La moto au Luxembourg : entre difficultés et enjeux

La majorité des sujets abordés dans le magazine Vroom ! est, en toute logique, consacrée à l’automobil et aux voitures. Mais il existe, au Luxembourg comme partout ailleurs, une autre facette des sports mécaniques : la moto. Ainsi sommes-nous allés à la rencontre de la Motor-Union Luxembourg afin d’en apprendre un peu plus sur cette fédération, qui fêtera cette année sa centième année d’existence. À cette occasion, nous avons rencontré le président de la MUL, Nicola Cumini, qui s’est confié sans concession sur la situation des différents sports, sur la difficulté de la pratique de la moto au sein du Grand-Duché et sur l’essor des motos électriques.

En mai 1922 est fondée la Motor-Union Luxembourg, autrement dit la Fédération luxembourgeoise de motocyclisme, qui aura, durant une longue partie de son histoire, accueilli des événements d’envergure internationale et couronné des pilotes connus et reconnus, et vu plusieurs titres de championnat du monde se jouer. Les années 1960 sont marquées par l’organisation des premiers motocross comptant pour le Mondial du côté d’Ettelbruck et peu après à Schifflange. Le club d’Ettelbruck fut amené à changer de circuit quelques années plus tard et se déplaça à Warken dans les années 70, puis à Folkendange, entre 1980 et 2000.

En trial, le pays a connu plusieurs manches du championnat du monde avec une première en 1988 et en 1999 un premier Trial des Nations, l’épreuve la plus prestigieuse qui soit, et dont le Luxembourg détient jusqu’à aujourd’hui le record du nombre de pilotes et de pays y ayant participé. Hélas, les temps ont changé. Selon le président de la MUL, « ce n’est plus la même époque. Aujourd’hui, les Grands Prix sont devenus trop chers et engendrent des frais énormes. Notre club phare, celui d’Ettelbruck, avait subi une trop grosse perte sur l’événement en 2000 et avait par conséquent décidé d’arrêter l’organisation. »

Aujourd’hui, le motocross et le trial ont un peu perdu de leur superbe au Grand-Duché, et les événements organisés sont surtout de niveau national. Le trial aura résisté un peu plus longtemps à l’international, mais là encore, « les coûts sont trop élevés pour des clubs qui ont un aspect régional comparé à des clubs étrangers qui ont une centaine de personnes à leurs services », regrette Nicola Cumini, qui constate également, à l’instar de nombreux autres sports, que les bénévoles sont de moins en moins nombreux, même si la tendance est plutôt au regain.

« Nous n’avons pas beaucoup de gens qui s’engagent. La majorité du travail est fait par une dizaine de personnes qui font tout, tout le temps, partout. Mais paradoxalement, les jeunes commencent à venir et c’est très positif. De mon point de vue, il y a deux générations qui n’ont pas suivi. Aujourd’hui on tente vraiment d’ouvrir les portes à tout le monde. Il y a un regain, notamment avec notre communauté portugaise qui est très présente dans le motocross et qui nous aide énormément. »

Une pratique difficile à faire accepter

Lors de notre entretien, un sujet est souvent revenu sur la table : le paysage luxembourgeois n’est pas forcément adapté à la pratique de la moto. Dans un petit pays dont la superficie ne dépasse pas les 2 600 km², il est difficile de trouver des espaces qui conviennent à tout le monde. Entre le circuit de motocross d’Ettelbruck qui a dû changer plusieurs fois de lieu et l’impossibilité de s’entraîner entre février et mi-juillet sur l’unique circuit à Bockholtz (étant donné qu’il est situé dans le parc naturel de la Haute-Sûre et qu’il faut sauver la faune sauvage), difficile d’entreprendre beaucoup de choses et de voir plus loin. Parce qu’une moto, ça ne plaît pas forcément à tout le monde. « Une moto de cross, ça fait beaucoup de bruit, donc c’est délicat pour l’entourage et les riverains, qui se plaignent souvent du vacarme et parfois de la poussière. Une moto trial est beaucoup moins bruyante, donc c’est un peu mieux accepté. Malheureusement, souvent les gens se plaignent et sont intolérants, et on nous restreint l’utilisation de notre circuit. »

Conséquence : les conséquences se font ressentir au niveau des performances des pilotes, mais aussi dans l’organisation d’événements. « On le sent du côté des pilotes. On n’a pas d’entraînement en début de saison et si on compare nos participations au Motocross Nations, à l’époque on arrivait à gagner quelques places, alors qu’aujourd’hui on n’arrive plus à atteindre le seul minimal pour y participer. Il nous manque un circuit d’entraînement ouvert sur l’année, on ne peut pas organiser des stages. On pourrait organiser une course 85cc de niveau européen à Bockholtz, mais le circuit ouvre au moment où le championnat d’Europe 85cc se termine. »

Trouver d’autres terrains est un défi compliqué, malgré la réduction du bruit des motos. « Le bruit est un vrai problème et est la raison numéro un de la fermeture des circuits en Europe. La Fédération Internationale de Motocyclisme s’est penchée sur le problème. Sur la base d’une enquête faite auprès des fédérations, elle a fait en sorte que le bruit des motos soit réduit dès l’année prochaine et a imposé une réduction de 2db », explique Nicola Cumini. Trop peu pourtant pour régler une problématique ancrée dans cette pratique. Il existerait alors une seule solution : l’électrique.

