Nikola Malesevic : « La mentalité a changé »

Un mois après les qualifications du Mondial 2023 et de l’Euro 2024, le sélectionneur luxembourgeois est revenu sans concession pour MENTAL ! sur les raisons d’un remaniement de l’effectif, son pari sur la jeunesse et les axes de développement du handball luxembourgeois.

Pour quelles raisons avoir renouvelé une bonne partie de l’effectif de la sélection en novembre 2021

La première, c’est que certains joueurs étaient clairement en fin de carrière internationale et pour différents motifs : familiaux, professionnels, pour des blessures, des engagements avec leur club… 

Ensuite, j’ai surtout réfléchi au futur de la sélection. C’était le bon moment pour reconstruire l’équipe et lui redonner une nouvelle image, avec du sang neuf. Je connais tous les joueurs au Luxembourg et les jeunes que j’ai choisis ont déjà prouvé dans leurs clubs respectifs, ici ou à l’étranger, qu’ils avaient les épaules pour faire partie de l’équipe nationale. Ce sont des profils avec un véritable futur.

Justement, quel futur voyez-vous pour vos joueurs?

Je pense que certains peuvent prétendre à une carrière intéressante s’ils font le choix de devenir professionnels. Mais pour cela, ils doivent dépasser le simple fait d’être un joueur « ordinaire », c’est-à-dire qu’il faudra augmenter le nombre d’entraînements, et surtout avoir une véritable réflexion par rapport au sport. Il faut s’investir à 100 %.

Certains de vos garçons en ont-ils l’envie?

Oui, c’est certain, mais il y a beaucoup de contraintes. On sait tous de quel pays on vient. Les joueurs doivent forcément faire un choix par rapport à la situation actuelle. Celui d’aller vers le chemin du professionnalisme et donc de partir dans un club professionnel, de consacrer sa vie au handball, ou bien de faire le choix de trouver un travail au Luxembourg et de s’entraîner le soir avec son club.

Lors d’un entretien avec le sélectionneur de l’équipe nationale de football Luc Holtz, il nous avait avoué qu’il encourageait ses joueurs à partir vers des championnats étrangers, pour la plupart professionnels, afin de continuer à progresser et pour que la sélection s’améliore progressivement au niveau du jeu et des résultats. Êtes-vous également dans cette optique?

Oui, je suis dans la même optique que mon homologue. D’autant plus que de mon point de vue, les joueurs qui vont choisir la voie du professionnalisme ne vont pas seulement augmenter les performances de la sélection. L’expérience qu’ils vont acquérir à l’étranger, dans des clubs ultrastructurés, ils pourront la partager à leur retour au Luxembourg et permettre de développer notre sport ici. Il y aura un bénéfice énorme pour le joueur lui-même et pour la sélection, mais aussi pour le développement du handball au Luxembourg.

« Il est nécessaire d’établir un lien entre les clubs de handball et les écoles »

Vous pensez donc que le handball luxembourgeois peut et doit se développer grâce à ça?

Oui, mais ce n’est qu’un seul aspect de la chose ! Parallèlement, il doit y avoir un gros travail et une grande réflexion sur l’organisation globale de notre sport. Il existe des contraintes évidentes, au Luxembourg, pour son développement. Par exemple, le fait que les clubs n’aient pas le droit d’entrer dans les écoles. Le football a fait une très bonne chose en créant son propre centre d’entraînement national. Le Sportlycée est un outil très important pour le handball, mais il faut réfléchir à d’autres solutions, avec une académie nationale, par exemple. Si les Pays-Bas ont été remarqués lors des derniers championnats d’Europe, c’est parce qu’ils ont prolongé le même schéma qui avait servi aux féminines grâce à leur académie.

Dans un premier temps, il faut donc augmenter le nombre de handballeurs. Pour cela, il est nécessaire d’établir un lien entre les clubs et les écoles, les lycées. Ensuite, il faut améliorer la formation des jeunes joueurs. Un autre problème est le fait que le handball se concentre à 90 % dans le sud du pays ; il faut aussi promouvoir notre sport dans le nord. Tout ça n’est pas un chantier simple, et le ministère du Sport doit aussi faire un pas avec nous pour améliorer des choses, mais il y a le potentiel et les progrès sont déjà en marche. L’équipe nationale est juste une chose qui montre la force d’une fédération.

