Un Euro riche en émotions

On l’attendait depuis maintenant un an. Souvent, alors qu’une personne ou qu’un évènement se fait désirer, on en vient vite à être déçu au moment de son apparition. Nous sommes heureux de dire qu’ici, ce ne fut pas le cas. Ce premier tour de l’Euro 2020 a apporté avec lui son lot de suspense, rencontre folles et autres moments assez fous.

Pays-Bas, Belgique et Italie, grands gagnants

Avant tout, il convient de saluer les performances des trois équipes ayant réussi le sans-faute. Et comment pourrait-on ne pas commencer par l’Italie ? Absolument irrésistible, la sélection menée par Roberto Mancini a offert un football léché, constamment porté vers l’offensive et parfaitement huilé. Sur toutes les lignes, la Squadra Azzura a impressionné.

Donnarumma, futur gardien du Paris-Saint-Germain a été particulièrement solide sur sa ligne. En défense, Giorgio Chiellini a joué à merveille son rôle de capitaine, en haranguant encore et encore ses partenaires, et jaillissant à tous les instants, faisant constamment oublier son âge avancé. Spinazzola a lui été impressionnant avec des incessants allers-retours et une justesse technique aux avant-postes tout simplement impeccable. Au milieu, Locatelli a parfaitement fait oublier l’absence de Marco Verratti pour les deux premières rencontres et a fait parler ses qualités de finisseur. Enfin, devant, Lorenzo Insigne dans le rôle de leader technique aura constamment fait un mal fou aux arrières-gardes adverses et joué un rôle fondamental. Et comment pourrait-on oublier le public bouillant italien qui a parfaitement, et ce dès la première rencontre face à la Turquie jouer son rôle de 12e homme ? Si l’adversité n’était pas particulièrement élevé, avec plus de trente matchs sans connaître la défaite et onze rencontres d’affilée sans encaisser de but, le message est passé : l’Italie est de retour au premier plan.

Un constat qui parait tout aussi adapté aux Pays-Bas. Embarqués dans des polémiques sans fin et une absence de popularité totale de leur entraîneur Frank de Boer, les bataves ont mis les points sur les i dès leur première rencontre. La disparition du 4-3-3, entité sacrée dans le pays au profit d’un 5-3-2 hybride s’est avérée plus que payante avec une défense solide, un milieu romantique à souhait (le duo De Jong – Wijnaldum, quel pied… ) et une attaque particulièrement complice et fort souvent létale. Plus que tout, les Pays-Bas ont semblé avancé unis, sûrs de leurs forces et désireux de rompre avec de longues années de résultats décevants. Eux aussi dans un groupe résolument abordable, il sera intéressant de voir s’ils peuvent tenir sur la longueur, et ce dès leur huitième de finale face à la République Tchèque. Avec un Depay aussi altruiste, un Wijnaldum toujours aussi porté vers l’offensive et un De Ligt maître de la défense, il est fort à parier que l’équipe hollandaise sera particulièrement difficile à manœuvrer.

Reste enfin la Belgique. La seule différence notable entre celle-ci et les deux nations précédemment mentionnées est bien qu’il n’y a pas de surprise à voir les Diables Rouges tout emporter sur leur passage. Candidat proclamé au titre, la Belgique ne semble pas avoir de temps à perdre, et semble imperméable à la pression. D’abord souveraine face à la Russie, l’équipe entraînée par Roberto Martinez a ensuite montré de solides ressources mentales en retournant le Danemark, et a su patienter avant de trouver la solutions face à de valeureux finlandais. Aussi, et cela pourrait jouer un rôle énorme : les Diables Rouges ont retrouvé l’intégralité de leur effectif, et en particulier un Kevin de Bruyne particulièrement décisif dès son premier match. Le tirage ne leur a néanmoins pas offert un cadeau, avec un clash aux allures de dernier carré contre le Portugal.

Ces équipes dont il est dur de jauger le niveau :

Le Portugal justement. Placé dans le « groupe de la mort », les lusitaniens s’en sortis sans réellement briller, ni trembler. Après avoir fait plier la Hongrie en toute fin de match, les coéquipiers d’un Cristiano Ronaldo plus que jamais influent se sont éparpillés face à l’Allemagne avant de retrouveront certaine cohérence dans leur dernière rencontre contre la France. Mais il est sincèrement difficile de savoir exactement à quoi peuvent prétendre les hommes de Fernando Santos, tant les performances ont été variées, et le groupe particulièrement relevé. Un mystère qui peut clairement être étendu aux deux autres mastodontes du groupe. La France, championne du monde en titre n’a pas véritablement impressionné, hormis lors de son match inaugural face à l’Allemagne. Derrière une rencontre décevante face à la Hongrie et un résultat somme toute logique face au Portugal empêchent les supporters tricolores de s’enflammer ou s’inquiéter. Ce qui est aussi le cas d’une Allemagne au visage multiple. Malgré un certain renouveau de l’effectif et le retour de têtes connues, bien malin celui qui peut véritablement situer le niveau réel de ce grand nom du football européen.
Tantôt impuissante face à la France, puis impressionnante de puissance de frappe face au Portugal, la Mannschaft a frôlé le pire lors de sa dernière rencontre face à la Hongrie, où, jusqu’à la 85e minute, elle était éliminée. Et les hommes de Joachim Low n’auront pas énormément de temps pour ressasser la phase de poules puisque leur prochaine rencontre leur offre un affrontement sous forme de classique indémodable contre l’Angleterre.

