Swift : la saison de la consécration ?

Après trois années compliquées et sans le moindre titre, Hesperange est parmi les favoris cette saison pour aller chercher le titre en BGL Ligue. Le résultat d’une longue adaptation du Swift qui, après plusieurs saisons décevantes, se voit enfin capable d’accrocher le graal. 

1er mai 2022. Stade Jos-Nosbaum. Le F91 Dudelange reste sur deux défaites surprises consécutives, sur sa pelouse face au Fola, puis à Strassen. Deux déconvenues inattendues qui ont permis à ses poursuivants de rattraper le retard qui les séparait de l’actuel leader. Parmi eux, le Swift Hesperange. Après une première partie de saison compliquée, les joueurs de Parisi – qui a repris le poste d’entraîneur principal quelques mois auparavant – ont enchaîné les succès depuis la reprise. Suffisant pour revenir à deux points de Dudelange, avant un déplacement aux allures de véritable final. Las ce jour-là, Hesperange n’existera pas, avec une défaite 1-0 flatteuse vis-à-vis de la physionomie du match. La fin du rêve du titre qui aura des conséquences fâcheuses : une décompression du groupe et un abattement mental qui mèneront à une quatrième place finale, signe de non-qualification européenne. Ou le symbole d’une saison qui aura fait souffler le chaud et le froid à tous les instants, sans pour autant réellement avoir un sentiment de contrôle sur les événements.

Six mois plus tard, le Swift, de retour sur cette pelouse, offre une tout autre rencontre. Un succès impressionnant 0-4, face à une équipe du F91 réduite au rang de faire-valoir. Et la sensation que, définitivement, Hesperange n’est plus une somme d’individualités mais bien un collectif, un vrai. Une mue attendue de longue date pour la plupart des observateurs, particulièrement critiques au moment de juger le mastodonte du championnat. 

Pourtant, face à ces critiques assez conséquentes l’an passé, le capitaine du club Mehdi Terki nous ressort cette statistique à laquelle on pense peu. « Oui, c’est le jour et la nuit en comparaison de la saison passée, c’est certain. Mais depuis que je suis arrivé à Hesperange, je n’ai perdu qu’un seul match de championnat contre le F91 en mai dernier. Une seule défaite en bientôt un an. On peut donc critiquer certaines choses, mais il ne faut pas oublier que sur le terrain, les résultats sont là. » Il est vrai que malgré les dysfonctionnements et autres interrogations, Hesperange sait faire le job sur la pelouse. En 2022, en BGL Ligue, le Swift Hesperange a pris – à cheval sur deux saisons – la bagatelle de 70 points sur 81 possibles. Ce qui équivaut, en 27 matchs, à 22 victoires, quatre matchs nuls et une minuscule défaite. On a vu pire, comme bilan.

