Jeux vidéo et cinéma : je t’aime, moi non plus

Les jeux vidéo et le cinéma, c’est rarement une affaire qui roule. Quasiment trente ans après la toute première adaptation d’un jeu vidéo au septième art, on cherche toujours un très bon film à vous donner. Parce que jusqu’ici, ce n’est vraiment pas fameux. Et certains réalisateurs sont des adeptes du nanar.

Commençons par le commencement : le film Super Mario Bros, sorti en 1993, a posé les bases de plusieurs décennies de films… ratés. Réalisé par Rocky Morton et Annabel Jankel, l’adaptation du jeu vidéo du plombier à la salopette bleue a pourtant réuni plusieurs acteurs confirmés tel que Bob Hoskins (Qui veut la peau de Roger Rabbit) ou Dennis Hopper (Apocalypse NowSpeed…). Mais rien n’a fonctionné : un scénario incohérent au possible, pas terrible graphiquement et pas du tout dans la veine de la création de Miyamoto… Le film a ouvert le bal et reste aujourd’hui comme l’une des pires adaptations de jeu vidéo au cinéma, récoltant logiquement 21 petits millions de dollars au box-office pour un budget de… 48 millions. Deux ans plus tard sort Street Figther, de Steven E. De Souza, qui malgré un beau succès commercial (100 millions de dollars pour 35 de budget), a essuyé de nombreuses critiques : histoire bancale, personnages pas vraiment respectés, jeu d’acteur médiocre… Bref, son succès commercial tient beaucoup sur les inconditionnels du jeu éponyme (et aussi sur ceux qui adorent l’eau, comme Jean-Claude Van Damme, qui campe le héros du film). On enchaîne les années 90 avec Mortal Kombat, qui va réaliser un doublé de mauvais films : le premier, réalisé par Paul W. S. Anderson, a logiquement été la cible de certaines critiques (dialogues ringards, jeu d’acteur à revoir…) mais a été un succès commercial suffisamment important pour qu’une suite soit planifiée. Le deuxième, Mortal Kombat : Annihilation, a vu le jour en 1997 qui sera encore pire que son aîné et qui marquera la fin de la franchise (pour un certain temps).

On pourrait naturellement penser que l’une des raisons de ces nombreux échecs réside parfois dans le fait que le réalisateur ne respecte pas forcément le jeu vidéo en lui-même et le créateur du jeu, mais Chris Roberts a réussi à nous prouver le contraire en réalisantWing Commander, sorti en 1999, film qu’il adapte d’un jeu vidéo créé par lui-même. « Affreux », « Une sorte de petit plagiat pas méchant de Star Wars, médiocre à en pouffer et bien trop bâclé », les critiques fusent pour un film qui a fait perdre à la Fox près de vingt millions de dollars et qui boucle une première décennie catastrophique d’adaptation de jeux vidéos au septième art.

Lara Croft pour lancer un nouveau millénaire

On se dit alors que les années 2000 pourraient être celles de la rédemption pour une catégorie  qui n’avaient pas pris le meilleur départ. Niveau projet en tout cas, ça s’annonçait plutôt alléchant (si tant est qu’on puisse utiliser ce mot pour ce genre de film) avec l’adaptation du jeu vidéo Lara Croft : Tomb Raider. Mais rebelote. Avec Angelina Jolie et Daniel Craig au casting, le film marche commercialement mais doit faire face à une critique hostile, ponctué par une nomination aux Razzy Awards, les célèbres anti-Oscars dédiés aux navets du cinéma. Ce qui n’empêchera pourtant pas le film d’avoir droit à une suite, deux ans plus tard, avec Lara Croft : The Cradle of Life. Les producteurs donnent moins de budget et ça se ressentira. D’autant plus qu’avec une Lara Croft qui se bat à mains nues avec un requin, on commence à friser la parodie de film. Celui-ci fonctionnera beaucoup moins bien au box-office et les critiques ne tardèrent pas à le cartonner bien comme il faut. « Des personnages inexistants », « Le film n’a a offrir que le spectacle de sa vacuité » ou encore « On aurait apprécié que Jan de Bont daigne tourner des scènes d’action » pour ne citer que celles-ci.

Entre temps, Paul W. S. Anderson, qui avait réalisé le premier Mortal Kombat, se voit attribué l’adaptation d’un autre jeu mythique de Capcom : Resident Evil. Un succès commercial certain, un succès critique un peu plus mitigé. Pas de soucis pourtant pour voir apparaitre un deuxième volet, deux ans plus tard, intitulé Resident Evil : Apocalypse, qui engrangera 85 millions d’euros de bénéfice mais aussi une pléiade de critiques négative, ce qui n’entachera toujours pas la volonté de la production de continuer la saga avec en 2007 Extinction, en 2012 Retribution et en 2017 The Final Chapter. Cinq films, une base de fans plutôt solide (il fallait l’être) mais aucun véritable succès critique.

