Carlos Rivas – Gentlemen, start your engines

En dix années dédiées aux sports mécaniques, Carlos Rivas est progressivement monté en régime jusqu’à devenir un élément moteur de sa discipline. Sacré trois années de suite dans la catégorie Pro-Am de la Porsche Carrera Cup Allemagne, il goûte aussi au double tour d’horloge allemand, les 24 heures du Nürburgring avec une victoire dans sa catégorie à la clé pour sa première participation. L’an dernier est marqué par une pige aux prestigieuses 24h de SPA. Brillant et attachant, le Luxembourgeois est soucieux de continuer à écrire son histoire dans l’un des championnats allemands les plus exigeants. Entretien avec un passionné qui a toujours su mener sa carrière sans erreur de tracé. 

Moteur, action !

Carlos Rivas est l’un des pilotes les plus titrés du Grand-Duché. Auréolé de plusieurs trophées depuis qu’il a commencé à rouler, il appartient à la catégorie confidentielle des gentlemen drivers. « Je ne suis pas pilote », commence ce natif de Lisbonne, arrivé très jeune au Luxembourg. « Je suis allé à l’école, j’ai fait un peu de business et j’ai travaillé. Je n’avais pas forcément les moyens quand j’étais enfant. J’aimais m’amuser au volant, en particulier sur le circuit de Spa-Francorchamps. Avec le Club Porsche, c’était assez accessible de rouler sur un circuit aussi mythique quand des Track Days étaient organisés. J’ai remporté le Trophée de Luxembourg quelques années de suite au volant d’un 4×4 dans un premier temps, puis d’une GT3. »

Entre expériences réjouissantes et temps qui enchantent, ce qui a commencé comme un hobby est rapidement devenu partie intégrante de sa vie. 

Tout commence sur le célèbre toboggan des Ardennes, qui sera au fil des années le repère de sa carrière. « Quelqu’un est venu à ma rencontre en me disant : “J’ai vu que tu te débrouillais assez bien” et a pris mon numéro de téléphone. J’étais plutôt septique, car je ne le connaissais pas. Quelques jours plus tard, il m’appelle en me demandant si ça m’intéresserait de rouler avec une équipe belge pour une course de 6 h en endurance. Je n’avais jamais piloté une voiture de course, mais toujours  des voitures de route. Je suis assez spontané, et à ce moment-là, je réponds “OK !”. »

Saga africaine

La suite s’écrit loin du célèbre tracé européen. C’est seulement quand il demande davantage de précisions sur le lieu des séances de roulage qu’on lui indique que les premiers tours de roue se tiendront au Sénégal. Si le pays fait davantage penser au rallye, personne ne sait encore qu’un groupe de Belges y a fait construire un circuit. À quatre-vingts kilomètres de Dakar est niché le premier tracé homologué permanent d’Afrique de l’Ouest, le Circuit des Baobabs, en plein cœur de la savane. « Je me demandais s’il y avait des routes, c’était ma première fois en Afrique », sourit Carlos. « Je me souviens, quand je suis rentré au stand, leur avoir immédiatement signalé que des chèvres broutaient au milieu du circuit. Il y avait un passage où l’on roulait à plus de 200 km/h et on pouvait pas les apercevoir. On m’a simplement répondu que c’était normal. »

Si l’expérience africaine se révèle surprenante, la suite sera encore plus palpitante quand il fait la connaissance d’un team belge, Speedlover, qui lui propose de s’essayer à la Porsche GT3 Cup Challenge Benelux, une série de Porsche 911 Carrera Cup basée en Belgique et aux Pays-Bas qui est en train de voir le jour en 2013. 