Un groupe qui tire dans le même sens

Pour réussir, le Swift peut évidemment compter sur un sacré effectif. Avec le nombre de joueurs le plus élevé du championnat, Hesperange a en effet les capacités pour pallier une quelconque absence. Un point positif pour le groupe, évidemment, mais qui est aussi parfois difficile à gérer pour des joueurs absents bien malgré eux. C’est le cas de Cédric Sacras qui a dû ronger son frein après une saison débutée par une blessure, et la mise en place d’une équipe qui tourne particulièrement bien. « C’est sûr qu’une blessure dans ce club peut être plus compliquée qu’ailleurs », confirme le latéral. « Tu sais qu’il y a deux joueurs au minimum qui sont prêts à prendre ta place, ce n’est jamais facile. L’équipe tournait bien, le coach ne voulait pas changer défensivement, ce qui était compréhensible. Mais c’est clair qu’une blessure peut te coûter ta place, plus longtemps que la période de rétablissement. » Pourtant, l’ancien joueur du Fola l’assure : cette concurrence ne génère pas de souci pour l’ambiance globale. « Par exemple, je m’entends très bien avec Toufik Zeghdane. On est tous les deux des joueurs assez matures pour savoir que c’est une concurrence saine et que le meilleur du moment joue. Chacun a des qualités qui lui sont propres. On se donne à fond, et c’est au coach de faire ses choix. Mais c’est clair qu’offensivement, ils peuvent être trois par poste, cela fait beaucoup. » Selon Ryad Habbas, qui fait justement partie des remplaçants, comment vit-on un temps de jeu épars ? « C’est sûr qu’il y a un sentiment de frustration », concède sans fard l’attaquant. « Mais ce sont les choix du coach, et c’est à moi de prendre mon mal en patience et de continuer à bosser pour être décisif quand il fera appel à moi. C’est un entraîneur qui est proche de ses joueurs, et qui prend le temps de communiquer avec tout le monde, ainsi que d’expliquer ses décisions. » Un temps de jeu modeste, donc, pour l’ancien buteur d’Hostert qui, pénalisé par la règle des joueurs transférés, doit répondre présent sur des bribes de matchs. Une situation qui pourrait être qualifiée de luxueuse pour d’autres membres de l’effectif qui n’ont jusqu’à présent pas connu la moindre minute sur la pelouse. Pas de quoi fragiliser l’ambiance au sein du groupe selon Habbas, qui estime voir une équipe unie derrière un but commun. « Le groupe vit très bien. Beaucoup des anciens m’ont d’ailleurs dit que cette année, cette ambiance est la meilleure qu’il y ait eu au sein du Swift. Bien sûr que certains peuvent lâcher mentalement, mais cela n’influe pas du tout sur l’ensemble, qui tire dans le même sens. » Avec encore de nombreux matchs cette saison, le buteur attend toujours son heure, tout en affichant la meilleure attitude possible : « La saison est encore longue, il peut se passer énormément de choses. C’est vrai que je n’ai pas encore eu énormément de temps de jeu, et par rapport aux prestations que j’ai faites, j’ai le sentiment d’en mériter plus. Mais c’est aussi ça le football. Il faut continuer à travailler et réussir à être décisif dans les moments où on fait appel à toi. Et fondamentalement, pour un attaquant, c’est un plaisir énorme de jouer au sein d’une équipe offensive, qui déroule et aime la possession. »

Il est aussi vrai que se plaindre de son temps de jeu et remettre en cause les choix du technicien est compliqué lorsqu’une équipe carbure à un tel rythme. Ainsi, les résultats proches de la perfection d’Hesperange légitiment chaque jour un peu plus les décisions prises par Pascal Carzaniga. Un entraîneur qui, après une parenthèse Parisi unanimement désapprouvée par le groupe, a réussi son opération séduction auprès des joueurs. Ces derniers, qui évoluent au sein d’un club qui veut grandir vite – peut être parfois trop – tiennent à rappeler que les automatismes, les clés du football, mettent nécessairement du temps à venir, comme le confirme Sacras : « Il nous fallait du temps. Si vous prenez la composition de la victoire contre Dudelange, par rapport au match de la saison passée, il n’y avait que Gustavo et Delgado qui étaient nouveaux », précise-t-il.(NDLR : Couturier, bien qu’absent du groupe, était un titulaire régulier au sein du club.) « L’année dernière, il y avait énormément de nouveaux éléments. C’était une équipe en construction avec de grosses individualités. La prestation contre Dudelange est avant tout collective. Même si évidemment, nous avons des individualités qui peuvent faire la différence à tout moment. »

Des individualités rayonnantes

En parlant d’individualités, ce n’est pas faire injure aux habituels titulaires que de mettre avant tout en valeur les performances tout simplement hallucinantes du duo composé de Rayan Philippe et Dominik Stolz. C’est bien simple : après la douzième journée, les deux compères d’attaque comptabilisent à eux deux 23 buts et 22 passes décisives. L’équivalent de 45 buts, et une moyenne d’impact décisif de 3,75 fois par match. Un ratio inouï, jamais vu en BGL Ligue, et qui explique évidemment les résultats hallucinants du groupe. Questionné sur une pseudo-dépendance à ses attaquants aux statistiques historiques, Mehdi Terki botte bien vite en touche : « Évidemment, si on a un joueur qui est décisif deux à trois fois par rencontre, on va lui donner la balle. Si j’ai Messi dans mon équipe, c’est certain que je vais m’appuyer sur lui. C’est tout simplement logique. Si jouer sur ses éléments les plus en forme, c’est être dépendant… »

