Lucas Correia : « Vivre ça à 19 ans… »

Un titre de champion, une présence capitale au sein de l’effectif, des dribbles à tout-va, et, enfin, le titre de meilleur espoir de BGL Ligue. Une année faste pour Lucas Correia. À 19 ans, le jeune ailier fait le point sur une saison inoubliable, et les projets pour le futur. Entretien promesse.

Quel est ton rapport au football dès le plus jeune âge ? As-tu baigné dedans ?

Oui, clairement. Mon père était joueur de foot et entraîneur au Cebra. Il coachait les dames et les hommes et ma mère jouait dans son équipe, donc évidemment, pas le choix, nous étions tous les soirs sur le terrain, et forcément à un moment donné, on se lance.

Tout de suite, très jeune, tu sens que tu es au-dessus ? À quel moment tu as l’impression d’avoir un truc en plus ?

Je pense que c’était assez tôt. J’ai commencé à Dudelange où je marquais beaucoup de but étant jeune. Et puis, l’équipe nationale est arrivé, dans laquelle la FLF publiait des classements de performance, et je terminais très souvent dans le haut du panier. À l’âge de treize ans, je suis parti à Metz, où j’ai commencé à voir autre chose, à un niveau encore supérieur.

Que retiens-tu de ton expérience à Metz ?

Beaucoup de bonnes choses. Mon physique m’a fait un peu défaut, mais j’ai rencontré des gens, des coachs, j’ai joué contre de belles équipes comme Bordeaux ou Saint-Etienne, c’est quelque chose qui forge énormément, et ce sont des expériences enrichissantes. Je ne regrette rien.

Tu dis que ta taille a pu te faire défaut à ce moment dans ta carrière. Est-ce que tu estimes que ce physique est un frein ou un avantage pour toi ?

Pour avoir eu la discussion avec beaucoup de personnes, je pense que ce n’est ni l’un ni l’autre. Si quelqu’un me veut, il sait ce qu’il va avoir, c’est très clair. Je ne le perçois pas comme un frein, et j’estime que c’est une force, mais elle ne va pas avec tout le monde ou tout style de jeu. Ce qui est certain, c’est que s’il y a un transfert un jour, la personne qui me désire devra le prendre en compte et avoir une idée claire de comment m’utiliser.

Passons à cette année 2021. Comment l’évalues-tu à titre personnel ?

Je dirais avant tout que c’est une surprise. Pas forcément de ce que j’ai réussi à faire, mais plus à quel point cela a été vite. L’an passé, je n’avais que très peu joué, ce qui était tout à fait compréhensible. Quand Sebastien Grandjean est arrivé, il a tout de suite fait confiance aux jeunes. Les deux premiers matchs n’ont pas été top, mais ensuite, c’est monté crescendo. Je pense avoir fait une saison assez régulière, peut-être pas assez décisive en termes de buts et passes décisives : dans l’absolu, trois buts et trois passes dé’, c’est pas assez bon. Mais je suis content et fier de ce que j’ai accompli. Pour une première, c’était vraiment pas mal du tout. Et j’ai eu la chance de faire partie de cette équipe qui était magnifique dans tous les sens du terme. J’ai pu aider le Fola à être champion, et vivre cela à 19 ans, c’est extraordinaire.

Sebastien Grandjean a en effet donné la chance à beaucoup de jeunes. Mais au-delà de ça, que t’a t-il vraiment apporté, quel rôle a t-il eu dans ton explosion ?

Il a eu une influence énorme. Déjà, tout simplement en me laissant être le garçon que je suis, que cela soit en dehors ou sur le terrain. Il ne m’a jamais bridé. La première chose qu’il m’a dit c’est « Footballistiquement je n’ai pas beaucoup à t’apprendre, mais mentalement, je peux t’apporter énormément ». Et il a été d’une aide précieuse. Il m’a permis de rentrer dans l’âge adulte. Tout cela, c’est grâce à lui. Il sait que j’aime déborder, dézoner, et il a toujours accepté cela. J’avais les meilleures conditions possible pour exprimer mon talent à 100%.

Ta saison a été extrêmement réussie, c’est indéniable. Mais si tu devais faire une analyse, sur quoi penses-tu que tu dois encore t’améliorer pour devenir encore meilleur ?

Mon principal défaut se joue dans la tête. Les luxembourgeois qui ont fait la quasi totalité de leurs gammes au Luxembourg ont un peu tendance à douter d’eux, et c’est la même chose pour moi. Je ne sais pas ce que vaut mon talent en dehors du pays, je n’ai pas trop de point de comparaison. Je peux donc avoir un manque de confiance en moi. Il y aura beaucoup de up and down. Quand je me sens bien, rien ne peut m’arrêter. Par contre, quand je ne suis pas en confiance, c’est très compliqué. Il me manque aussi peut être l’esprit tueur. Enfin, physiquement, il me manque sûrement trois ou quatre kilos encore. J’ai comparé ma taille avec des joueurs qui ont la même taille que moi mais qui jouent dans des grands championnats, et je dois gagner un peu en poids. C’est un travail à accomplir.

Comment fait-on pour stabiliser cette confiance qui fait un peu les roulettes russes ?

Si je le savais (rires)… Je pense que rien ne passe à côté du temps de jeu. Le début de saison a été un peu compliqué pour moi : j’ai eu le COVID, puis une blessure qui m’a handicapé pendant six à huit semaines… Sachant la saison que j’ai réussi l’an dernier, je sais que les gens attendent aujourd’hui bien plus de moi. C’est quelque chose de compliqué à gérer. Mais je viens d’enchaîner quelques matchs et je sens que ça va de mieux en mieux, donc oui, la solution pour moi passe par le temps de jeu.

