Racing Experience : la famille à vitesse grand R

Trois générations de coureurs. Une écurie unique au Luxembourg et bien au-delà. Des résultats un peu partout en Europe. Une famille passionnée de course, de mécanique et de vitesse. Un projet familial, ambitieux et réussi. Tout cela, c’est Racing Experience, écurie au succès certain fondée il y a maintenant 22 ans par Christian Hauser et qui continue à rechercher la performance. Enquête.

Christian Hauser, passionné et créateur

C’est un local qui détonne dans un paysage particulièrement calme. Pourtant, à l’intérieur de ce vaste garage, le bruit est constant. Musique à bloc, bruits de mécanique et d’outils constamment à l’ouvrage… Et les images sont elles aussi particulièrement impressionnantes. Ce lieu, c’est le local de Racing Experience, une formidable aventure débutée en 2000 par Christian Hauser.

« Mon père est un acharné de travail. Il a toujours dit qu’il ne travaillait que des demi-journées, sauf que pour lui, cela s’apparente littéralement à douze heures. Et encore, généralement, c’est plus proche de seize…». Voilà comment Gary Hauser, fils de, décrit son père qui, évidemment, n’aime pas parler de lui et préfère laisser ses résultats faire le travail. Une humilité qui peut parfois contraster dans un monde automobile où la vantardise est malheureusement souvent présente.

Passionné de courses depuis toujours – comme son père avant lui – passé par la moto, les voitures de tourisme, réalisant des performances inoubliables comme une huitième place aux 24 h de Spa-Francorchamps et énormément de courses de côte, Christian Hauser, businessman accompli, décide de lancer sa propre écurie à l’orée du nouveau millénaire. La genèse de ce projet ? L’amour grandissant de ses enfants pour la course et leurs débuts dans le karting. Un monde auquel n’adhère pas Hauser, du fait des prix exorbitants et d’une concurrence malsaine entre pilotes. Comme toujours, il ne fait pas les choses à moitié et voit grand. Après tout, comme il aime à le dire, « si je fais quelque chose, alors je le fais à fond, sinon, je n’en vois pas l’intérêt ». Alors que les débuts se font dans les garages de sa maison, avec le temps, les choses se développent. « Quand on a vu qu’on bloquait à la fois le garage et toute la rue, on a compris qu’il était temps de changer quelque chose ! » (rires)  

Les voici donc, 22 ans plus tard, travaillant dans un garage XXL où là encore, la place commence à manquer. Une formidable aventure qui ne l’a pas pris par surprise : « J’ai toujours eu l’ambition d’en arriver là. Il faut avoir une certaine vision de là où ça peut aller et pousser dans ce sens. Le but n’était pas de faire une structure pour que moi ou d’autres pilotes roulions, mais plutôt de donner la possibilité à mes enfants de pratiquer leur passion, et qu’ils reprennent le tout ensuite. »

Une affaire de famille

Une telle passion aurait-elle d’ailleurs pu ne pas se transmettre ? Difficile à savoir. Une chose est certaine, le virus de la course est assurément passé de père en fils. 

Si Gary et David insistent sur le fait qu’ils ont décidé seuls de participer à des compétitions, Christian Hauser confirme bien le paradoxe évident entre la passion pour la course et l’inquiétude légitime de voir ses enfants sur les circuits : « Cela a toujours été difficile à gérer, car j’étais à la fois pilote, mais aussi et surtout père. C’était stressant, je n’ai jamais été relax. On est forcément anxieux. Avec ma femme, nous n’étions pas dans une idée de compétition pour les enfants. J’étais content qu’ils prennent du plaisir avec le karting, mais je leur disais que c’était bien comme ça, que la compétition ne valait pas la peine, que c’était du temps gâché. Ils ont vraiment dû pousser des semaines et des mois pour que j’accepte de les inscrire sur des circuits. Finalement, le plus important, c’était que ça vienne d’eux. On voit souvent des parents qui n’ont pas nécessairement eu la chance de nourrir leur passion ou ne le peuvent plus et qui le vivent par procuration avec leurs enfants. Ce n’est pas quelque chose que je voulais. » 

David, l’aîné, sur le ton de la plaisanterie, aime tout de même rappeler que son père a sûrement eu quelque chose à voir avec cet amour de la vitesse : « Il dit qu’il ne nous a pas poussés, mais il a quand même eu un rôle là-dedans! » (rires) 

À l’âge de 4 ans, les enfants ont en effet déjà des casques de karting « plus grand que nos corps » sur la tête, et s’adonnent sans fin à des tours de piste, activité préférée de leur jeunesse. Et puis… après avoir « poussé » pour commencer les compétitions, l’aventure débute. 

