Lucie Schlimé : « Je ne voulais pas être gardienne »

À seulement 18 ans, Lucie Schlimé est déjà la portière de la sélection nationale. Et, chose particulièrement rare pour une personne jouant à ce poste, elle a été élue meilleure joueuse de Ligue 1 Dames par ses pairs et le jury. Une consécration pour la joueuse de l’Entente Itzig/Cebra qui aspire, malgré sa grande précocité, à aller encore plus haut.

De quand date ton amour pour le football ?

Depuis que je suis née (rires) ! Le premier pas que j’ai mis dehors, c’était avec un ballon de football. Je jouais énormément avec mon cousin. Je n’ai par contre rejoint un club qu’à l’âge de douze ans. J’étais dans un petit village qui n’avait pas vraiment de connexion avec le football, donc j’ai dû attendre un certain temps.

Cette passion pour le foot, elle t’a été transmise par tes parents ?

Non, vraiment pas. Je ne peux pas trop expliquer comment cela a débuté, c’est une passion qui est venue seule. Mes parents aiment le sport mais ne sont pas particulièrement compétitifs.

Tu as toujours voulu jouer au poste de gardienne ?

Non, je ne voulais jamais ! Je suis allé au club, et je voulais jouer en défense, je ne sais pas pourquoi (rires) ! Mais je ne jouais jamais, j’étais toujours sur le banc. Ils m’ont alors dit que la gardienne allait partir l’année suivante, et m’ont proposé de prendre ce poste. Je me suis dit pourquoi pas. C’était ma seule chance pour jouer (rires) !

À quel moment as-tu compris que tu avais de réelles qualités, supérieures à la moyenne ?

Pour moi, c’est très dur de dire que j’ai des qualités supérieures… Je suis quelqu’un d’assez timide.

Tu es la gardienne de la sélection, ça n’est pas du hasard quand même ?

Non, c’est sûr. Mais j’ai dix-huit ans, je joue au football dans un club depuis six ans, c’est très peu. Depuis quatre ans, je suis à Itzig, dans une première division au Luxembourg. C’est vrai qu’à 14 ans, j’étais en U16, ce qui était tôt. Et j’ai donc eu beaucoup d’occasions de connaitre l’ambiance, et m’y habituer. Mais je ne me suis jamais dit « ah oui, je suis clairement au-dessus ». Les choses se sont faites petit à petit.

Sur quoi dois-tu encore t’améliorer pour passer un niveau ?

Les sorties aériennes sont mon grand point faible. Sortir sur les coups-franc, centres, corners… là-dessus, je doute vraiment de moi. Il faut clairement que je progresse dans ce domaine. Au Luxembourg, on enseigne encore peu vis-à-vis de ces aptitudes, c’est le déficit de tout le monde, mais chez moi, c’est encore plus extrême (rires) !

Tu es très jeune : comment les choses ont-elles été si vite selon toi ?

Je pense qu’on n’est jamais trop jeune, déjà. Si on a le niveau, on peut jouer. C’est sûr que pour un poste comme gardienne c’est un peu plus dur que d’autres positions, mais on est au Luxembourg, et on sait que l’on commence petit. C’est encore quelque chose de très familial. On est bien encadré, on sait où l’on va, l’ambiance est excellente, et passer les étapes est moins difficile et plus naturel que dans d’autres pays.

Es-tu du genre à regarder du football tout le temps, ou gardes-tu une certaine distance vis-à-vis de tout cela ?

Je ne regarde jamais. Ma seule routine, c’est de regarder les highlights du foot féminin avant tous les matchs. Mais sinon, je ne suis jamais devant ma télé, je ne suis pas du tout obnubilée par le sport en lui-même en tant que spectatrice.

Comment imagines-tu le futur ?

Je dois encore terminer mon école ici, où il me reste deux années. Après, mon but est d’aller à l’étranger et faire mes études tout en mélangeant le football avec un club qui est compatible. J’aimerais rejoindre un club de plus haut niveau, et disons-le, une structure professionnelle.

Tu as un pays qui t’intéresse plus que les autres ?

Plutôt l’Allemagne, oui. Si je devais choisir, c’est vers ce pays que je m’orienterais.

À ton âge, être titulaire en sélection, est-ce que ça n’est pas aussi un poids à porter d’une certaine manière ?

Tout à fait. Je l’ai encore senti il y a très peu. J’ai eu un grand article dans un magazine. Tout le monde m’écrivait « allez ! » ou « bonne chance ! ». Mais quand tu sens qu’il y a beaucoup de monde qui regarde tes performances et compte sur toi, c’est difficile à gérer, et cela peut influencer ta prestation de manière négative.

Comment penses-tu pouvoir réussir à gérer tout cela ?

