de formation, à 15 ans j’étais apprenti mécanicien, et finalement j’ai fait une carrière en pro pendant plus de dix ans et j’ai 101 sélections au compteur. On ne sait jamais…

Jouer un Euro, ça permet forcément de passer un cap ?

Ils ont déjà passé un cap cette année, en jouant la France, en battant l’Angleterre. Ils croient en eux. Moi, mon rôle, c’est de remettre les compteurs à zéro. Pour l’instant, ils ne sont arrivés nulle part, ils ont tout devant eux. Je leur transmets cette exigence. Certains pensent qu’on a réalisé quelque chose, alors que non. Il faut garder les pieds sur terre et continuer à bosser.

Revenons sur votre parcours, de joueur notamment. Quel est votre plus beau souvenir sur le terrain ?

Il y en a beaucoup, je n’aime pas en garder un seul. On peut retenir ma première sélection, en Russie. On perd 5-1, mais pour moi ça reste un beau souvenir. Avec ce match, je suis passé d’un coup de 80 spectateurs à 65 000… Je n’oublierai jamais ce moment. J’ai aussi des souvenirs en club évidemment, des matchs de coupe d’Europe… Plein d’instants magnifiques.

Que vous apporte le fait d’avoir été joueur de haut niveau dans la façon de manager vos jeunes aujourd’hui ?

J’ai rencontré beaucoup d’entraîneurs différents et j’en ai toujours retiré quelque chose. Des bonnes, et aussi certaines qui ont mis en évidence ce que je ne voulais pas faire. En tant qu’adjoint de Luc Holtz, j’essaye aussi d’apporter de l’expérience de chez les A en U17, on les habitue ainsi au haut niveau. On échange aussi beaucoup avec la direction technique et Manuel Cardoni. Je profite énormément de tous ces échanges.

Vous avez 101 sélections au compteur. Vous savez ce que cela représente de porter le maillot et l’honneur d’un pays sur les épaules. Leur transmettez-vous également ces valeurs ?

Bien sûr ! Je suis le recordman de sélections et j’espère qu’un de mes joueurs me dépassera un jour. Je leur dis que tout est possible. Je n’ai signé un contrat pro qu’à 22 ans. Je leur apprends qu’il faut parfois se servir d’échecs ou de difficultés pour mieux avancer. Les jeunes sont souvent trop pressés aujourd’hui. Je me sers de mon expérience pour les aider. Pas seulement avec mon statut d’ex-international, mais avec tout ce que la vie m’a appris jusqu’ici. Pour cette compétition en Israël, je les prépare par exemple au contexte. Il s’agit d’un autre pays, d’un autre climat, d’une autre culture ; ainsi, une fois sur place on ne s’occupe plus que du football.

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