D’abord avec le karting puis, à 13 ans, David fait son premier essai dans une voiture de course. « On voulait faire le Championnat de Belgique. À l’époque, on pouvait rouler dans ce championnat dès 14 ans, c’était le seul en Europe. On a fait quelques essais sur une base d’aéroport pour faire des premiers tours. Mais à 13 ans, je peux vous assurer qu’on est encore très petit… Cela fait vraiment quelque chose. La première fois, je levais le pied en ligne droite, car cela allait très vite ! Il s’agissait quand même de voitures qui montaient à 210-215… quand on n’a pas l’habitude… »

Après ces premières forcément inoubliables et intenses, la peur est surmontée et le désir de compétition demeure. Direction la feu Renault Formule 1600, à laquelle David participe trois saisons consécutives. La deuxième année, il termine cinquième du championnat. Si la troisième n’est pas à la hauteur de ses espérances, la décision est prise d’enchaîner en F3, dans le championnat national allemand, le plus élevé derrière le Championnat d’Europe. Deux années durant,  David dévale : « Il y avait vraiment beaucoup de teams professionnelles, j’ai d’ailleurs concouru contre Magnussen. Il n’a pas gagné, mais tu voyais déjà le niveau. 30 % des pilotes de cette époque, vous les connaissez d’ailleurs avec le nom aujourd’hui. On tournait autour de la dixième place, sur vingt-deux écuries. C’était satisfaisant, mais sincèrement c’était très dur. J’ai eu quelques sixièmes places à plusieurs reprises. C’était honnêtement pas mal, pour un petit Luxembourgeois… »

La suite ? La course de côte. Une expérience « adorée » par l’aîné Hauser, qui réussit à terminer quatrième au classement général : « Cela avait très bien marché. C’était une formidable expérience. On découvre la piste le jour même, on ne peut pas s’entraîner avant. C’est le ressenti pur de “maintenant, c’est maintenant”, on est livrés à nous-mêmes. » 

Gary, lui, a choisi de rouler en GP2 en Boss GP à partir de 2012. Une grande période, auréolée du titre en 2013 et d’une seconde place en 2014, à chaque fois au classement général. De plus, le cadet réussit à placer le record sur un circuit international au mythique Mugello en 2012. Un record qu’il gardera jusqu’au retour de la Formule 1 l’année dernière. Et Gary a aussi le mérite de toujours détenir celui de la Formule Renault 1600 à SPA : « Celui-là ne sera plus battu, car il n’y aura plus de changement ! » (rires)

À force de raconter toutes ces années à faire vrombir les moteurs, une question se pose naturellement. Si nous avons déjà abordé la peur ressentie par Christian Hauser face aux courses de ses enfants, qu’en est-il de leur mère ? Comment vit-elle ceci ? 

« Ma mère ? Mes parents ont fait connaissance sur une course, donc elle savait », assure David. Et son père de confirmer : « Elle savait déjà quand on s’est rencontrés que je n’arrêterais pas la course, et elle n’avait pas de problème avec ça. Mais c’est sûr qu’avec les enfants, c’est encore plus dur. C’est pire. On connaît tous les risques, et même si c’est très impressionnant, en tant que père et mère, on se focalise plus sur le danger que sur le spectacle. Et encore… j’ai fait de la moto à l’époque, ce qui était plus dangereux… Elle est toujours avec nous, mais elle ne regarde pas systématiquement, et surtout pas les départs. L’année dernière, c’était un championnat si compétitif que regarder était difficile, mais elle est toujours là. »

Quant à la femme de Gary, elle aussi présente en ce jour de rencontres, elle ne cache pas s’être tout simplement convertie à la course ! Et préférer vivre tout ceci de l’intérieur même de la voiture. Un bien bel exemple de passion commune.

