Passer au stade supérieur

Auréolé d’un stade flambant neuf après des années de galère au stade Josy-Barthel et avec des résultats de plus en plus convaincants, le football luxembourgeois arrive à un véritable tournant de son histoire. Il est désormais temps de démarrer une nouvelle ère.

10 septembre 2019, 17 novembre 2020, 30 mars 2021… Comme une habitude, il est 20h45, au stade Josy Barthel. La pluie battante et le froid glacial se glissent sur nos épaules. Devant nos yeux, une pelouse en piteux état nous rappellerait presque un champ de bataille. On se dit à chaque fois que ce sera la dernière ici. Les beaux moments vécus ici nous feraient pourtant presque oublier le confort inexistant qu’offre ce stade. Des matchs face à la France, au Portugal, ou encore la Moldavie jusqu’aux jeudis soir d’Europa League à croire en l’exploit du F91 face au Milan AC ou au Bétis Séville. Ah, on l’aimait tous, au fond, ce bon vieux stade Josy Barthel. Des stades comme on n’en fera probablement plus. Mais honnêtement, qui pourra regretter « le stade le plus pourri jamais vu » comme l’avait décrit Michel Platini, encore président de l’UEFA à l’époque ?

Car ce soir, mardi 1er septembre 2021, le stade Josy Barthel aux allures de cimetière s’apprête à laisser sa place à une enceinte flambant neuve. Nous voici désormais au Stade de Luxembourg. Après des années de travaux et de retards, le nouveau stade national ouvre ses portes au football et au public. Celui que « Platoche » attendait, que nous attendions, que vous, supporters, attendiez impatiemment. Il aura fallu du temps, énormément de temps, mais le voilà. Trop petit, trop cher… Les plus sceptiques trouveront toujours de quoi émettre des doutes sur ce nouveau joujou, parfois à juste titre. Mais le fan de football qui sommeille en nous ne pourra qu’être émerveillé et surtout soulagé en entrant dans cette nouvelle arène.

Un stade à l’image de la progression du football luxembourgeois

Ce nouveau stade national, le Luxembourg en avait bien besoin. Cloîtré dans le stade Josy Barthel depuis 1931, le football luxembourgeois commençait à se sentir bien embêté, ces dernières saisons, lorsqu’il recevait de grandes nations du ballon rond ou des clubs mythiques. À l’image du F91 Diddeleng, qui dut remplacer une pelouse catastrophique deux jours avant un match d’Europa League face à l’APOEL Nicosie, ou encore de la sélection qui, quelques semaines plus tôt, avait tremblé jusqu’au dernier moment avant de jouer face au Portugal de Cristiano Ronaldo, pour les mêmes raisons. 

Car si la sélection a toujours joué contre de grandes nations, matchs de qualification pour les grandes compétitions oblige, la participation du F91 à deux campagnes consécutives d’UEFA Europa League n’était finalement pas si anecdotique que ça. Sur le plan sportif, ce serait mentir que de dire que le football luxembourgeois n’est pas en progression, et l’apparition d’une toute nouvelle coupe d’Europe, l’UEFA Europa Conference League, va donner plus de chance à des clubs modestes comme les nôtres de pouvoir participer aux joutes européennes. On peut, dès lors et sans se mouiller, parier que de nouvelles campagnes européennes verront le jour dans les prochaines années au Grand-Duché, et peut-être même dès cette saison, car à l’heure où nous écrivons ces lignes, le Fola Esch est toujours en course, même si le match aller compromet  sérieusement les chances de qualification. Si les échecs de qualifications du Racing, du Swift Hesperange et du F91 nous laissent un petit goût d’inachevé pour cette saison, tout laisse à croire que la participation de clubs de BGL Ligue se multipliera au cours des saisons à venir.

Et puis si le nouveau stade ne trouve pas son utilité pour nos clubs cette saison, il le trouvera ailleurs puisque la sélection nationale, elle, y jouera quatre matchs avant la fin de l’année 2021 : l’Azerbaïdjan le 1er septembre, le Qatar le 7 septembre, la Serbie le 9 octobre et l’Irlande le 14 novembre. Plus que de simples rencontres, ces éliminatoires de Coupe du Monde (excepté le match face au Qatar) peuvent, soyons fous, marquer le début de quelque chose de plus grand. Avec une victoire méritée en terres irlandaises (0-1) et une défaite face au Portugal au terme d’un match convaincant, la sélection luxembourgeoise peut sans prétention viser une victoire face à l’Azerbaïdjan et tenter d’inquiéter une Serbie qu’elle avait déjà bien embêtée par le passé. Car aujourd’hui, croyez-le ou non, le Luxembourg fait de plus en plus peur à ses adversaires. Les nations qui arrivaient auparavant au Grand-Duché avec les mains dans les poches viennent désormais avec la crainte de se faire avoir. Le Luxembourg serait donc t-il devenu un traquenard dans lequel les géants s’engouffrent au fil du temps ? Parler de traquenard deviendrait presque offensant, tant l’équipe nationale s’est améliorée dans son jeu et dans ses résultats. Fernando Santos, l’actuel sélectionneur du Portugal, déclarait d’ailleurs fin 2019 : « Le Luxembourg est une équipe dont le classement ne correspond pas à sa valeur footballistique ». Et pour cause. Les dernières fois où la sélection portugaise a foulé le sol luxembourgeois, elle s’y est cassée quelques dents, battant toujours difficilement les hommes de Luc Holtz. Si les géants du football se méfient, les moins grands plient petit à petit. L’Irlande et le Monténégro l’ont appris à leurs dépends il y quelques mois, le Luxembourg ne joue définitivement plus « pour ne pas perdre ».

De façon réaliste, si l’exploit d’une qualification pour le Mondial 2022 nous parait inimaginable, c’est parce que le Luxembourg n’a encore jamais réussi à atteindre la phase finale d’une grande compétition internationale. Mais les performances de plus en plus convaincantes des hommes de Luc Holtz nous laisse une lueur d’espoir et si ce n’est pas pour 2022, ce sera peut-être pour 2024, 2026 ou 2028. À l’image de l’Islande à l’Euro 2016 ou de la Macédoine du Nord à l’Euro 2020, chaque grande compétition réserve son lot de surprises, d’autant plus que le nouveau format de l’Euro à 24 équipes et de la future Coupe du Monde 2026 à 48 équipes laissera plus de chances à un pays comme le nôtre d’y participer.

Quoi qu’il en soit, les prochains matchs nous diront si les Roud Léiwen peuvent commencer à rêver. Certains, comme nous, penseront que le nouveau stade arrive à temps pour commencer à y croire un peu plus et que celui-ci mériterait bien de nous faire vivre des émotions inédites. Mais peu importe le résultat, le Luxembourg entre désormais dans une nouvelle aire. 

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