Nicole Kuhn-Di Centa : « Il faut sensibiliser les parents le plus tôt possible »

La présidente de la LASEP, la Ligue des Associations Sportives de l’Enseignement Primaire, s’est exprimée pour Mental! sur le sujet épineux de la pratique du sport chez les enfants au Grand-Duché, entre sensibilisation et enjeu prioritaire.

Pouvez-vous expliquer vos missions au sein de l’APEP et en quoi consiste l’APEP ?

Je suis présidente de la LASEP, qui s’occupe du sport para-périscolaire pour les enfants de l’école fondamentale, c’est-à-dire de 3 à 12 ans. Notre philosophie, ce n’est pas le sport compétitif mais plutôt la joie de faire bouger les enfants, le multi-sport.

Quel constat faites-vous sur la pratique du sport chez les enfants, sur cette tranche d’âge des 3-12 ans ?

De mars à juillet 2020, le sport para-périscolaire a été arrêté en raison du Covid, et on a vu la différence lors de la rentrée de septembre qui a suivi. Cela faisait des mois que les enfants étaient isolés, ils ne bougeaient pas tellement, donc on a vu une réelle différence par rapport à l’avant-pandémie. Cette année, il est encore trop tôt pour faire un bilan. Mais l’impact a été clairement négatif, et pas seulement du point de vue physique mais aussi au niveau social et mental, car c’est aussi ça le sport. Pourtant, nous, en tant que LASEP, nous n’avons jamais eu autant d’enfants ! En 2019/2020, nous avions 7 018 licenciés. Et aujourd’hui, en date du 15 juillet dernier, nous en avons 7 269, ce qui est plutôt positif. Étant donné que la LASEP est conventionnée avec le ministère de l’éducation nationale, les parents nous donnent déjà beaucoup de confiance. Donc même pendant le Covid, ils étaient plutôt rassurés.

Justement, en parlant des parents, ne doivent-il pas avoir une responsabilité prioritaire dans la pratique sportive chez leurs enfants ?

Naturellement, en tant que parents, nous avons toujours une responsabilité. Mais les parents d’aujourd’hui, ce n’est plus la même chose que cela était il y a plus de dix ans. Ils doivent parfois travailler à deux, ils n’ont pas forcément le temps d’inscrire leurs enfants, de les conduire. C’est pour cela qu’ils sont de plus en plus dans les maisons relais. Ils ont la responsabilité, mais je crois qu’ils n’ont plus le temps. La mentalité a un peu changé, la société n’est plus la même.

Jeff Kohnen, le président de la LASEL, m’a dit qu’ils avaient fait le constat que les élèves qui arrivaient de l’école fondamentale n’avaient, pour la plupart, pas une bonne condition physique. Êtes-vous en partie d’accord et si oui, qu’est ce qu’il faudrait changer ?

Oui je suis en partie d’accord. Les enfants n’ont pas plus de trois heures par semaine d’éducation physique, ce qui n’est pas beaucoup. Aujourd’hui, ils restent plus souvent assis et bougent moins. Mais je me pose la question de savoir si c’est le rôle de l’école ou des fédérations sportives, des acteurs tels que la LASEP et la LASEL. Nous devons mettre plus d’actions en place pour les faire bouger encore plus.

Quelles actions mettez-vous en place pour relancer cette activité physique chez les enfants ?

Tous les élèves inscrits à la LASEP ont des séances hebdomadaires. On aimerait naturellement faire encore plus, mais c’est aussi un soucis de trouver des personnes qui ont de l’expérience avec les enfants, qui ont les diplômes. Parce qu’à l’école fondamentale, ce n’est pas la même chose que la LASEL, ce sont des profs de sport. Nous, on fonctionne en tant que généraliste à l’école fondamentale.

Trouvez-vous que la part d’éducation physique à l’école est assez importante ou il faudrait selon vous consacrer plus de temps à la santé physique des élèves ?

Il faudrait absolument y consacrer plus temps. La santé physique, c’est une priorité. Mais ce n’est pas seulement au ministère de l’éducation ou de la santé de s’en occuper, mais tous les ministères qui devraient s’impliquer pour trouver une solution. On sait très bien que la santé mentale est liée à la santé physique, donc nous pourrions faire beaucoup plus.

Essayez-vous d’émettre ces idées au ministère ?

Oui, nous avons des pourparlers avec le ministère, c’est positif. Après, je comprends aussi le ministre. On n’a que 28 heures par semaine de cours à l’école, et c’est difficile de tout mettre au sein de l’école. Donc même si je trouve que nous pourrions changer des choses, je peux comprendre le ministre, car tout le monde aimerait avoir plus. Pour la musique, ils disent la même chose ! Alors la solution, à mon avis, serait de faire les activités physiques en dehors de l’école. Pour le fondamental, la solution serait les maisons relais, parce qu’il y a beaucoup d’enfants au sein de celles-ci. Et là, nous devrions faire un programme avec au moins une heure d’activité par jour. Ce serait l’idéal.

Ces maisons-relais mettent-elles cela en place ?

Oui, ils ont un plan cadre où l’un de leur point fort est de faire bouger les enfants. Nous travaillons beaucoup avec les maisons relais et ils commencent vraiment à bouger. Nous voyons que quelque chose est en train de bouger.

« On devrait tous se mettre autour d’une table pour voir ce que nous pourrions réaliser. Tout le monde a de bonnes idées, mais il manque un fil rouge. »

Pensez-vous donc que nous allons dans le bon sens ?

Oui, je pense que nous allons dans le bon sens. Il faut sensibiliser les parents, et le plus tôt possible, peu de temps après la naissance, c’est important de faire bouger les enfants. On doit mettre l’accent sur les jeunes parents, après ce sera beaucoup plus facile. Si les parents bougent, les enfants bougeront, peut-être que les politiciens bougeront aussi. C’est toute une mentalité qui doit changer.

Ne serait-ce pas tout le système du sport luxembourgeois qu’il faudrait modifier ? Afin de lui offrir un place plus « prioritaire » ? En prenant exemple sur d’autres pays…

Oui, l’Allemagne, le Canada, la Suisse… Vous savez, je suis engagée depuis plus de trente ans, et on dit toujours la même chose, finalement c’est toujours difficile de changer, parce qu’il y a beaucoup d’acteurs. On devrait tous se mettre autour d’une table pour voir ce que nous pourrions réaliser. Tout le monde a de bonnes idées, mais il manque un fil rouge.

Pensez-vous que cela sera possible un jour ?

Je dirais que oui. Je suis une personne plutôt positive, et tout n’est pas négatif. Du moment que l’on parle du sport, c’est bien. Mais il ne faut pas lâcher, il faut toujours rappeler que c’est important, sinon ça se perd un peu.

Dernières nouvelles