Le point sélection féminine

Alors que la sélection féminine s’apprête à débuter sa phase de qualifications pour la Coupe du monde, petit point sur le groupe mené par Dan Santos. Interview du sélectionneur, présentation de joueuse et staff… Moien vous offre tout ce qui est nécessaire pour l’immersion avant les matchs.

Dan Santos : « Leur envie d’avancer m’a agréablement surpris »

Alors que la première semaine de qualifications pour la Coupe du Monde de football féminine 2023 en Australie-Nouvelle-Zélande a débuté cette semaine, nous avons cherché à savoir comment Dan Santos le sélectionneur de l’équipe du Luxembourg a réussi à inscrire son équipe, alors que jusque-là ça n’avait pas été envisagé. Interview sur ce pari un peu fou.

C’est la toute première fois que les Dames de l’équipe nationale du Luxembourg jouent une compétition officielle (et pas n’importe laquelle), quel a été le secret convaincre la direction ?

Ce n’est pas un secret (rire), c’était avant tout des arguments auxquels la présidence a été réceptive. Le constat était finalement assez simple : si l’on veut faire progresser le football féminin, nous nous devons de jouer des matchs de hauts niveaux. Et aujourd’hui, comme la Nation League (préqualifications avec les plus petits nations FIFA) ne se fait pas, le seul moyen était de se lancer dans ce chemin et cours des « grands ». La direction partage cette même envie d’avancer, j’ai donc eu leur soutien total ! 

Leur volonté et leur envie d’aller de l’avant et passer un cap m’a agréablement surpris il y a un an quand j’ai accepté ce challenge de devenir sélectionneur du cadre A dames.

Quels sont les objectifs de ces premières qualifications ? 

Pour moi il y’en a trois très clairement. Apprendre : c’est nouveau pour le staff, mais surtout pour les joueuses d’évoluer à ce niveau et à cette intensité. C’est une vraie découverte pour elles. Prendre de l’expérience pour l’avenir : il faut bien commencer quelque part et se mettre le pied à l’étrier. C’est comme cela que nous allons pouvoir s’améliorer. Et puis prendre du plaisir : nous n’avons pas de pression à avoir pour cette première, ce n’est que du bonus. Je veux que les filles respectent les consignes et progressent, qu’elles donnent leur maximum. Pour ce qui est des résultats nous verront.

Est-ce que la préparation a été différente de d’habitude ces derniers mois ?

Oui, la préparation a été plus longue et basée sur beaucoup plus de travail physique avec notre préparateur Kévin Rutare (lire article). On a proposé pendant tout l’été 3 séances par semaine, en plus de ce que les joueuses avaient comme entraînement avec leurs clubs respectifs. Ça été un vrai travail main dans la main avec les clubs et ont les remercient vraiment pour leur soutien et la mise à disposition des joueuses quand cela a été nécessaire. 

Comment se sont passés les choix, est-ce qu’ils ont été compliqués ? 

Les choix (soupire)… jamais simple. Mais c’est mon rôle d’en faire. Nous avons dû composer malheureusement avec pas mal de facteurs, que ce soit certaines qui ont prolongé leurs vacances, des blessures qui font partie de la réalité ou encore le règlement Fifa qui nous a privé de certaines filles. Mais il faut faire avec… Nous avons pris les joueuses les plus prêtes physiquement, vu l’intensité exigé par ce haut niveau, mais aussi celles qui avaient déjà du rythme de compétition.

Vous avez joué le premier match il y a quelques jours, un gros morceau (l’Angleterre) arrive demain, comment te sens-tu ?

Nous sommes fiers et très motivés !

Quel bilan tires-tu du match contre l’Irlande ?

Nous avons déjà appris plein d’enseignements. Les joueuses ont pu voir le niveau réel et vont pouvoir se libérer au match retour, elles ont déjà hâte de le jouer ! Nous allons continuer a faire les réglages nécessaires cette semaine, pour ne pas reproduire certaines erreurs qui seront fatales contre les anglaises.

Hanna Thill : Une première, a tous les niveaux

Fière. Choquée. Lorsque Hanna Thill découvre son nom sur la liste des 23 joueuses luxembourgeoises sélectionnées par Dan Santos pour les matchs qualificatifs de la Coupe du Monde 2023, elle n’en revient pas. Elle, qui depuis ses 13 ans avait souvent été appelée pour s’entrainer sur les terrains de la Fédération, mais qui jusque-là n’avait jamais été sélectionnée pour un match international. Ça valait le coup d’attendre ! Et à 18 ans c’est un rêve.

