Le Portugal à la rescousse de l’arbitrage

Dire que l’arbitrage a traversé une zone de turbulence au Luxembourg est un doux euphémisme. Il a fallu compter sur les diasporas pour redonner un élan à une corporation souvent mal aimée. Les Portugais, leur culture et leur amour pour le ballon rond ont enlevé une fameuse épine du pied à la FLF.

Il faut une certaine dose de persévérance, un zeste de caractère et un soupçon d’idéalisme pour se lancer dans l’aventure. Des vertus que ne cultivent pas nécessairement les adolescents d’aujourd’hui, ensevelis sous leur console et peu enclins à se faire traiter de tous les noms sur un terrain de football. 

La tendance ne date pas d’hier et la Fédération Luxembourgeoise de Football s’est souvent torturé les méninges pour compléter son dispositif du week-end. «Peut-être que les Luxembourgeois sont un peu trop gâtés et que certains ont préféré choisir un chemin plus facile», constate le patron des arbitres Charles Schaack. «Les Portugais, eux, sont plus enthousiastes.»

L’ancien directeur de jeu loue l’initiative de nombreux étrangers de se lancer à l’assaut des terrains et des injures. «Bien sûr que les Portugais représentent la majorité des arbitres non-luxembourgeois, mais certains ont pris la nationalité ou en disposent de deux. N’oublions pas non plus le rôle joué par les Italiens venus au pays ou par les jeunes issus des pays de l’ancienne Yougoslavie comme Jasmin Sabotic ou encore Admir Civovic», poursuit Charles Schaack. 

Au cœur des années 80, ils étaient un ou deux à siffler en Division Nationale. Aujourd’hui, trois arbitres portugais figurent dans le Cadre A, cinq dans le Cadre B et trois des six assistants FIFA sont lusitaniens. «Et 90 % des arbitres futsal», ponctue Charles Schaack qui estime à au moins 35% le nombre de directeurs de jeu lusophones.

Mario Pinto Da Costa, formidable ambassadeur

L’un des pionniers fut le regretté Mario Pinto Da Costa, décédé d’un arrêt cardiaque en 2013 à 49 ans alors qu’il était en train de s’entraîner. Cet arbitre affilié à l’US Esch avait la réputation d’être intransigeant sur le terrain, mais toujours disponible à la buvette pour refaire le match. 

Il fut aussi un moteur incroyable dans la recrudescence d’arbitres au pays. «Je ne l’oublierai jamais. Il fut non seulement très bon sur le terrain mais aussi le meilleur ambassadeur que je connaisse», ajoute Charles Schaack. 

«Mario travaillait au bureau des résidents à Esch-sur-Alzette et il n’avait pas son pareil pour glisser un petit mot à ses visiteurs présentant une affinité avec le ballon rond pour leur vanter les mérites de la profession», se souvient Tun De Carolis, lui-même ancien arbitre et proche de son ancien collègue.

«Il a dopé les affiliations à l’ARA (Association Régionale des Arbitres) Esch qui est devenue quasi aussi importante que l’ARA centre. Sa disparition a été une immense perte.» Mario Pinto Da Costa n’était jamais avare de précieux conseils. «Il avait le tour pour motiver les jeunes et leur dire de ne pas se décourager alors que dans les hautes sphères, tout était fait pour écoeurer les jeunes », ponctue, un rien amer, le Niederkornois.

Un aspect pécunier non négligeable

Cet enthousiasme a permis à l’organe faîtier du football luxembourgeois de colmater les brèches. Manuel Marinho, arrivé lui aussi au plus haut niveau pays dans les années 90, y voient davantage un reflet de la société d’aujourd’hui. «L’arbitrage n’a fait que suivre la tendance des joueurs. De moins en moins de Luxembourgeois jouent au football. Surtout dans les divisions inférieures», juge l’ancien referee devenu chef d’entreprise.

«Alors, oui, bien sûr, il y a cette culture foot chez les Portugais mais ça n’explique pas tout. Avant, la démarche était idéaliste avec l’envie d’avoir une bonne formation. Je me suis épanoui. Ce fut une bonne école de vie. Aujourd’hui, il y a l’aspect financier qui entre en jeu.»

Sergio Bras, jeune arbitre qui monte, abonde dans ce sens. «Bien sûr que ça permet d’arrondir ses fins de mois. Et avec l’augmentation du coût de la vie, ce n’est pas négligeable. Quand tu cumules les matches, ça peut te permettre de payer tes vacances et un bon resto de temps en temps », reconnaît celui que l’on croise comme arbitre principal en Promotion d’Honneur ou le long de la touche en BGL Ligue. Voire sur les terrains de futsal. 

«Je suis né au Portugal mais j’ai fait toute ma vie ici. Alors oui, c’est dans les gênes portugais de se passionner pour le football à tel point que plusieurs arbitres portugais qui sifflent ici ont un passé au Portugal», poursuit Sergio Bras qui évoque aussi les sacrifices que ça représente. «L’arbitrage ne se limite pas aux 90 minutes d’un match. Il y a le déplacement, l’avant-match et le rapport après la rencontre. Et quand un gars du Sud se déplace à Wiltz, c’est une journée bien remplie.»

La crise sanitaire a mis le couvercle sur une marmite qui n’a sans doute pas fini de bouillir et les étrangers du pays n’ont pas fini de rendre des services à ce sacerdoce de moins en moins respecté.

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