Je ne sais pas trop… Je pense que l’on s’habitue à tout. Quand je repense au premier match que nous avons joué avec la sélection contre l’Irlande du Nord, j’étais vraiment nerveuse, un peu hors de moi. Et aujourd’hui, je suis bien plus calme, j’ai réussi à m’adapter et mieux appréhender ces rencontres-là. Je suis moins stressée.

Avec la sélection, tu as eu quelques matchs récemment où tu as été très sollicitée. Est-ce quelque chose qui te plait, ou préfèrerais-tu avoir des matchs plus tranquilles ?

Je préfère en effet les matchs où j’ai plus à faire. Si on prend l’exemple de la rencontre face à la Macédoine où on a gagné d’un petit but, j’avais une bien plus grosse pression. Si je faisais une erreur, cela aurait coûté énormément. Ma responsabilité était bien plus élevée, et c’est forcément plus stressant. Par contre, quand on joue face à l’Angleterre, je peux seulement faire de mon mieux, et cela n’aura pas une incidence énorme sur le résultat de la rencontre. Et puis, c’est difficile quand on n’a rien à faire pendant une demie-heure de rester aussi réactive quand le ballon vient. Je préfère donc me retrouver un peu comme à l’entraînement, où il y a toujours des frappes, des actions.

Estimes-tu que le football féminin est valorisé au Luxembourg ?

(Elle hésite…) Oui… Ils essayent de le valoriser. À titre d’exemple, nous avons quand même joué dans le Nouveau Stade pour les matchs internationaux, ça n’est pas rien. Mais de l’autre côté, on se retrouve dans une enceinte qui est quasiment vide. Ce n’est pas qu’aux instances et au gouvernement de créer un engouement. Ils donnent beaucoup pour nous, mais le public ne répond pas pour le moment. Après, il faut aussi se rappeler que nous sommes au début de cette discipline sportive au Luxembourg, et si on revient des années en arrière, les hommes aussi n’avaient que très peu de spectateurs. Il faut juste un peu de temps.

Il y a eu une vraie polémique ces derniers temps dans le football féminin. Penses-tu que le championnat soit faussé ?

Oui, c’est certain que c’est problématique. Si on prend la Ligue 1 Dames, les huit premières équipes jouent le jeu, avec des effectifs solides, et sont tous vraiment en compétition les unes avec les autres. Mais le reste, par contre, est vraiment faible… On se retrouve à jouer des matchs qui sont à des niveaux totalement opposés. Certaines rencontres vont être très disputées, et d’autres où l’on sait d’avance que l’on va gagner avec une différence de score énorme. Et je suis du côté d’une équipe compétitive, mais pour celles qui ne le sont pas, ça ne doit pas être drôle non plus.

Que faut-il faire pour améliorer la situation ?

C’est dur. Il n’y a pas beaucoup de monde au Luxembourg qui veut jouer dans une équipe de première division. Les gens préfèrent conserver cela comme un hobby, un petit loisir. Et les grands clubs veulent naturellement avoir les meilleures joueuses, à l’image du Racing qui achète. Cela rend donc très compliqué la marge de mouvement, et on ne peut pas faire grand chose. Chez les femmes, dans la très grande majorité des clubs nous n’avons pas de contrats. Donc forcément, on n’est pas fixé, on peut tout le temps changer. Si l’entraîneur ne me plait pas, alors je vais changer. Et comme j’ai bougé, ma copine va me suivre aussi. C’est clairement difficile à gérer comme situation.

Tu as parlé du Racing, qui est la grosse écurie au Luxembourg. Est-ce que tu pourrais t’imaginer rejoindre ce club ?

Non, pas du tout. Dans mon objectif d’apprentissage et de progression, aller au Racing serait une erreur. Si je joue à Itzig, j’ai plus à faire dans les matchs. Je reçois plus de ballon, les rencontres sont bien plus enrichissantes. Si j’étais au Racing, il y aurait sûrement des rencontres où je ne touche pas le ballon une fois. Et si je veux aller dans un meilleur club, honnêtement, je sortirai du Luxembourg.

Le football féminin est-il bien vu à tes yeux au Luxembourg ?

Par rapport aux autres pays, je trouve cela meilleur ici. Je ne dirais pas que les gens nous supportent, mais ils acceptent complètement que des femmes jouent au football. Dans d’autres pays, on peut voir une vraie hostilité. Le simple fait de ne pas être contre est déjà une très bonne chose.

Que représente ce titre de meilleure joueuse de Ligue 1 Dames pour toi ?

Cela représente énormément. Il y a trois ans, avant le coronavirus, Lisa, une joueuse de mon équipe avait été nominée pour le titre de meilleure joueuse de Ligue 1 Dames. Je me rappelle regarder tout cela avec des étoiles dans les yeux, alors que je n’avais que quinze ans. C’était pour moi quelque chose qui paraissait presqu’inaccessible. Aujourd’hui, je me suis amélioré, et avoir une telle récompense, cela prouverait parfaitement à quel point mes efforts et sacrifices valaient le coup.

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