Salmé Thill : « Pas dans le flou »

Suite à notre précédente édition de Mental! qui traitait de l’état du tennis au Luxembourg, la Fédération, par le biais de Salmé Thill, Directeur Technique National, a décidé de faire le point, et de répondre aux problématiques soulevées lors de notre dernier article. Entretien réponse.

Comment jugez-vous l’état du tennis au Luxembourg ?

Dans la formation, il faut être aveugle pour ne pas voir les évolutions de ces dernières années. Depuis cinq ans, des formations sont mises en place, ce qui n’était plus le cas depuis fort longtemps. Il y a des projets pour aider les clubs, mais aussi élargir la base de la pyramide. C’est quelque chose qui prend des années, il faut bien le comprendre, et on commence déjà à en voir les répercussions. Peut-être pas en termes de performances, mais en termes de volume de jeu, oui, et c’est très bon signe. Le programme « LETZtennis », par exemple, est une méthode et une aide à tous les clubs désireux de rentrer dans le projet, pour les enfants de 3 jusque 20 ans. C’est tout un parcours, avec des aides pour les entraîneurs par rapport à la technique, le physique, la tactique… C’est une espèce de cahier des charges de la formation du joueur. Le tout est, également, fait en collaboration avec le ministère des sports en appliquant les principes fondamentaux du  « LTDA Lëtzebuerg lieft sport », qui est aussi une grosse avancée sportive initiée par l’ENEPS. On a commencé cela il y a deux ans, et on a déjà 8-9 clubs qui ont adhéré au projet, ce qui représente environ 1000 jeunes joueurs. Il y a aussi dorénavant un circuit U6, U8, U10 qui n’existait pas auparavant, avec des règles et formats de jeu bien spécifiques. Pas plus tard qu’hier, j’étais au tournoi de sélection, et le juge arbitre est venu me voir pour me dire que depuis la création de ce circuit, on a trois fois plus d’inscrites chez les filles. Donc en termes d’impact, c’est réussi. Mais il faut bien comprendre que si une de ces filles est la prochaine Mandy Minella, il va encore falloir quinze ans pour qu’elle réussisse à éclore ! Mais nous dynamisons tout cela, et nous mettons en place tout ce qu’il faut pour favoriser le développement de potentiel. Il est aussi important de dire que le tout se fait en collaboration avec les clubs, et la relation entre ces derniers et la FLT n’a jamais été aussi bonne. J’estime que tout le monde tire dans le même sens. Ils envoient les jeunes aux formations, ils adhèrent au projet : nous sommes dans le bon. Mais c’est un travail de fourmi… Je sais que certains aimeraient un nouveau Gilles Muller après demain, mais ça ne sera pas le cas.

Quels sont les obstacles et difficultés majeurs que vous rencontrez ?

Les difficultés du moment sont bien sûr financières. Le sport n’est pas prioritaire au Luxembourg. Si l’on compare les budgets des pays frontaliers aux nôtres, il y a un monde. Nous devons être au dixième de ce qui, en Belgique ou en Allemagne et au 50ème de la France. Et en effet, il est vrai que nous sommes beaucoup de cadres fédé par rapport à la taille du pays. Ce sont les règles. Il y a en effet ces subsides qui ont été mentionné dans l’article, et on doit faire avec. Je ne peux pas commencer à critiquer les règles du jeu que l’on connait, surtout qu’il y a vraiment moyen de faire du bon boulot avec ces règles pour le moment.

Mais ne faudrait-il pas les changer ?