Sur le terrain, tu peux jouer à beaucoup de postes… Est-ce que tu as une position préférentielle ?

Ailier droit, peut-être. Rentrer sur le pied gauche c’est ce que je fais automatiquement et cette position me le permet le plus. Ça me donne le temps de contrôler, d’accélérer, de combiner. Mais je vais être honnête avec vous, j’adore jouer en 10 aussi. Face à Hostert je suis rentré à ce poste et j’ai vraiment kiffé. Je suis vraiment libre d’aller à droite, à gauche, partir tout droit, revenir en arrière… On est plus limité sur l’aile.

Ce poste demande t-il un niveau supplémentaire ?

Non, je pense que c’est en fonction des matchs, une question d’habitude et d’effectif. Aujourd’hui, nous avons Mirza Mustafic en 10, bon… Je vais pas aller le titiller hein (rires) ! Il fait très bien le boulot. Maintenant, si pour telle ou telle raison je dois jouer là, ça sera avec grand plaisir.

Il y a un an, on peut pas vraiment dire qu’on ne te connaisse pas en BGL Ligue. Aujourd’hui, ton statut a t-il changé ?

Honnêtement, je passe pas beaucoup de temps à me demander si j’ai un statut. On va dire que les gens ont vu de quoi je suis capable, et attendent de le revoir. En début de saison, quand je jouais moins, je voyais les adversaires venir me voir et me dire qu’ils avaient travaillé à l’entraînement des systèmes pour m’empêcher de m’exprimer, et c’était évidemment très flatteur. On me connait plus, pour moi la différence est là, et je prends ça comme une marque de respect.

L’an dernier, tu es dans une équipe presque intouchable, avec un superbe football, un collectif rayonnant. Cette saison, cela a été plus compliqué, sûrement dû à une campagne européenne épuisante physiquement et mentalement mais aussi des départs majeurs. Comment est-ce que tu gères de passer d’une équipe à qui tout réussissait à une année où tout ne roule pas forcément bien ?

On a perdu le meilleur buteur, le meilleur passeur, forcément ça joue ! Maintenant, pour ce qui est des difficultés du moment… Je le prends bien. Ce n’est pas un secret, mon objectif n’est pas de rester au Luxembourg éternellement. Je veux un jour tester mes limites ailleurs, et passer par une période difficile peut forger le caractère, et est une bonne piqure de rappel que tout n’est pas « facile » dans le football. C’est une bonne leçon pour le futur.

Comment situes-tu le niveau de la BGL Ligue, et la vois tu comme une étape ?

Pour ce qui est du niveau… Je suis passé par le centre de formation de la FLF où on a tendance à sous-estimer la BGL… Même moi, quand j’ai débuté, j’ai pris les choses à la légère. Le début de saison a été une bonne claque. Le niveau du championnat a beaucoup augmenté ces dernières années, il ne suffit que de regarder le classement cette saison, où tant d’équipes luttent pour les places du haut de tableau. Maintenant, est-ce une étape ? Si à 19 ans, j’avais pour objectif de rester ici après avoir eu une si belle saison et terminé champion de Luxembourg, cela serait étrange non ? Evidemment, les grands championnats m’attirent, et je veux les rejoindre. Le tour n’a pas été fait bien sûr, mais je ne me contenterais pas de ça. Ce qui est certain, c’est que je ne partirais pas pour partir. Si je dois aller ailleurs, ça sera dans une équipe qui me séduit vraiment, dans une ligue compétitive.

La sélection nationale, les A… on y pense ?

Forcément… Mais il faut être honnête aussi, on connait tous le point de vue de Holtz sur les joueurs nationaux. Si un footballeur comme Dejvid Sinani n’est pas appelé, bon… Je ne me fais pas trop d’illusions non plus (rires) ! Il faut rester réaliste. Mais un jour oui, forcément, une carrière nationale j’y pense.

Tu penses que pour en arriver là il faut partir du championnat luxembourgeois ?

Oui. Je reprends l’exemple de Dejvid : il n’a plus rien à prouver, et même avec ce niveau de performance, cela ne suffit pas, donc il ne faut pas se voiler la face.

Quels sont tes objectifs à court terme ?

Devenir plus décisif. Il est temps maintenant. Je suis quelqu’un qui adore marquer et faire la passe décisive…

Tu as une préférence entre les deux d’ailleurs ?

De par mon style de jeu, c’est plus facile de passer mais je préfère largement marquer, évidemment. Comme tout footballeur (rires) !

Que représente pour toi le fait d’être élu meilleur espoir de BGL Ligue ?

Une fierté immense. Dans l’absolu, on a beaucoup d’excellents jeunes joueurs dans ce championnat, et être désigné le meilleur parmi tous ceux là, je refuse de dire « c’est normal, c’est banal ». C’est un accomplissement qui compte énormément pour moi. Donc encore une fois, oui, c’est une très grande fierté.

Exergue 1 : « Il y aura beaucoup de up and down. Quand je me sens bien, rien ne peut m’arrêter. Par contre, quand je ne suis pas en confiance, c’est très compliqué. »

Exergue 2 : « Si à 19 ans, j’avais pour objectif de rester ici après avoir eu une si belle saison et terminé champion de Luxembourg, cela serait étrange non ? »

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