Qualifiés, mais…

Les Three Lions ont certes fini premiers de leur poule, mais cela serait sacrément avancé que de leur offrir par là le costume de favori face aux Allemands. Pour faire simple, l’Angleterre est certes passés sans réelle difficulté, mais elle n’a absolument pas impressionné. À l’image de son buteur maison, elle a semblé patauger, sans aucune certitude de jeu et une mise en place tactique assez brouillonne. Incapable de dominer son sujet, la sélection Anglaise s’est faite peur à chaque rencontre sans pour autant en payer les pots cassés. La peur, l’Espagne, elle, l’a bien connu. En abordant sa troisième rencontre face à la Slovaquie, la Roja était dos au mur, et bien loin de convaincre qui que ce soit. La faute à un jeu stéréotypé au possible et une incapacité totale à mettre du rythme dans ses confrontations successives.
Si la possession de balle a été présente (elle est l’équipe avec le plus haut taux de la compétition), le danger, lui, a été quasiment non-existant. Lents, prévisibles et avec une absence de grinta, les hommes d’un Luis Enrique assez décrié d’ont dû leur salut qu’à une poule sans réel adversaire dangereux, mais aussi à un match final enfin plus abouti, où les buts ont commencé à s’enchaîner. Certains parleront de déclic, d’autres de score anecdotique. La vérité doit sûrement se situer entre les deux.

On peut retrouver dans le même lot d’équipes qualifiées sans convaincre un bon nombre de nations : Suède, Autriche, Croatie ou encore Ukraine : nous n’avons pas malheureusement assisté dans ce Championnat d’Europe des Nations à une véritable équipe frisson, moins forte sur le papier mais particulièrement alléchante en termes de style de jeu. Un désavantage du système où les quatre meilleurs troisièmes se qualifiants, laissant peut-être trop de place au calcul, et pas assez à la folie.

Un premier tour fourni sur le plan extra sportif

Au-delà du football en soi, cet Euro nous aura offert des moments dépassant
le cadre du football assez marquant. Évidemment, comment ne pas revenir
sur le malaise cardiaque de Christian Eriksen ? Un moment dans lequel le temps s’est soudainement figé, et où tous et chacun ont tremblé, terrorisé à l’idée d’assister au stade ou devant l’écran à une tragédie sans pareille mesure. Un choc qui se sera heureusement bien achevé, mais qui nous aura malheureusement rappelé après-coup la cupidité de l’UEFA, forçant les joueurs Danois à achever leur rencontre sous peine de perdre sur tapis vert. Une décision tout simplement déconnante que l’on préfère oublier, au profit de la formidable solidarité des joueurs scandinaves, magnifiquement personnifiée par le capitaine Simon Kjaer, superbe de sang-froid, leadership et grandeur d’homme. Une tragédie qui nous aura aussi permis de nous rappeler de la beauté du public, capable de devenir qu’un, et de soutenir à l’unisson un joueur ramené à sa stature d’homme dans toute sa fragilité. Un public qui nous aura fait rêver d’un stade à l’autre, nous faisant oublier que les enceintes n’étaient pas pleines, et capable de nous ramener, le temps d’une compétition de sport, dans le monde d’avant, celui des retrouvailles, réjouissances et innocence. Ainsi, si l’on excepte une frange de l’extrême droite aussi inutile que sans intérêt, les retrouvailles des joueurs avec leurs fans se sont faites dans une véritable belle ambiance, sans animosité, coup ni blessures, comme si tous et chacun se rendaient compte du privilège de pouvoir profiter de football dans un stade, et ne voulaient pour rien au monde perdre cette chance.

Reste alors maintenant à continuer la compétition : les lieux et villes hôtes vont se succéder. Les rencontres, aussi. Très vite, nous parviendrons aux derniers matchs de la compétition, et bien peu seront les heureux chanceux de vibrer jusqu’au bout pour leur équipe, leur nation. Mais on ose affirmer avec une certitude assumée que ce retour du sport au premier plan, soutenu par cette masse populaire si vitale, est assurément une victoire pour nous tous. Au stade ou à la maison, en famille ou avec des amis, nous avons pu regoûter au plaisir de se retrouver par le prisme d’une discipline sportive, et redécouvert la joie de zapper les tracas de la vie de tous les jours le temps de 90 minutes parfois longues, parfois courtes. Un immense bonheur que l’on se doit de dédier aux joueurs, mais aussi à nous qui leur permettons de vivre de ballon rond. Félicitations à tous.

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