Nous le faisons ! En trois-quatre ans, le CA a presque triplé notre budget tournoi. On est passé à deux entraîneurs de plus. Cela peut paraître mineur mais ce sont des avancées, et on ne peut pas aller plus vite que la musique. Je ne peux pas leur dire « aujourd’hui on va avoir un entraîneur par joueur », puisque ce n’est pas faisable. Nous sommes six professionnels du terrain à élaborer des projets, avec 10-12 personnes dans le CA qui ne sont pas des imbéciles. On est plus d’une quinzaine à valider des projets et à les mettre en place. Donc soit nous sommes dix-sept débiles et on a tort, soit il y a quand même des trucs réfléchis et qui tiennent la route. On ne fait pas n’importe quoi pour le plaisir de… On avance, étape par étape. Chez les tout petits, certains ne retrouvaient pas ce dont ils avaient besoin dans leurs clubs, et maintenant ils sont full time. Ce n’est pas que les clubs travaillent mal, mais ils n’ont pas toujours les moyens d’accompagner les joueurs en tournoi et les former. On a restructuré les choses et le CA y est pour beaucoup. Ils nous ont fait confiance, et tout a été augmenté. On commence à faire des stages de préparation physique à l’étranger, ça n’est que des plus. Je comprends que les gens veulent des résultats, et qu’ils adorent dire que nos petits sont nuls, mais en l’état, ceux au sein de la Fédération sont les meilleurs du pays. On n’est pas bon au niveau international, on le sait, il faut changer plein de choses. Le système scolaire n’est pas idéal avec une année de plus, l’école est très importante aux yeux des parents, donc l’idée de sacrifice est compliquée.

Estimez-vous que vous devez jouer un rôle dans ce changement de mentalité ?

On veut essayer, et on est motivé. Si on peut changer 1 ou 2% de ces choses-là, on aura fait notre boulot. Je me doute bien qu’on ne va pas changer le système scolaire luxembourgeois, mais si je donne tout, alors je pourrais me regarder dans la glace. Mais franchement, les choses ne font qu’évoluer. Donc si je reviens au titre de votre dernier magazine, je n’estime pas que nous sommes dans le flou. On est optimiste, car on ne voit pas ce qui est de moins bien par rapport à il y a cinq ans. Et nous sommes sur une courbe ascendante. Ce n’est pas que moi qui le dis, ce sont des gens qui sont en place depuis un certain temps qui le confirment. Nous travaillons en étroite collaboration avec notre CA, et c’est ensuite à nous de faire en sorte que cela soit appliqué. Tout est fait étroitement avec une communication constante. Et on sait parfaitement que la situation idéale n’existe pas dans le sport. Chacun voit son cas particulier, et cela complique l’unité.

Est-ce le cas pour les tournois de sélection ?

Bien évidemment. Celui qui est le premier luxembourgeois au classement international, il veut évidemment être sélectionné d’office. Celui qui ne joue pas de tournois internationaux mais qui est premier du Luxembourg, il demande que cela soit lui. Celui qui remporte le tournoi de sélection estime évidemment que ça doit être lui. Donc on se retrouverait déjà avec trois sélectionnés. Et à cela s’ajoutent les parents qui peuvent dire « ok mon fils est deuxième, mais à chaque fois qu’il joue le numéro 1, il l’emporte ». Et donc on se retrouve avec douze personnes, parce que tout le monde se trouve le plus à même d’être le bon choix. On a donc essayé de trouver un système qui est équitable et qui nous permette de sélectionner des jeunes sans que la Fédération choisisse unilatéralement. 

Mais n’est-ce pas un peu incohérent ? La fédération, de par son expertise, sa connaissance, qui est évidemment plus élevée que les parents n’a t-elle pas cette légitimité à décider ?

On aimerait l’avoir, mais on est persuadé que si l’on choisit, on aura que des attaques face à nous. Avec le système actuel, les critères sont clairs et celui qui veut sa place en sélection nationale sait ce qu’il à faire, au même titre que le petit belge qui veut se qualifier pour la Belgique doit jouer obligatoirement les 2 tournois de sélection, quelle que soit sa position à l’ITF, numéro 1 en Europe ou trois trois champion de Belgique. Si vous regardez la sélection coupe davis francaise ou espagnole, il y a également une sélection… les 3 mieux classés à l’ATP ne sont pas automatiquement sélectionnés en simple.

