Trail : hors des sentiers battus

Hors contexte Covid, la discipline séduit de plus en plus de coureurs à travers le pays depuis quelques années. Il reste cependant des points à développer afin que l’effort en pleine nature se pérennise.

Comme de nombreux pays à travers le monde, le Luxembourg n’échappe pas au virus du trail depuis unegrossedécennie. La plupart des coureurs, lassés du bitume des courses citadines, se sont tournés vers des parcours en pleine nature avec un terrain plus souple pour les articulations, mais généralement avec beaucoup plus de dénivelé. Ehoui, on ne peut pas tout avoir!Le trail,qui n’est rien d’autre que la contractionde «trail running»,qui signifie littéralement «course sur sentier»,a commencé àse développer mondialementau cours des années 90 avec une codification qui respecte la présence d’un chemin de terre en nature.

Au Grand-Duché, le premier trail qui eutlieu est l’Uewersauer. Le parcours,qui traverse le magnifique territoire d’Esch-sur-Sûre,fait depuis office de juge pour les championnats nationaux de trail. La première édition, remportéepar Christian Krombach en 3heures 20minuteset 57 centièmes, a eu lieu le 23 novembre 2003. En 18 ans, cette épreuve est devenue majeure dans tous les sens du terme. Elle est devenue un des piliers dans le paysage des trails de notre pays, déclenchantle désir d’autres passionnés de nature et de plein air d’organiser leur propre course au Luxembourg. C’est ainsi le cas pour des épreuves dorénavant bien connues dans le calendrier des adorateurs de Kilian Jornet et François d’Haene: le Leopard Ultratrail Müllerthal (UTML),qui a lieu chaque saison à la mi-septembre dans la région fabuleuse du Müllerthal,ou encore letrail plus urbain DKV-Urban TrailLuxembourg, qui a lieu généralementà la fin du mois d’avril de chaque année. Cette épreuvea fleuri dans la tête d’un champion de trail qui a élu domicile au Luxembourg depuis maintenant quasiment 20ans. José Azevedo,médaillé de bronze aux championnatsdu monde de trail 2007 à Huntsville,au Texas (États-Unis),avait pris part à une dizaine de trailsau Luxembourg depuis son arrivée dans son nouveau pays d’adoption. Et alors qu’il étaitassis un soir dans le bus qui le ramenaitchez luiet qu’il regardaitpar la fenêtre, il a commencéà rêver: «En fait, tout acommencé avec un coup de fil, dans l’après-midi, de Marc Vanderlinden, mon coéquipierd’entraînement qui a fini deuxième lors des championnats du monde 2007,oùj’ai finitroisième. Il me parle d’une course qui pourrait me plaire avec plus de 600 marches: l’Urban Trail de Lyon.»

Médaillé de bronze au championnat du monde, il crée le DKV-Urban Trail Luxembourg

José Azevedo a alors en tête les propos de son ami belge,lorsque, assis dans ce fameux bus,il a le regard happé parles horizons que lui offre la vallée de la Pétrusse: «J’ai eu une sorte de révélation en voyant ce décor et je me suis dit qu’il était envisageable de transposer l’idée lyonnaise ici.»Le rendez-vous estaussitôt pris avec Anne Brasseur,qui l’accueille dans le bureau du Service des sports de la Ville de Luxembourg.L’idée convainc. Après une bonne année de travail de repérage, de traçage et de formalités administratives avec son comité, José Azevedo voitson bébé naître. Le«DKV», qui rend la ville aux sportifs le temps de l’épreuve,a lieu pour la première fois en 2009. Et c’est tout de suite un succès avec la présence de 1.500 participants.Les aficionados des distances avec dénivelé en ont pour leur compte avec plusieurs parcours: «Nous avons voulu que ce soit une course pour tout le monde. Autant pour ceux qui aiment marcher, qui aiment courir plus ou moins longtemps, queceux qui veulentle réaliser avec leur chien.» En 2018, pour l’anniversaire des 10ans, les addicts au trail étaientau nombre de 3.700 participants.

Preuve que le trail est dorénavant bien implanté dans le décor des courses luxembourgeoises. Ce sport–considéré comme la troisième évolution de la course de masse après le jogging au cours des années 80 et le marathon au cours des années 90–dispose dorénavantde plus d’une dizaine de courses à travers le pays chaque année. Jean-Sébastien Dauch, directeur général de la Fédération luxembourgeoise d’athlétisme,constate d’ailleurs:«Nous sommes confrontés à une difficulté historique depuis les 10dernières années avec une augmentation exponentielle des organisations de courses. La FLA opère une régulation des courses.»Le DG de la fédération relativise: «Après tout, c’est une bonne problématique d’avoir ‘trop’de courses. Ànous de sensibiliser les organisateurs pour faire cohabiter au mieux tout le monde.»Surtout que,selon lui, les deux types de course,«sur route» et «trail»,s’enrichissent l’une de l’autre: «Il y a des passerelles évidentes entre les deux. Il suffit de se concentrer sur le phénomène Kilian Jornet pour s’en apercevoir. L’Espagnol issu du trail va vers la discipline du kilomètre,où il réalise des chronos très solides.»

Vers une formation trail à l’ENEPS ?

Malgré l’essor constaté depuis une décennie, il n’existe pas encore de structure de trail à proprement parler dans notre pays. Pourtant, les choses bougent au sein de la Fédération luxembourgeoise d’athlétisme. En effet, des pays voisins comme la France ou l’Allemagne dispensentdes formations spécifiques centrées surla course sur sentier. En ce sens, le Luxembourg s’en est rapprochéeta entamé une collaboration avec lafédération suisse. Jean-Sébastien Dauch précise:«Nous en sommes seulement aux prémices,mais le jour où tout sera en place, l’objectif est de pouvoir offrir à celles et ceux qui le veulentcette formation par la voie de l’École nationale de l’éducation physique et des sports (ENEPS).»

Pour le trail luxembourgeois,en quête d’un sérieux développement, le chemin semble encore long,mais en pleine nature,celui-ci ne peut être que merveilleux…

Jocelin Maire

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