Georges Engel : « Le sport unifie, tout en créant des émotions »

Le ministre des sports Georges Engel évoque les sujets d’actualité concernant son portefeuille ministériel. Changement de nom et de philosophie à l’ENEPS, part du budget sportif dans celui de l’Etat, bénévolat… Les points chauds ne manquent pas.

On sait que le manque d’activité physique est un facteur de risque majeur dans le développement des maladies cardiovasculaires, de l’obésité, du diabète, de cancer… Est-ce que le Luxembourg est plus sportif aujourd’hui qu’au début du XXIe siècle ? 

Nous n’avons pas d’informations précises nous permettant de comparer la situation sportive d’il y a 25 ans à celle d’aujourd’hui. Cependant, il est clair que même si le nombre de licences dans les clubs sportifs «organisés» a diminué malgré l’augmentation de la population, cela ne signifie pas nécessairement que la pratique sportive au Luxembourg est en baisse. En effet, les opportunités pour pratiquer du sport «non-compétitif» se sont élargies de manière significative. Je suis persuadé que nous restons un pays relativement sportif, comme en témoigne le nombre de clubs de football et de sports collectifs en général. Le sport est indéniablement un élément de prévention efficace contre de nombreuses maladies, et il est essentiel de continuer à promouvoir l’importance de l’activité physique pour maintenir une bonne santé. 

Justement est-ce qu’avec le ministère de la santé il existe des synergies et des projets sur lesquels vous travaillez ensemble ? 

Dans le cadre de la stratégie interministérielle «Gesond iessen, Méi bewegen», un groupe de travail a été établi pour mettre en lumière les avantages d’un mode de vie sain sous plusieurs aspects. Il est indéniable que le sport et la santé sont des éléments indissociables. Pour maintenir une bonne forme physique, l’activité sportive est essentielle, mais le mode de vie dans son ensemble l’est tout autant. Ce groupe interministériel regroupe les ministères de la Famille, de l’Éducation, de la Santé. De plus, nous entretenons d’excellentes relations avec le ministère de l’Éducation et nous communiquons fréquemment. 

Il y a un subside accordé aux clubs de sport, qui s’appelle Qualité+, quel est le principe de cette aide financière ? 

Cette aide financière a été mise en place, en 2016, pour soutenir les clubs et associations qui emploient des entraîneurs qualifiés pour l’encadrement des jeunes. L’année dernière, grâce à ce soutien financier, un total de 3,5 millions d’euros a été versé aux clubs, ce qui est une somme considérable. L’introduction de subside Qualité+ en 2016 a permis d’améliorer la qualité de l’offre sportive grâce à une meilleure formation des entraîneurs. Cependant, j’aimerais étendre la portée dudit subside, évaluer le rôle d’inclusion et d’intégration que ces clubs jouent, et comprendre leur rôle sociétal au sein de la commune, entre autres. 

Récemment on a évoqué dans l’actualité du ministère le changement de nom de l’ENEPS (Ecole nationale de l’éducation physique et des sports) qui est devenue l’INAPS (Institut national de l’activité physique et des sports), pourquoi ce changement ? 

Oui, nous sommes passés de l’ENEPS vers l’INAPS, passant d’une école à un institut, tout en élargissant le périmètre d’expertise de l’INAPS. Ce dernier est désormais un pôle d’excellence dans le secteur du sport et de l’activité physique. Il se distingue par une excellente qualité en termes de formation et de matériel didactique, jouant un rôle essentiel dans le développement des métiers du sport. Cette extension des compétences a été l’occasion pour nous de revoir l’esthétique de l’Institut. Ce changement a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité par la Chambre, c’est un signal fort de voir tout le Parlement unifié derrière cette idée d’Institut. Par ailleurs, l’INAPS sera aussi responsable de la mise en oeuvre du concept-cadre «Lëtzebuerg lieft Sport». Une augmentation de personnel est également envisagée avec l’embauche prévue d’une trentaine de personnes pour renforcer l’Institut. 

Au niveau communal on parle beaucoup du rôle des coordinateurs sportifs. Concrètement, quel est leur intérêt ? 

J’ai été ravi de constater, à la lecture de divers programmes communaux, que la question du coordinateur sportif est prise très au sérieux, et que de nombreuses communes souhaitent en recruter un. Une dizaine d’entre elles en disposent déjà, même si dans certains cas un coordinateur sportif peut travailler pour plusieurs communes. Son rôle est en effet d’agir comme un lien entre les différents acteurs impliqués dans le sport : les écoles, les maisons-relais, les clubs et associations, les crèches, les programmes destinés aux personnes âgées, la commune elle-même, et l’Etat. Pour qu’il y ait une politique sportive cohérente, et pour que toutes les infrastructures disponibles soient utilisées de manière optimale, son rôle est aussi de promouvoir l’activité physique et le sport. 

Un sujet est récurrent dans les clubs de sport et les associations, c’est le manque de bénévoles, comment peut-on y remédier ? 