Certes, mais s’il y a des malheureux, il y aura des malheureux, c’est normal…

Je vais vous expliquer tout le cheminement. Déjà, dans l’article, certains parlaient de tournois obligatoires sans cohérence sportive, ce qui est totalement faux une fois de plus. On a constaté que pendant les vacances, les enfants partaient et ne jouaient pas de tournois. On parle ici de sélection pour les championnats d’Europe, et championnats d’Europe par équipe. Ce sont les compétitions les plus importantes, pour lesquels les français, les belges ou les allemands vendraient père et mère pour pouvoir y participer. Ils donnent tout pour en être. Donc nous estimons en effet qu’il faut se battre pour aller chercher cette place. Par contre, si un de nos joueurs est toujours inscrit dans un tournoi d’un niveau au standing supérieur, évidemment, il sera sélectionnable. Par exemple, si un des nôtres va sur un ITF et n’est pas revenu à temps, ça n’est pas grave, et il sera probablement sélectionné d’office. Ce que nous voulons c’est simplement que nos athlètes concourent. Une sélection, ça se gagne.  Evidemment, c’est plus simple dans certains pays puisqu’il y a un classement international très représentatif. Ici, nous n’avons pas de classement international représentatif pour tous, donc nous sommes obligés de les départager. Dans l’état du tennis luxembourgeois à l’heure actuelle, on estime que ce système est le plus juste ainsi que le plus transparent. SI un jour la Fédération a une telle autorité qu’elle en devient indiscutable et qu’on pourra choisir qui on veut, peut-être qu’on fera les choses différemment. Mais aujourd’hui, cela leur fait jouer un tournoi de plus à nos joueurs, cela donne de l’expérience et nous permet de voir tout le monde.

Vis-à-vis des critiques faites sur la mentalité des jeunes et parents, êtes-vous aussi en désaccord ?

Plutôt que de critiquer la mentalité, je préfère essayer de donner le plus de clés et outils aux parents.. Ce qui est certain, c’est que nous essayons d’améliorer les choses. Nous avons déjà fait des formations parentales, avec des experts qui viennent expliquer le rôle du parent dans le triangle joueur – entraîneur – parent. C’est un rôle très ingrat pour eux. On leur demande de ne rien dire, de faire le taxi, d’être disponible constamment. Ils ont évidemment envie d’intervenir dans les projets, et malheureusement cela peut faire plus de tort que de bien. Et en effet, il y a une différence entre la mentalité luxembourgeoise et celles d’autres pays, mais tout n’est pas rose ailleurs non plus, il ne faut pas croire. C’est juste un paramètre de notre travail qu’il faut gérer et pour lequel on doit trouver des solutions.

Mais ne serait-ce pas un peu plus efficace d’être un peu moins pédagogue et d’y aller plus franco ?

Dans un monde utopique, oui, ça serait efficace (rires) ! Je pense qu’on déjà fait beaucoup de trajet en ce sens mais on ne peut pas être en conflit permanent avec les parents. Ils doivent comprendre qu’on est dans le même bateau et que nous travaillons pour le bien de leurs enfants. Dans un pays où il y a une telle concurrence, on pourrait le faire, en effet. Mais pas ici. Comme je l’ai lu dans l’article du numéro passé, l’absence de vraie concurrence donne à chacun un sentiment d’avoir son mot à dire. Et, en analysant la situation, je pense que c’est notre rôle d’expliquer, d’éduquer et de former. On ne peut pas changer les choses aussi drastiquement et aussi facilement. Tout est question d’étape.

En réponse à notre dernier magazine

En réponse à notre dernier magazine Mental! Qui parlait de l’état du tennis au Luxembourg, la Fédération, par le biais de l’Equipe Nationale Technique de Tennis a tenu à répondre par ce communiqué :

Tout d’abord, dans le but de clarifier certaines choses erronées qui circulent via quelques personnes mal intentionnées, tout fonctionne très bien en ce qui concerne le développement, l’organisation et l’évolution de la fédération (Conseil d’administration et centre de formation). Au vu des renforcements et des interactions entre la FLT, l’ENEPS, le CoSL et les clubs, il faudrait être aveugle ou très mal renseigné pour ne pas s’en apercevoir.