L’électrique pour renouveler le paysage luxembourgeois ?

Nicola Cumini le concède, « avec l’arrivée de la nouvelle génération de motos électriques, on commence à voir des prototypes assez intéressants. Avant, la moto était assez lourde et pas très efficace. Les gens qui en achetaient une n’arrivaient, dans des conditions difficiles, pas toujours à terminer leurs manches, car la batterie ne tenait pas. Désormais, il y a un constructeur européen qui vient de sortir un prototype vraiment attractif. Je pense qu’à partir du moment où la moto électrique deviendra plus performante qu’une thermique, tout le monde changera et on se débarrassera du bruit. »

Un changement catégorique que ne peut qu’accepter ce passionné de moto à moteur… thermique. « Moi, j’ai grandi avec le deux temps, j’adorais les 500, des motos surpuissantes et pas souvent contrôlables, tout ce qui me plaisait ! (rires) Pas d’antipatinage, pas d’anticabrage, rien de tout cela. Avec un tel monstre tout était entre les mains du pilote, c’est ce que j’aime. Mais le monde avance, les jeunes ont d’autres préférences et les motos modernes permettent de faire beaucoup de choses que nous ne pouvions pas faire à l’époque sans prendre trop de risques. »

Et pour cause, le moteur électrique devrait, au fil des années, devenir de plus en plus performant et puissant que le moteur thermique. « C’est le type de moteur le plus efficace. En voyant la nouvelle moto qui est sortie récemment, on ne peut rester que pantois devant cet engin qui avoisine les 80 chevaux. Si la batterie perd en volume et en poids, je pense qu’elle sera imbattable et je suis d’avis que dans des disciplines comme le freestyle, ce sera le futur », confie le président de la MUL. Mais plus encore que l’efficacité du moteur électrique, c’est toute une pratique qui sera renouvelée au Luxembourg et qui pourrait permettre aux pratiquants de s’entraîner toute l’année et, pourquoi pas, sur de nouveaux terrains. « Pour le motocross, au Luxembourg, c’est la motorisation du futur. Ça ne fera plus de bruit, donc on n’aura plus de limitation pour cause de nuisance de l’entourage. L’espoir, c’est qu’avec l’électrique, on puisse pratiquer toute l’année notre sport dans des conditions convenables. »

Pratiquer toute l’année et par la même occasion attirer un public plus large, même si les contraintes restent nombreuses. « Un de nos problèmes est que nous n’avons pas de terrain dans le sud du pays. Si on en avait un, ce serait bien plus facile ! La majorité de la population habite dans le sud, et faire quatre-vingts kilomètres par jour, ce n’est pas évident. Finalement, il y a beaucoup de gens qui roulent, mais comme ils ne peuvent pas le faire au Luxembourg, ils prennent une licence en France. D’autant plus que de l’autre côté de la frontière, ils demandent une assurance responsabilité civile que nous n’avons pas et qu’aucune autre fédération en Europe ne propose. La Fédération française la requiert et nous perdons un certain nombre de pilotes là-dessus. Il faudrait trouver un accord avec le ministère des sports pour obtenir une aide, car elle est relativement chère… Pourtant, je reste optimiste et je pense qu’avec l’arrivée des motos électriques, un circuit dans le sud du pays devrait être faisable », ajoute Nicola Cumini. Si l’électrique devrait mettre encore quelques années à s’implanter véritablement dans le monde de la moto, nul doute que le Luxembourg sera aux aguets afin de ne pas rater l’occasion d’entrer dans une nouvelle ère qui pourrait bien lui changer la vie.

100 ans, ça se fête !

La Motor-Union Luxembourg devrait fêter comme il se doit son centième anniversaire. Si tout n’est « pas encore planifié », plusieurs événements devraient avoir lieu au cours de cette année. À travers des expositions au sein d’une galerie d’un centre commercial, une séance académique, un championnat incluant avec les résidents luxembourgeois, licenciés ou non, la mise en vente d’un timbre postal spécial 100 ans et bien d’autres surprises, vous pourrez découvrir ou redécouvrir cent ans d’histoire de motocyclisme au Grand-Duché.

Pétange accueillera le Supercross en octobre

Les 16 et 17 septembre 2022 aura lieu le tout premier Supercross du Luxembourg, à Pétange. L’événement devrait attirer du beau monde, puisque les meilleurs spécialistes européens de la discipline devraient affronter des pilotes venus des États-Unis.

La MUL recherche des bénévoles

Si vous êtes intéressé pour devenir bénévole au sein de la Motor-Union Luxembourg, n’hésitez pas à envoyer un email à secretariat@mul.lu ou à contacter le 26 00 83 51.

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