Manuel Cardoni : « La formation, c’est un marathon »

Le directeur technique national s’est confié à DRIBBLE ! sur la formation luxembourgeoise et sur la possibilité d’une participation à une phase finale d’un Euro pour la visibilité des joueurs.

Quel a été votre premier sentiment en apprenant la qualification des U17 pour l’Euro ?

On savait qu’on avait de grandes chances de passer, mais il fallait que l’on attende les résultats du groupe des Pays-Bas et de la Pologne. Ça a été une grande joie. J’étais avant tout très content pour le staff et les joueurs, mais aussi indirectement pour les parents et l’entourage des jeunes, qui ont fait beaucoup de sacrifices pour leurs enfants.

On imagine que c’est la résultante de plusieurs années de travail dans la formation luxembourgeoise…

Forcément, il y a les circonstances qui vont avec et qui font que cela reste un événement unique et exceptionnel. Mais ça paie un peu l’idée du long terme. La formation, c’est de la patience, c’est un marathon. L’essentiel, c’est de rester patient. Il faut préparer les joueurs à partir à l’étranger, mais ce n’est pas le plus important. Une fois qu’ils partent dans un club professionnel, c’est là que le plus dur commence.

Dans quel sens ?

Ils arrivent dans un environnement étranger et ils doivent performer sur le terrain, mais aussi au niveau scolaire. Ce n’est pas donné à tout le monde, et l’aspect mental est très important. C’est sur cela que l’on travaille encore nous-mêmes. Beaucoup sont partis à l’étranger avant de revenir quelques années plus tard. Souvent, ils partent et on les laisse dans l’inconnu. Parfois, ils ont aussi des conseillers autour d’eux qui ne sont pas bons. 

Entre 17 et 21 ans, il est important pour eux de beaucoup jouer. Ici, on a la chance que nos U17 soient quasiment tous titulaires dans leurs clubs. Quand ils arrivent en sélection, ils ont un certain rythme qu’ils ajoutent à la qualité de travail du staff. C’est beaucoup de persévérance et de temps de jeu accumulé.

Comment analysez-vous ce développement du football luxembourgeois chez les jeunes ?

Le centre de formation existe depuis vingt ans, et on a eu des années qui n’étaient pas fructueuses. Il fallait des joueurs qui ouvrent la porte, Miralem Pjanic par exemple, pour que cela devienne un peu plus naturel. En multipliant les matchs, la fédération a pu avoir plus d’échanges à l’étranger. Mais il faut rester vigilants, car tous les joueurs ne progressent pas comme on le souhaiterait et on ne peut pas dire que chaque année, on va sortir cinq ou six joueurs professionnels. Par exemple, sur les 2002 que nous avons, il n’y en aura pas beaucoup qui pourront intégrer un niveau supérieur. 

Aujourd’hui, on insiste sur la réforme des modes de jeu des catégories U7 à U13 en réduisant le nombre de joueurs et la surface du terrain. Cela permet plus d’actions et plus de jeu. À terme, cela va pousser le niveau de la formation vers le haut. Et chez les entraîneurs, c’est pareil. On ne sort pas un entraîneur comme on sort un vin de la cave. On pousse la formation au plus haut pour augmenter le niveau. Il y a un fil rouge qui nous guide et avec cela, on veut donner le meilleur contexte possible à tout le monde. 

L’Euro U17 sera aussi une belle vitrine pour la prospection des clubs professionnels…

Exactement. La qualification des U17 est une superbe publicité qui va au-delà des frontières. Chez les U19, Diogo Monteiro avait passé une saison et demie compliquée du côté de Kaiserslautern. Mais face à l’Espagne, en novembre 2021, il avait réalisé une grosse performance et avait convaincu le club italien de Monza de le signer après des essais. L’année prochaine, il aura peut-être des chances d’intégrer le groupe professionnel. 

Lors d’une phase finale d’un Euro, la possibilité de se faire repérer est multipliée par dix ! Sur les onze titulaires, huit sont déjà à l’étranger. Pour les autres, il reste encore un palier à franchir et l’Euro est le meilleur moment pour se montrer.

Dans les prochaines années, l’objectif sera-t-il de répéter ce genre de performances ?

Oui, c’est le but. Il faut bien entendu avoir un peu de chance dans le tirage. Là, on a eu du très gros avec la Belgique, la Norvège, la France et l’Angleterre, ce qui rend la qualification encore plus exceptionnelle. On aurait pu avoir un groupe plus clément, mais si on l’a fait c’est que c’est réalisable, donc on veut au moins accéder plus souvent au tour d’élite. On n’a pas l’objectif d’y accéder tous les ans, mais l’idée est de répéter ce genre de performance. Le Luxembourg est un pays d’immigration, donc on essaie de donner la chance à tout le monde de devenir Luxembourgeois. Par exemple, depuis janvier, on donne des cours de luxembourgeois afin qu’ils puissent passer leur examen de langue pour faciliter la demande de nationalité. Quoi qu’il en soit, dans le futur, on aura peut-être une équipe qui le fera à nouveau.

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