Nous aurons le plaisir de vous exposer n’importe quel sujet ou projet que vous désirerez aborder. Nos bureaux sont toujours ouverts aux journalistes désireux de faire refléter la réalité de l’évolution du tennis luxembourgeois du point de vue de la fédération, qui avec les clubs, sont les 2 acteurs principaux de ce sport. Nos critères et modes de fonctionnement sont clairs et transparents, ils sont disponibles pour tout un chacun.

Pour revenir brièvement sur les attaques (car on ne peut même plus parler de simples critiques) dont nous avons fait l’objet ces derniers temps, nous désirons apporter certaines réponses car même si nous savons que critiquer les fédérations est le hobby national dans tous les pays, nous ne pouvons, toutefois, pas laisser passer les mensonges et attaques discriminatoires.

Force est de constater que les attaques émanent toujours des personnes ayant le même profil :

  • Soit des personnes gravitant plus ou moins dans les activités tennistiques mais n’ayant jamais tenu une raquette en main ou travailler dans la formation de jeunes sportifs.
  • Soit des parents dont les enfants n’ont pas été sélectionnés ou gardés à la fédération et dont le seul passe-temps est devenu d’essayer de nous nuire. 
  • Soit des « entraineurs » qui au lieu de réussir à se valoriser par rapport à leur travail préfèrent critiquer et attaquer ceux qui œuvrent pour faire avancer les choses. Comme le dit l’adage : « on est rarement critiqué par ceux qui font mieux ». Honnêtement, nous préférons les gens qui, pour briller, n’éteignent pas les autres.

Quand certaines personnes cumulent plusieurs de ces profils, nous vous laissons imaginer la bassesse et la violence des attaques à notre encontre.

Nous pouvons malheureusement vérifier ce que nous venons d’évoquer à chaque tournoi ou évènement se déroulant au CNT, où l’activité principale de certains (nous tairons les noms par respect) est de critiquer les moindres faits et gestes des entraîneurs nationaux, certains allant même jusqu’à parler de nos vies privées.

Concernant les propos de Patrick Baluska, nous avons le plus grand respect pour lui mais ce n’est probablement pas la bonne personne pour juger les autres entraîneurs et encore moins le fonctionnement d’une fédération. Nous aimerions également dire un mot par rapport à ses jugements sur les entraîneurs « étrangers » qu’il décrit comme des mercenaires n’étant pas investis,Il est bon de rappeler que plus de 80% des entraîneurs du pays ne sont pas Luxembourgeois et, de plus, les offres d’emplois sont ouvertes à tous et les postes sont attribués en fonction des compétences, expériences et du niveau tennistique requis pour chaque fonction (et n’offrent pas des contrats de cinq ans). Il nous semble que le Luxembourg plus que n’importe quel pays fonctionne avec énormément de frontaliers. 

En revanche, nous ne savons pas trop quoi penser de cet entraîneur anonyme qui prétend vouloir aider le tennis luxembourgeois, si ce n’est que : si ses compétences tennistiques sont à la hauteur de son courage, c’est probablement l’entraîneur à éviter au Luxembourg.

Pour conclure sur une note optimiste, nous sommes conscients que tous changements et toutes règles mises en place ne peuvent contenter tout le monde mais au vu des retours de la majorité des entraîneurs et de la plupart des parents, nous savons que nous sommes dans le bon et que les résultats arriveront. Nous avons lu dans l’article que certains pensaient qu’il faudrait que Claudine Schaul et Gilles Muller décident de tout à la fédération. À nos yeux, c’est là un peu utopique de penser cela car la somme de travail à abattre pour nos dirigeants nécessite bien plus que 2 personnes. Toutefois, il est vrai que l’avis de ces 2 anciens pros est à prendre en compte, ceci renforce encore plus notre volonté de tenir notre ligne sportive car celle-ci est validée et soutenue à 100% par Claudine, et Gilles nous a confié l’éducation sportive et tennistique de ses 2 enfants (en collaboration avec leur club), la confiance de ces 2 personnes balayant, à nos yeux, les quelques critiques injustifiées d’une minorité. 

L’Equipe Technique Nationale de Tennis.

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