Des têtes casquées bien sur les épaules

Si la peur de l’accident ou du trop-plein de vitesse est évidemment légitime, il y en a une qu’ils ne connaissant pas : celle de la déconnexion de la réalité des enfants. Le saut vers une carrière incertaine, qui pourrait vite se retourner contre soi en cas de résultats défaillants. 

Car David et Gary Hauser, tous deux titulaires d’un master, ont toujours vécu leur passion à 100 %, mais n’ont pas tout sacrifié pour autant : « C’était un rythme très difficile et la période d’examen était assez stressante. On a tout fait pour que les deux fonctionnent, mais bien évidemment c’est plus facile de se concentrer sur une seule chose. On a été éduqués comme ça, et on a réalisé très vite que pour vivre de sa passion en tant que pilote, c’était comme dans tous les sports. Il y en a peut-être 0,05 % qui le font, et tous les autres avec lesquels on a commencé qui ont arrêté l’école à 17 ans… Il y a quand même une longue vie derrière. Mais c’est une réflexion très dur à avoir à 16 ans, on ne peut pas penser à ça. » Une vision d’une maturité rare qui ne les empêche pas de regarder ce qu’ils ont déjà accompli avec une certaine fierté : « On a été tous les deux membres du cadre élite du COSL plusieurs années. Si on regarde tout ce qu’on a déjà fait, on a fait nos preuves, y compris à l’international. Qui plus est dans le cadre familial, ce qui est magnifique. En tant que team luxembourgeoise, pilotes luxembourgeois, nous pouvons être très fiers. »

Le simulateur : fierté et allié

Mais la fierté des prouesses accomplies ne diminue pas pour autant la soif de réussite. Pour atteindre leurs objectifs et débloquer le maximum de leur potentiel, les Hauser peuvent aussi compter sur un allié de poids : le seul simulateur dans un rayon de 300 kilomètres. Une présentation exhaustive du beau bébé nous fait réaliser à quel point celui-ci est précieux pour aller chercher les performances. « C’est très utile pour le pilote qui roule sur le simulateur, qui retrouve exactement les mêmes sensations. Ce n’est donc pas un simulateur de Formule 1 qui est toujours plus spectaculaire, mais plutôt particulièrement adapté à nos pilotes », nous explique Christian. Et Gary de confirmer : « Ca bouge sans pour autant tanguer comme un bateau, mais vous donne l’impression de gérer le grip du pneu jusqu’au slide. Ce n’est pas un simulateur de Kermesse…. La simulation du mouvement et de l’adhérence, lorsque la voiture devient plus légère : tout cela, on va le ressentir. C’est un vrai avantage pour la constance et le rythme. On n’a pas à 100 % les mêmes repères ni les mêmes sensations, mais simplement, on est dans le rythme, prêt pour le virage, afin de mieux connaître et de se sentir prêt avant même la première session. Quand on découvre un nouveau circuit, cela aide énormément. Comment approcher les virages, savoir quand freiner… À ce niveau-là, ces petits détails font la différence. Cela aide à entrer dans le week-end de course. »