En 2005, Doom arrive au cinéma avec à l’affiche Dwayne Johnson. Le film se troue complètement et ne parvient même pas à rembourser son budget de 60 millions de dollars. Christophe Gans, réalisateur français, se penche en 2006 sur la franchise Silent Hill de Konami, qui relèvera légèrement le niveau global des différentes adaptations précédentes, malgré un succès modeste et une critique à deux poids deux mesures : « Magistral sur le plan visuel mais décevant sur celui de la narration », « Jamais loin d’atteindre quelque chose »… Dans la suite, qui verra le jour quatre ans plus tard, il n’y aura plus rien à sauver.

On passera les réalisations de l’allemand Uwe Boll, qui réalisera pas moins de cinq films en l’espace de cinq ans. De Bloodrayne à DOA : Dead On Arrival en passant par Alone In The Dark, toutes sont des catastrophes sans nom. On aurait pu également citer HitmanMax Payne ou encore le retour de Street Fighter, mais aucun d’entre eux n’a relevé le niveau déjà très bas auquel on assistait jusqu’ici. Même Disney s’y est essayé. Le géant américain se lance dans l’aventure en 2010 en sortant Prince of Persia : The Sands of Time, avec Jake Gyllenhaal. Raté. Le film n’est vraiment pas terrible et la critique s’en donnera à cœur joie. On en passe et des meilleures, mais les années 2010 ne proposeront rien de bien meilleur à nous mettre sous la dent.

Pourquoi une telle débâcle ?

Le potentiel d’une adaptation de jeu vidéo au cinéma est pourtant là. Mais une notoriété déjà aidée par le succès du titre et des univers qui peuvent parfois s’étendre à l’infini ne peuvent pas sauver ce qui saute aux yeux. Au final, ce n’est pas si facile que ça, d’adapter un jeu vidéo, car le réalisateur doit réussir à garder l’essence même du jeu dont il s’inspire tout en donnant un aspect narratif bien plus développé que dans celui-ci.

Parvenir à transcrire un langage, un vocabulaire propre à une et surtout condenser des dizaines d’heures de jeu en deux heures de pellicule n’est déjà pas une simple tâche. Mais en plus, quand les jeux vidéo ont l’avantage de pouvoir faire participer activement un individu à travers son gameplay (ils peuvent même le faire au détriment d’une histoire surdéveloppée), le film, lui, ne peut pas se cacher derrière ça. C’est peut-être pourquoi l’adaptation de Super Mario Bros, dont le jeu ne repose au final pas vraiment sur une véritable histoire, était déjà perdue d’avance.

Un futur plus radieux ?

Bref, vous l’aurez compris, les bonnes adaptations de jeu vidéo sont loin d’être légion dans une industrie cinématographique qui prône pourtant de plus en plus les blockbusters américains. Mais si l’on veut se rassurer, on peut se dire qu’au moins, on ne pourra pas faire pire que les trois dernières décennies. Surtout qu’il reste toujours une exception qui confirme la règle. Pokémon Detective Pikachu, sorti en 2019 et réalisé par Rob Letterman, a dans son film bien des composantes dont devraient s’inspirer les courageux qui voudront tenter une adaptation dans le futur. Car même s’il n’est pas parfait (loin de là), Detective Pikachu a opté pour la création d’un scénario bien à lui sans pour autant renier complètement ce qui fait les principes du jeu auquel il appartient. Sa capacité à intéresser et à impliquer tout autant le grand public pas forcément calé sur le sujet que les amateurs de jeux vidéos lui permet de briller au milieu du marasme dans lequel son genre appartient. Un marasme puisque les adaptations sorties après Detective Pikachu ont de nouveau été des échecs : notre bon vieux Paul W. S. Anderson a retenté le coup avec Monster Hunter, qui n’a même pas été sorti au cinéma en France (quand ça passe directement par la case VOD, c’est en général mauvais signe), et Sonic, même s’il n’a pas été catastrophique, a globalement laissé la critique amère. Espérons que la suite, prévue en avril 2022, nous régalera un peu plus, tout comme les futures adaptations de jeux vidéos au cinéma. Mais ce n’est pas la bande-annonce d’Uncharted, sortie il y a quelques semaines, qui va nous rassurer.

La véritable éclaircie pourrait alors se trouver dans les séries. Car récemment, Netflix nous a régalé avec The Witcher, une adaptation du jeu vidéo éponyme (lui-même adapté d’un roman d’Andrzej Sapkowski) et il y a quelques semaines avec Arcane, une série animée sur l’univers de League of Legends, qui récolte des critiques exceptionnelles de toutes parts (« chef d’oeuvre », « bluffant », « claque »…) et qui cartonne dans plus de 80 pays. Si l’avenir des adaptations de jeux vidéo n’est peut-être pas dans le cinéma, il le sera à coup sûr dans les séries.

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