Porsche, La grande école

Carlos Rivas estime qu’il est allé à bonne école et considère la Porsche Carrera Cup comme l’une des meilleures formations. Le pilote joue le rôle principal et a l’opportunité de faire étalage de son talent au volant. « Il n’y a ni électronique ni aide. Tout le monde possède le même matériel. La voiture en elle-même n’a pas plus de puissance qu’une autre, nous avons tous les mêmes jouets », explique le Luxembourgeois. Discipline exigeante, elle figure parmi les plateformes les plus importantes en nombre de pilotes de renom, arrivant juste après ceux d’usine. « Quand vous regardez les pilotes qui ont remporté les 24 h du Mans ou d’autres séries notoires, ils ont tous participé à un moment de leur vie à la Porsche Carrera Cup Allemagne. Du côté des jeunes, ils commencent tous par du karting, puis s’orientent soit vers les formules de promotion, soit vers le GT. Pour nombre d’entre eux, c’est une question de budget, car les championnats de monoplaces se comptent en millions. »

Le championnat allemand a d’ailleurs révélé quelques-uns des meilleurs pilotes, à l’image du Français Kévin Estre, champion en 2013 avec Attempto Racing, qui brille désormais dans le Championnat du monde FIA WEC, catégorie reine de l’Endurance, en GTE Pro. Les concurrents ont entre les mains la même auto et la réglementation met en abyme les qualités intrinsèques de pilotage à l’inverse des autres séries, où la voiture joue un rôle plus important. Une compétition intransigeante, qui comporte quelques défis de taille : « Il y a deux difficultés majeures dans ce championnat. La première est qu’il faut utiliser les pneus chaussés lors de la dernière course à laquelle on a participé. On n’a pas la possibilité d’avoir de nouvelles gommes pour les essais libres. De plus, il n’y a pas de télémétrie. C’est vous qui devez appréhender et sentir si la voiture vous convient, si elle est bien équilibrée. Le week-end comporte deux courses avec autant de trains de pneumatiques et il est presque impossible de mettre deux bons temps avec un set de pneus. La pression avec laquelle vous sortez est faite de sorte que le pneu entre dans une bonne fenêtre d’utilisation seulement à partir du troisième ou du quatrième tour, puis la voiture commence à glisser parce qu’il y a trop de pression », argumente le pilote, qui roule avec le numéro 6. « Il faut bien se qualifier, car en Porsche Carrera Cup Allemagne, il est impossible de gagner si vous n’êtes pas rapide en qualification. La qualification, c’est 90 % ; la course, 10 %. Si vous commencez et que vous devez passer quatre voitures, c’est très délicat de dépasser sur le circuit sans faire de faute. Enfin, les possibilités de stratégie sont aussi minimes, et c’est ce qui fait que la série est très difficile. Quand on sait faire ça, tout le reste paraît facile. »

Révélation et premier sacre en Porsche Carrera Cup Allemagne

La Porsche Carrera Cup Allemagne est classée parmi les séries monotypes les plus rapides et les plus traditionnelles au monde. Les premières années sont ponctuées de hauts et de bas pour le pilote luxembourgeois, qui fait face à un véritable ascenseur émotionnel. « Je pensais que j’étais rapide, mais en fait, je roulais finalement principalement au feeling, ce qui peut parfois être trompeur. J’ai aussi dû procéder à une sorte de ‘’reset’’, en enlevant de ma tête tout ce que je pensais qu’il fallait faire pour aller vite, et réapprendre. On ne s’en rend pas forcément compte, mais on procède de manière automatique, c’était très difficile », analyse-t-il. 

Le pilote, habitué aux podiums, affine ses réglages, sa stratégie et sa technique, composantes essentielles dans une compétition où tout se joue non plus à la seconde, mais au dixième. « 2019 a été la première année où nous avons travaillé sur les données avec les ingénieurs. Porsche a aussi offert l’occasion à ses pilotes amateurs de travailler avec un coach mental. Comme beaucoup d’entre nous, je ne pensais pas en avoir besoin, et pourtant, c’était une expérience qui m’a énormément aidé. » Une année qui sera récompensée par un premier titre dans la catégorie Pro-Am, sur le tracé de Sachsenring, en clôture du championnat. 