C’est en allant voir son frère jouer tous les week-ends que Hanna s’est découvert une passion pour le football. Ses parents décident très rapidement de l’inscrire en club et c’est aux Bambinis d’Alliance Aischdall qu’elle touche ses premiers vrais ballons. « Je faisais de la gymnastique aussi à ce moment-là et au fil des années il a fallu faire un choix, je ne pouvais pas continuer les deux. Le choix a été rapide : je ne pouvais pas envisager d’arrêter le foot » se souvient Hanna. A 13 ans, la jeune luxembourgeoise évolue simultanément chez les garçons d’Alliance Aischdall et les filles du Sc Ell. Paul Wilwering, qui est alors coach à cette époque-là, l’a énormément aidé dans son parcours : « Paul m’a fait confiance très très jeune pour jouer dans l’équipe dames et c’est ce qui m’a lancé sur le bon chemin » explique-t-elle. Deux ans plus tard, Hanna ressent le besoin d’un nouveau challenge. D’aller chercher encore plus haut. Et c’est au SC Bettembourg qu’elle atterrit. La milieu de terrain se retrouve à devoir faire sa place autour de joueuses plus âgées, plus expérimentée. Mais elle sait aussi que c’est une chance de progresser. A Bettembourg, Hanna connaîtra la Ligue des Champions, puis des rassemblements nationaux avec les U17 du Luxembourg. Mais toujours pas l’ombre d’un match international… 

« Sans mes parents j’aurai arrêté »

En manque de temps de jeu dans son club et frustrée de débaucher autant d’énergie sans jamais être récompensée, Hanna songe même à tout arrêter. « À cause de ça j’ai perdu ma confiance et je ne trouvais plus le plaisir de jouer au foot. En plus j’ai eu des bobos, dont une grosse blessure aux ligaments du pied qui m’a tenu éloignée des terrains pendant 5 mois. J’aurai pu tout lâcher à ce moment-là. » Ses parents ont finalement joué un rôle important dans carrière. Ancien joueur de haut niveau, son père l’a toujours soutenue, poussée, remotivée. Sa maman elle aussi très présente l’accompagnait sur les terrains aux quatre coins du Luxembourg, et Hanna admet que c’est finalement grâce à eux qu’elle n’a pas lâchée. 

« Aujourd’hui je suis prête, sur tous les plans »

Le tournant c’est finalement peut-être sa prise de conscience qu’il fallait du changement. « Si je voulais être appelée en match international, il fallait que je montre à Dan (le sélectionneur) que je voulais changer les choses. » Aussitôt dit aussi fait : Hanna s’engage avec le FC Mamer 32 en début de saison. A Mamer la jeune joueuse se sent épanouie et sent la confiance de ses coéquipières et de son entraîneur. Un changement remarqué, puis que le 9 septembre, Dan Santos décidait que Hanna ferait partie du cadre pour cette première participation du Luxembourg aux qualifications. « C’est un rêve pour beaucoup de filles de jouer ces genres de matchs et moi-même je peux être fière. Avec une sélection comme celle-ci, on voit comme les entrainements et matchs ne servent pas à rien, qu’on peut atteindre enfin un but. Et je l’ai fait avec cette sélection. C’est une fierté et un honneur de pouvoir représenter mon pays. Je me sens bien physiquement et mentalement. Je me suis adaptée à la situation, je sais que je dois jouer sans stress peu importe le niveau de l’équipe » explique fièrement la footballeuse.

La saison prochaine elle risque de garder cette dimension internationale, puisqu’il faudra peut-être la suivre de l’autre côté de la frontière. C’est à Amsterdam, Munich ou Mayence, que Hanna souhaite poursuivre ses études supérieures en Science et Sport motricité. 

Préparation physique : un enjeu majeur

Pas assez mis en valeur et parfois même négligé ou sous-estimé, la préparation physique est pourtant l’un des atouts majeurs dans la préparation d’une grosse compétition. Tout comme cette première participation aux qualifications de la Coupe du Monde 2023, le travail athlétique mis en place par Kévin Rutare (ancien athlète) au sein de la sélection luxembourgeoise dames a lui aussi été inédit et totalement repensé.

Questionnaires de bien-être, multiplication du nombre de séances, programmes estivale, capteurs… Kévin et son staff ont mis tous les moyens en œuvre possibles pour préparer leur cadre féminin de la meilleure des manières. « C’était la première fois que les joueuses faisaient leur préparation d’avant saison à Mondercange, sur le camp de base de la fédération. Nous avons tenu à ce qu’elles aient toute 3 semaines de coupure cet été, avant d’attaquer fort 3 fois par semaine » explique le préparateur. Sous forme de groupe de travail par niveau de capacité d’endurance défini par des tests à a reprise, l’ensemble des joueuses a pu travailler de manière presque individualisée : « pour les meilleures en endurance nous sommes passés sur des séances plus spécifique football à savoir la répétition de courses à haute intensité, en revanche pour les deux autres groupes, nous sommes repartis sur un vrai travail de fond pour construire une base physique solide » ajoute Kévin. Un travail qui s’est effectué main dans la main avec les clubs qui ont mis leurs joueuses à disposition de l’Equipe Nationale en attendant leur reprise dans leur club. Un atout également pour eux, avec des joueuses revenues en forme pour le début de championnat. 

Les capteurs, à porter au niveau de la jambe à chaque match de championnat, ont permis également au staff de pouvoir jauger les niveaux de fatigue de chacune et mettre au repos les joueuses le nécessitant. Une manière de garder un œil sur l’état de forme de chacune et des efforts produits.