Au-delà de perfectionner la connaissance d’une course, le simulateur peut aussi aider à corriger de mauvaises habitudes ou des gestes mal maîtrisés, à l’image du freinage : « On peut par exemple avoir un pilote qui vient avec une mauvaise technique de freinage. On le remarque alors sur le simulateur. Il faut freiner très fort au début et faire plus de dégressif. On peut alors voir un pilote qui freine en deux fois et qui lâche tout. Sur les datas, on voit tout cela, et on peut l’analyser pour ensuite corriger quelques erreurs », détaille encore une fois Christian. Les datas, précisément. Tout y est décortiqué en direct : pression des freins, régime moteur, position d’accélérateur, suspensions, angle de volant, le pitch (comment la voiture se comporte en fonction de l’angle), les données brutes qui sortent en roulant. Le pilote les génère en direct via les capteurs qui mesurent et retranscrivent tout. Ce simulateur, atout précieux, n’est d’ailleurs pas l’exclusivité de la famille Hauser. Il est en effet disponible pour d’autres équipes, qui ne se privent pas de l’utiliser afin de s’améliorer elles aussi. Des pilotes de karting, qui roulent en Championnat d’Europe, n’hésitent pas non plus à mettre la main dessus pour progresser. Les ingénieurs de courses de Racing Experience sont d’ailleurs disponibles pour ce genre de formation, tout comme ils sont disponibles pour offrir l’engineering support à des teams professionnelles, engagées dans le GTWCE Endurance, et qui luttent pour le titre.

Objectif 2022 : oublier 2 021

Avec tout cet équipement à portée de main, quel est donc l’objectif de la famille Hauser pour cette nouvelle année ? Alors que David, tout juste papa, se met logiquement en retrait cette saison, Gary, lui, va découvrir l’ADAC Prototype Cup. S’il n’est pas encore certain qu’il sera le seul pilote de Racing Experience cette saison, sa participation est cependant assurée. « Cela vient seulement d’être lancé. On cherchait à trouver un programme moins étoffé que les années précédentes. C’est un championnat sprint de quatre étapes avec des courses d’une heure. C’est une différence énorme, mais les pilotes vont vite s’adapter. C’est quasiment comme une course de qualification. Mais le niveau sera tout de même fort élevé, car c’est un championnat sous licence de l’ACO, donc aussi relevé que le MLMC / ELMS. C’est pour cela que l’on cherche aussi un championnat de haut niveau, mais pas de courses de quatre heures, car entre les trajets et les longues courses, on en vient vite à une semaine de déplacement… »

Racing Experience se fixe-t-il des objectifs ? Avant tout, oublier une année 2021 assez calamiteuse en matière de résultats. « Lannée dernière a été la pire que lon n’ait jamais vécu. Je ne veux pas parler de malchance, car les gens qui remettent toujours tout sur la malchance ne se posent pas nécessairement les bonnes questions. Mais en effet, certaines choses ont empiré l’an passé », raconte avec franchise Christian.

Une passion éternelle

Après une année 2021 ratée et près de vingt ans à arpenter les pistes, récolter joies, déceptions, et vivre l’ascenseur émotionnel, n’y a-t-il pas là une forme d’usure mentale chez Gary et David Hauser ? La question à peine soulevée, leur réponse vient dans la foulée : « La passion est toujours la même à 100 %, je ne peux pas dire le contraire. On a sûrement des questions qui se posent dans certains moments après des courses qui se sont mal passées et où on a joué de malchance, comme “est-ce que ça vaut le coup de tant s’investir ?”. Ensuite, on vit des sentiments opposés quand on gagne, donc il faut savoir peser les deux. Cest normal de prendre du temps pour digérer, mais à tête reposée, on ne peut pas dire que jai moins de passion. Il y a parfois des moments où, avec l’âge, on voit certaines choses d’une façon différente, mais ça ne change pas la force du tout… » Un avis sur lequel Christian Hauser est particulièrement d’accord : « Il ne faut jamais être excité lorsque l’on a gagné, et jamais écrasé lorsque l’on a perdu. Il faut savoir prendre du recul. »

D’ailleurs, à le voir retourner une dernière fois analyser la nouvelle monture avec les mécaniciens, poser d’incessantes questions sur tel ou tel engrenage, ou sur des choix et décisions, nul doute que la passion n’a pas quitté le créateur de Racing Experience. Ainsi, après trois générations de pilotes, d’épouses passionnées, de victoires, de prestige, de défaites douloureuses et de recherche constante de la progression, l’écurie ne semble pas près de s’arrêter. « J’ai toujours aimé mon travail, sinon je n’en aurais pas fait autant, mais ici… cest quand même autre chose. » Une phrase qui en vaut mille et qui assure définitivement une passion inébranlable et, sauf énorme surprise, absolument éternelle.

Dernières nouvelles