« En Porsche Carrera Cup Allemagne, il est impossible de gagner si vous n’êtes pas rapide en qualifications. La qualification, c’est 90 %, la course, 10 %. »

L’endurance comme récompense

Soucieux de dynamiser son programme, Carlos Rivas choisit en 2019 de s’essayer au VLN, rebaptisé depuis NLS pour Nürburgring Langstrecken Serie. Une série de courses d’endurance organisée depuis 1977 sur la célèbre Nordschleife, la boucle nord du Nürburgring. Il s’agit d’une compétition monotype composée de neuf manches où plus d’une centaine de voitures prennent le départ. Le pilote souhaite s’appuyer sur cette expérience pour affiner son pilotage et enrichir son bagage. « Je pilote exactement la même voiture, la seule différence est l’électronique, qu’on ne possède pas en Porsche Carrera Cup Allemagne. De plus, le VLN est sponsorisé, c’est donc beaucoup plus abordable. Le sponsor s’occupe de deux jeunes et d’un autre un peu moins ‘’jeune’’ », sourit Carlos. « Ils me prennent car je ne suis pas beaucoup plus lent et que je ne casse pas beaucoup de matériel. C’est très important. Si quelqu’un venait à abîmer la voiture après quelques tours, ce serait terminé, tout le monde devrait rentrer à la maison. C’est à ce moment-là que j’interviens, car une équipe a souvent besoin de trois ou quatre pilotes. Je ne suis malheureusement pas aussi rapide que ceux tout devant, mais en tant que gentleman, je suis l’un des plus performants. » 

Une compétition qui fait rouler intégralement le même modèle avec une exception : un règlement différent. Les voitures disposent d’aides électroniques comme l’ABS, non présent en Porsche Carrera Cup Allemagne. 

24 heures chrono

2021 est marquée par un nouveau défi de taille pour le pilote polyglotte. « J’ai participé l’an passé aux 24 h de SPA, c’était la première fois, tout comme m’installer au volant d’une Porsche GT3R. » Une nouvelle expérience qui le fait revenir sur la piste de ses débuts, le célèbre tracé ardennais. « Ils avaient besoin d’un pilote détenteur d’une licence bronze, assez rapide et qui ne casse pas.J’ai commencé par un test le mardi pour connaitre la voiture, c’était en quelque sorte une journée d’essais. C’est une voiture beaucoup plus puissante, plus agressive. Ce jour-là, il pleuvait, on est parvenus à faire un test et je n’ai rien cassé. Ce qui change surtout, c’est l’embrayage électronique au volant alors qu’en Porsche Carrera Cup, on dispose d’un embrayage normal. Quand on rentre, il faut effectuer une certaine manipulation. Il a fallu apprendre vite. J’ai roulé 8 h, on s’est partagé les 24 h à trois. Cela a été une super expérience, même si on a connu quelques ennuis mécaniques. On n’a pas gagné car on a dû partir dernier en raison d’un problème de boîte. Ça a cassé un peu la dynamique, mais on a quand même bien roulé. » 

En principe, pouvoir disposer d’un pilote « bronze » est intéressant pour certaines séries, s’ils veulent rouler en AM ou Pro-AM. Les budgets peuvent aller de vingt mille euros, s’ils ont vraiment besoin de vous, jusqu’à cent mille pour rouler en règle générale quatre heures sur les 24 h. 

Shot d’adrénaline

2022 marquera la quatrième année d’un mariage fructueux aux côtés de son équipe, l’allemande basée à Meuspath, Black Falcon. Des noces de cire qui le font sourire. « Quand vous gagnez, vous y pensez cinq minutes et vous réfléchissez très rapidement à la prochaine course. On le fait pour tout ce que ça procure comme sensations, pour l’adrénaline. C’est un peu comme les rockstars qui donnent des concerts, c’est une drogue. » 

Jusqu’où compte-t-il aller ? « J’ai déjà gagné trois fois, mais il y a des records à aller chercher chez les Pro-Am. Par exemple, celui qui détient le plus grand nombre de premières places est récompensé. Cette année, je ne me sentais pas prêt à participer à d’autres séries où j’estime que le niveau n’est pas assez élevé. Actuellement, je me sens compétitif et ce n’est pas ce qui m’intéresse. Il y a toutefois le Championnat GT Open qui pourrait être à essayer, plus tard. » La compétition transcende le pilote, et comme le faucon floqué sur sa Porsche 911, lui donne des ailes. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il est déjà l’heure pour Carlos Rivas de reprendre la route afin de rejoindre Imola et une première série de tests. La saison est définitivement lancée.

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