« Ce qui a été une surprise pour nous avec les capteurs, c’est que le nombre de kilomètres courus, ne varie pas forcément entre le match face à la Belgique en juin par exemple qui a été très intense et un match de championnat au Luxembourg. En revanche, l’enseignement que nous en avons fait c’est que les courses à haute intensité et leur distance, sont 3 à 4 fois supérieures ! ». Et c’est en partant de ce postulat là que Kévin a adapté ses séances athlétiques. Le jeu va beaucoup plus vite que par le passé, c’est le changement majeur lorsque l’on monte de niveau et adversité. 

« La vitesse, facteur très difficile à combattre »

Un choix dont le préparateur physique a pu en mesurer l’impact vendredi dernier contre l’Irlande pour le premier match de ces qualifications « Malgré la défaite, il y a eu beaucoup moins de fatigue que par le passé. Les joueuses ont eu une capacité de récupération à efforts et à les répéter, qui nous a montré que le travail de fond a bien été effectuéC’est un premier grand pas. »

Un travail de fond subsiste encore pour pouvoir rivaliser contre les plus grosses nations et ce sera tout l’enjeu face à l’Angleterre ce mardi soir : la vitesse. « La différence entre nous et les très grosses équipes c’est le nombre de joueuses rapide dans leur effectif. Lorsque de notre côté nous en avons quelques-unes, elle c’est quasiment tout leur effectif. Et ça c’est compliqué à combattre. Ce sont des qualités intra sec qui se travaillent au plus jeune âge. A 25 ans, il faut un très gros volume de travail spécifique sur une longue période pour espérer gagner sur ce terrain-là ».

Les joueuses de Dan Santos, devront déployer toute leur palette d’atouts pour tenter de freiner les assauts des Anglaises ce soir au Stade de Luxembourg.

Franchir le cap d’aller à l’étranger

Historique. Vendredi 17 septembre 2021, l’équipe nationale Dame du Luxembourg disputait son premier match officiel international pour les qualifications à la Coupe du Monde 2023 qui se déroula en Australie et Nouvelle-Zélande. Un sacré pas depuis sa création en 2006 ! Laura Miller, joueuse au Standard de Liège et qui fait partie du cadre Luxembourgeois depuis son enfance nous raconte l’évolution à travers ses diverses sélections. 

S’il y a bien une joueuse qui peut nous parler des changements apportés au sein des équipes nationales luxembourgeoises dames depuis des années c’est Laura. La milieu de terrain, capitaine désormais de la sélection, fait ses débuts avec la fédération de football du grand-duché à l’âge de 9 ans. Mais rapidement en manque d’effectif, les instances luxembourgeoises décide de supprimer la sélection U15 dames, pour dispersées les jeunes joueuses dans tout le pays avec les garçons, regroupés eux à cet âge la par zone géographique. Peut-être un mal pour un bien, puisque jouer avec les garçons l’a poussé à se faire une place parmi eux et évoluer physiquement et techniquement. Quelques années plus tard, la fédération créera à nouveau l’équipe U15. La jeune native du pays, toujours en avance sur son âge, fera toutes ses classes dans les différentes catégories : U15, U16, U17, mais à vitesse grand V. A 16 ans elle intègre déjà l’équipe senior A. « Il y a 10 ans nous étions très très peu de filles à jouer au Luxembourg. Aujourd’hui quand je vais au centre d’entraînement à Mondercange et que je vois le nombre de jeunes joueuses sur les sélections je suis impressionnée. La fédération a très bien fait de mettre toutes ces catégories en place. Les filles évoluent dans leur tranche d’âge, c’est bien plus bénéfique, ne serait-ce que mentalement pour elle. » explique Laura. Ce qui a clairement fait la différence aussi : l’encadrement. D’après elle les jeunes footballeuses sont mieux formées dès le plus jeune âge, avec des staffs de plus en plus compétents. 

La recette ultime du progrès pour Laura, pour passer encore un pallier ? Franchir le cap de l’étranger ! « Les joueuses Luxembourgeoises sont encore trop timides à l’idée d’aller jouer à l’étranger. Pourtant c’est le meilleur moyen de gagner en volume de jeu. Le niveau des championnats voisins est supérieur, il y a une vraie notion de football. Pas qu’ici ce ne soit pas le cas, mais c’est encore plus poussé physiquement, techniquement et tactiquement. Dan (le sélectionneur) l’a compris et essaye de pousser les plus jeunes à oser. Cela va devenir une force pour nos sélections, qui afficheront plus d’intensité et vitesse dans les matchs et entraînements. » Le constat de la footballeuse paraît juste, et ressemble finalement de très près à ce qu’il se passe chez les hommes. Il n’y a jamais eu autant de joueurs luxembourgeois évoluant dans les championnats étrangers, et le niveau s’en ressent aujourd’hui. 

Laura se réjouit de cette grande première en compétition officielle avec son pays « nous avons fait un bond de géant depuis quelques années. Je rêve de cette expérience depuis que je suis en sélection et aujourd’hui je savoure. Mon souhait est de voir évoluer et progresser cette équipe et je suis sûre qu’avec tous ces changements positifs nous finirons même par aller chercher des points ! ».

Betty Noel

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