Lors de ces rencontres du mois de janvier, vous avez également eu pour la première fois un adjoint en sélection. En quoi cela était-il très important?

Je souhaitais déjà un adjoint en octobre 2021 lors des rencontres face au Portugal et aux États-Unis, mais ça n’était pas possible. Globalement, un entraîneur est un décideur, un chef de projet. Par contre, le staff qui est autour de lui doit être un support ; pas seulement présentiel, mais aussi mental. L’entraîneur n’est plus seulement une personne sur le côté du terrain qui met des choses en place pendant le match. C’est beaucoup plus profond et plus complexe. En équipe nationale, on n’a pas les joueurs toute l’année avec soi, donc pour mettre en place un projet de jeu et prendre les bonnes décisions au moment opportun, il faut avoir différentes opinions.

Avez-vous l’objectif d’élargir encore plus le staff à moyen terme?

Ça ne dépend pas que de moi. En Italie, Riccardo Trillini a dix personnes dans son staff : deux adjoints, un entraineur des gardiens, un préparateur physique, trois analystes vidéo, deux kinés, un médecin et un manager. Au Luxembourg, il y a moi, l’adjoint, un kiné, un docteur et un accompagnateur. J’aimerais forcément avoir plus d’aide, mais ce n’est pas moi qui prends la décision finale. Malgré ça, je continue de penser que les gens ne sont pas conscients de ce qu’on a fait aux îles Féroé. Préparer trois matchs en trois jours, analyser les adversaires, discuter avec les joueurs… tout seul, c’est impossible. Et pourtant, on a réussi à le faire, même si au bout du compte, on ne s’est pas qualifiés. En dehors de Martin Muller qui a eu des soucis à l’épaule, c’était aussi un exploit de sortir sans blessé grave.

« La différence avec les autres années est là : on joue désormais pour gagner. »

Vous ne verrez effectivement pas les prochaines phases qualificatives du Mondial et de l’Euro, mais vous avez sans aucun doute réussi une chose essentielle : la création d’un véritable groupe, soudé et uni, qu’on a observé lors de ces deux semaines de compétition.

Ma décision de rajeunir l’équipe s’est révélée très positive à la fin. Le mélange entre expérience et jeunesse a été une bonne combinaison. Il y a eu un pilier collectif, une bonne ambiance et un groupe motivé, orienté vers un seul objectif commun : gagner chaque match. Finalement, la différence avec les autres années est là : on joue désormais les qualifications pour les gagner. La mentalité du groupe a changé petit à petit par rapport à il y a quatre ans quand j’ai repris l’équipe. On n’y va plus seulement pour jouer, mais pour gagner, et c’est quelque chose de très positif. Il y a une base solide avec les jeunes joueurs qui sont le futur et les joueurs expérimentés qui peuvent leur apprendre beaucoup de choses. 

Quel est le cœur de votre projet, avec cette sélection?

Pour moi, passer les phases de qualification sera toujours un objectif. Quand j’ai commencé, c’était déjà le cas. Seulement, on ne peut pas demander grand-chose si la moitié de l’effectif n’est pas présent. La différence entre le Luxembourg et la Belgique, c’est qu’eux, ils ont dix, voire douze joueurs professionnels. Nous, à part un ou deux joueurs, on ne l’est pas, donc il faut s’adapter à la situation. Si tout le monde est présent, mon objectif sera toujours de gagner et d’aller plus loin. C’est pour ça qu’il y a quelques mois, j’ai visité chaque club pour discuter avec eux et les joueurs, afin d’évoquer l’avenir de la sélection. Mais il faut d’abord régler les problèmes de fond : l’organisation et la formation. Je connais tous les jeunes joueurs au Luxembourg, que ce soit au Sportlycée ou en club, et je sais avec qui on aura l’opportunité de faire quelque chose.

Votre contrat en tant que sélectionneur de l’équipe nationale se termine bientôt. Votre objectif est donc de continuer?

Je dois bientôt remettre mon rapport de stage. On se mettra autour d’une table pour discuter, et si la fédération en a l’envie, on discutera des points nécessaires. Désormais, on a passé la deuxième vitesse, mais il faut franchir un autre cap. Pour cela, il faudra mettre les ingrédients nécessaires.

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