C’est une question complexe qui ne se limite pas uniquement au domaine du sport mais s’étend à toutes les associations au sein de notre société. De nombreux clubs, bien que pas tous, manquent de bénévoles. Nous vivons une époque où la génération du baby-boom commence à vieillir, et les nouvelles générations ne sont pas encore prêtes à s’impliquer. Cependant, d’autres facteurs entrent en jeu : la durée de travail s’est allongée, les trajets sont plus longs, et l’environnement professionnel est globalement devenu beaucoup plus stressant. Aujourd’hui, la gestion d’un club demande des compétences plus variées. Les obligations administratives, financières, juridiques peuvent décourager l’engagement bénévole. Je pense que nous nous dirigeons vers une plus grande professionnalisation au sein des clubs, à court ou moyen terme. Nous travaillons sur un projet que nous avons nommé en interne «Pro Sport», qui vise à soutenir ces derniers et à leur fournir des entraîneurs qualifiés pour faciliter les activités avec leurs membres et potentiellement élargir leur offre sportive. 

La professionnalisation du sport luxembourgeois est de plus en plus accrue, après une longue ère ou c’est plutôt l’amateurisme qui prévalait. Est-ce que nous ne sommes pas finalement à une sorte de croisée des chemins dans ce domaine ? 

Nous sommes effectivement à un tournant crucial. Ayant déjà investi de façon conséquent dans le sport, les infrastructures, la professionnalisation, l’INAPS, ces éléments sont comme les pièces d’une mosaïque qui, à terme, formeront une image cohérente. J’ai indiqué à mes collègues du gouvernement que de beaux discours à la Chambre des députés pour soutenir le sport ne suffisent pas, il faut avant tout se donner les moyens de nos ambitions. Cela rejoint la première question que vous m’avez posée : nous avons besoin de mécanismes d’évaluation pour mesurer l’impact du sport. De plus, une collaboration globale est nécessaire pour accorder au sport la place qu’il mérite dans notre société. 

Quand on parle de société, et des moyens qui permettent d’améliorer le vivre ensemble et la cohésion, le sport peut-il favoriser l’inclusion et l’intégration de la population dans un Luxembourg multiculturel ? 

matière d’intégration, d’inclusion et de vie sociétale en général. Au-delà de ses bienfaits sur notre corps et notre santé, le sport véhicule des valeurs qui ne s’acquièrent pas ailleurs et qui sont parfois difficiles à inculquer : le respect, la tolérance, l’égalité… L’expérience de la victoire commune est précieuse, mais celle de la défaite collective, la capacité à surmonter les difficultés et revenir plus fort la prochaine fois sont des leçons que l’on n’apprend nulle part ailleurs. C’est ce qui rend le sport si important. J’ai pratiqué le basketball pendant vingt ans et aujourd’hui, quand je rencontre ceux avec qui je jouais, nous sommes toujours amis. Une forte union s’est créée lorsqu’on a joué ensemble pendant dix ou quinze ans. Le sport peut également renforcer le sentiment d’appartenance à une nation, à un groupe, à un pays, en générant des émotions unifiantes. 

Au niveau financier, en 2023 l’enveloppe budgétaire du ministère des sports s’élevait à 0,21% du budget total de l’Etat, l’objectif est d’atteindre les 1% ? 

Nous avons quantifié l’impact du sport sur le PIB, et il représente globalement 1%. De là est née l’idée que si le sport génère 1% du PIB, il devrait au moins représenter 1% du budget. C’est une proposition tout à fait raisonnable. Le 12e plan quinquennal en faveur du sport, doté d’une enveloppe de 135 millions à investir, a été votée à la Chambre des Députés en date du 04 juillet 2023. Le 11e plan disposait de 120 millions, et le 10e de 100 millions, nous avons augmenté la dotation à chaque fois, ce qui est très positif. Nous devrons également augmenter l’investissement en termes de professionnalisation des acteurs du sport, dans la structure du ministère des Sports, pour élaborer des concepts et des stratégies en matière de sport. Chaque euro investi dans le sport en tant que mesure de prévention se traduit par 3€ économisés en dépenses de santé. En Allemagne, par exemple, on estime que 10% de la population souffre de maladies mentales, de dépression ou de burn-out, et cela a un coût énorme. C’est pourquoi l’investissement dans le sport est crucial. 

Le sport féminin a longtemps été un parent pauvre du sport en général, on voit aujourd’hui beaucoup de leviers mis en place afin de favoriser son essor. C’est important de le promouvoir ? 

Il est crucial de commencer la sensibilisation dès le plus jeune âge, en inculquant aux enfants l’idée que tous les sports sont accessibles à tout le monde. Il n’y a pas de sport spécifique pour les hommes ou pour les femmes. Par exemple, j’ai assisté aux Jeux des petits États à Malte, où le rugby féminin était particulièrement passionnant à regarder. Il est également important d’allouer les mêmes ressources aux filles et aux garçons. J’ai assisté au tournoi de volley-ball «Queen and King of the court», où tous les participants étaient récompensés de manière égale. Lorsque j’étais bourgmestre de Sanem et vice-président du comité d’organisation de la Coupe du Monde de cyclo-cross à Belvaux en 2017, c’était la première fois que les femmes recevaient la même récompense que les hommes. Ce sujet me tient à coeur et il reste encore beaucoup de travail à faire en termes de sensibilisation. 

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