Ce genre de statistiques flamboyantes tend à attirer la quasi-intégralité de l’attention sur la ligne offensive. Assez logique, dans un monde où le football fait toujours la part belle aux attaquants, et moins aux profils défensifs. Pourtant, à bien y regarder, la capacité du Swift à ne pas encaisser de buts est tout aussi impressionnante. Avec une moyenne d’un but encaissé par rencontre, Hesperange fait un excellent job. Et peut encore une fois remercier son portier, Geordan Dupire, élu Dribble d’Or l’an dernier, et toujours aussi précieux. Si ses superbes envolées lors du clash face au F91 ont marqué les esprits, le gardien assure que derrière les arrêts spectaculaires se cache une maîtrise de tous les défis du job. « Il y a des matchs où je n’ai peut-être pas beaucoup de parades à faire, mais où je suis utile autrement. Je pense évidemment à la communication avec les défenseurs, faire figure d’autorité, les sorties aériennes qui sont mon point fort… Sortir dans les pieds sur des passes en profondeur, replacer la défense, encourager le groupe, cela fait aussi partie du boulot d’un gardien. Cela ne se résume pas simplement à de bons arrêts. J’ai le sentiment de faire mes matchs, et j’espère que cela va continuer. »

Si Geordan Dupire a moins de travail à effectuer que l’an dernier, c’est aussi grâce à une arrière-garde qui fait le job. Malgré le départ de Tom Schnell à l’intersaison, le Swift montre bien plus de sérénité que par le passé. Avec un axe central généralement composé de Jerry Prempeh et Ricky Delgado, et des postes de latéraux très convoités, Hesperange maîtrise les rencontres et sait calmer les velléités adverses. Enfin, le milieu de terrain, qui voit Gustavo s’immiscer de plus en plus depuis son retour de blessure, domine l’intégralité de ses rencontres. Avec un Mehdi Terki formidable en sentinelle et un Clément Couturier capable tant de récupérer que de se projeter et casser les lignes adverses, le Swift a trouvé l’équilibre parfait entre débauche d’énergie et projection offensive. Et surtout, un constat se dessine : si l’on peut dire que chaque individualité est formidable cette saison, cela ne signifie-t-il pas tout simplement que c’est tout le collectif qui régale ?

Ambition de titre assumée, position de favori refusée

Alors voilà. Sous l’égide de Pascal Carzaniga, auteur d’une énorme remontée il y a maintenant deux saisons, le Swift engrange. Sans avoir connu la moindre défaite jusqu’à présent, Hesperange se retrouve leader du championnat luxembourgeois avec des statistiques frôlant la perfection. Et si sa capacité à battre les équipes les plus modestes du championnat n’était plus à prouver, le succès contre les cadors était, lui, moins assuré… jusqu’à cette saison. Lors d’un combat acharné (Progrès), sans être flamboyant (Differdange, Racing), ou sous la forme d’une véritable démonstration (F91), la finalité reste la même : le Swift l’emporte. Pas suffisant néanmoins pour assumer la position de favori d’un championnat qu’il ne domine à l’heure actuelle que d’une courte tête. « Honnêtement, je ne vois pas de favori », confirme Sacras. « On a deux équipes qui se valent. On a longtemps été le chasseur, maintenant c’est leur tour. C’est sûr qu’on a marqué les esprits avec une grosse victoire chez eux. Mais cela va se jouer sur des détails, en particulier sur les erreurs individuelles. Je vois vraiment un mano a mano jusqu’à la fin de saison. » Même son de cloche du côté de Jerry Prempeh, qui s’attend à une conclusion épique pour cette édition de BGL Ligue.

Mis face à une situation totalement hypothétique d’un tel début de saison qui s’achèverait par une seconde place, les joueurs interrogés assument parfaitement qu’ils ressentiraient un sentiment de déception. Relancé sur l’idée d’alors parler d’échec, encore une fois, le groupe abonde. « Si on termine deuxième avec le meilleur nombre de points d’un dauphin, personne ne s’en souviendra dans cinq ans. Donc oui, l’objectif, c’est le titre », assure Clément Couturier. Un avis partagé par Pascal Carzaniga, qui ne cache pas « être revenu ici pour finir champion, et rien d’autre ». La saison demeure évidemment longue. Et rien ne permet de dire aujourd’hui que le leader de 2022 sera le vainqueur de mai 2023. Mais en refusant de s’orienter vers une langue de bois policée, le Swift assume son désir de tout remporter. Un état d’esprit logique pour un club qui, durant ces trois dernières années, n’a pas réussi à atteindre son objectif. De quoi frustrer, forcément, mais aussi créer une rage de titres plus élevée que la moyenne. Déjà un bon premier pas.

Dernières nouvelles