Jusqu’où ira la surprise Casa Pia AC ?

« Tout vient à point à qui sait attendre », dit-on régulièrement pour qualifier la patience de précieuse vertu. Les supporters du Casa Pia Atlético Clube peuvent en témoigner. Ces derniers ont dû faire preuve d’une patience sans précédent pour voir leur équipe préférée retrouver les sommets cet été, après 83 longues années de disette. Présents pour la première édition officielle de la Primeira Divisão portugaise lors de la saison 1938/1939, les « Gansos » n’avaient, depuis, plus évolué au plus haut niveau national. Une attente interminable qui a permis à ce club centenaire de préparer ce retour historique au sein de l’élite, savouré désormais par les quelques centaines de supporters présents régulièrement au stade Pina Manique.

Une longue histoire marquée par une légende

Le nom de ce club ne vous évoque probablement pas grand-chose étant donné son manque de notoriété en dehors des frontières portugaises. Pourtant, le Casa Pia Atlético Clube est bel et bien l’un des piliers du football portugais. C’est en 1920 que le club voit le jour, à l’initiative de quelques élèves membres de la Casa Pia. Cette institution lisboète vieille de plus de 240 années est connue pour promouvoir les droits et la protection des enfants, et est devenue par la suite l’un des bastions du sport, de la culture et de la solidarité au Portugal. Dès sa création, le succès devient l’un des principaux moteurs de ce club, vainqueur du Championnat régional et de la Coupe de Lisbonne durant sa première année d’existence. De belles prouesses qu’il doit notamment au talent incontesté de l’un de ses fondateurs, en la personne de Cândido de Oliveira.

Orphelin ayant passé ses plus jeunes années au sein de l’institution Casa Pia, ce génial milieu de terrain est à ce jour connu pour être le premier capitaine de l’histoire de la sélection nationale portugaise. C’est notamment à travers son nom que Casa Pia brille durant ses premières années de vie. Et c’est le 19 décembre 1921, soit un peu plus d’un an après sa création, que le Casa Pia Atlético Clube entre définitivement dans l’histoire du football portugais. Ce jour-là, l’équipe nationale portugaise dispute le tout premier match de son histoire face à l’Espagne, à Madrid. N’ayant pas encore de jeu de maillots à disposition pour représenter le Portugal, le capitaine Cândido de Oliveira prend l’initiative de fournir les tuniques du Casa Pia Atlético Clube à l’ensemble des membres de l’équipe nationale portugaise pour lui permettre de débuter son histoire. C’est ainsi que la croix rouge sur fond noir apparaît sur le torse des premiers représentants de ce qui deviendra la Seleção.

Mais la suite des événements se montre bien moins glorieuse pour le club lisboète. Bien après la « période Cândido de Oliveira », le club perd de sa superbe et connaît une première saison dans l’élite particulièrement compliquée à l’occasion de l’exercice 1938/1939. Sur les quatorze rencontres disputées, le CPAC n’en remporte qu’une, ce qui mène à un passage inévitable dans les divisions inférieures, qui durera finalement 83 ans.

Un retour dans l’élite inespéré

C’est durant la saison 2018/2019 que le club lisboète recommence à faire parler de lui. Alors engagé au sein de la poule D du très complexe Campeonato de Portugal, anciennement considéré comme le troisième échelon national, le club parvient à se hisser à la deuxième place de son groupe et à se qualifier pour la deuxième division. Un exploit marqué notamment par le passage d’un jeune entraîneur du nom de Rúben Amorim sur le banc des « Gansos », parti rejoindre le SC Braga après quelques mois de bons et loyaux services.

Mais de la troisième à la deuxième division, l’écart est immense. Alors qu’il a été contraint de créer une société (SDUQ) afin d’accompagner son développement sportif, le club peine à continuer sur sa lancée et ne glane que 11 points sur les 24 premières journées du championnat de deuxième division. Sans surprise, le CPAC se classe à la dernière place du championnat et est ainsi condamné à la relégation au moment de l’arrêt anticipé des compétitions suite à la crise du Covid-19. Mais un triste événement joue en la faveur des « Gansos ». En effet, le Casa Pia Atlético Clube profite des situations financières irrégulières des clubs du Vitoria FC et du Desportivo das Aves, tous deux rétrogradés administrativement au niveau amateur, pour conserver sa place au deuxième niveau national.

Un miracle : le Casa Pia AC reste en deuxième division. Et c’est à ce moment-là que se produit un nouveau tournant majeur de l’histoire moderne du club. À la fin de l’été, l’équipe première passe sous le contrôle de l’entraîneur portugais Filipe Martins, et le natif d’Amadora ne se prive pas pour façonner celle-ci à sa manière. Un an plus tard, « Os Gansos » termine à une très honorable neuvième place du classement de deuxième division, ce qui laisse présager une saison 2021/2022 encore plus fructueuse.

Mais qui aurait pu imaginer un tel succès ? Avec un 3-4-3 marqué notamment par une solide défense centrale composée du Maltais Zach Muscat, du capitaine portugais Vasco Fernandes et du Bosnien Nermin Zolotic, le Casa Pia Atlético Clube se construit une réputation d’équipe conquérante, particulièrement difficile à manœuvrer. Au terme du championnat 2021/2022, le club siège à une très surprenante deuxième place synonyme de qualification dans l’élite, sublimée par un record de buts encaissés. En 34 rencontres, la forteresse Casa Pia n’a été touchée qu’à 22 reprises.

« O espírito casapiano »

De la solidarité, de la résilience et du courage : voici quelques termes qui pourraient parfaitement définir cette surprenante équipe, qui a donc obtenu sa place en première division d’une main de maître.

Et si la division et le niveau ont changé, les principes du Casa Pia Atlético Clube sont restés les mêmes. Toujours sous la houlette de Filipe Martins, l’équipe lisboète fait preuve de la même solidité qui a fait son succès la saison passée. Étonnement classé cinquième à la trêve hivernale, le Casa Pia Atlético Clube n’a encaissé que 10 buts en 13 rencontres, ce qui en fait la troisième meilleure défense du championnat derrière les deux mastodontes du football portugais : le SL Benfica (7 buts encaissés) et le FC Porto (9 buts encaissés).

Sans se montrer particulièrement déroutante sur le plan offensif, l’équipe lisboète est parvenue à combattre avec ses armes et ses valeurs en ce début de saison. Un succès expliqué notamment par l’excellent travail de l’entraîneur Filipe Martins, qui ne manque pas de rappeler l’importance de l’état d’esprit dans les performances de son équipe. « Le plus important, ce sont les joueurs qui ne jouent pas, car ils maintiennent un état d’esprit fantastique. C’est ça qui fait la différence, surtout dans les jours comme celui-ci où il faut se retrousser les manches et se battre », avait-il lancé en conférence de presse le 3 octobre dernier, suite à un match remporté par son équipe, pourtant réduite à dix contre onze dès la première mi-temps, face au Maritimo. « C’est une victoire façon Casa Pia, avec l’esprit casapiano », avait-il ajouté.

Avec du cœur et des valeurs désormais ancrées, le Casa Pia Atlético Clube est en train de prouver qu’il est possible de se faire une place parmi les plus grands. Reste à savoir si « o espírito casapiano » suffira pour maintenir les « Gansos » au sommet, au sein d’un championnat marqué par l’instabilité constante et les fortes inégalités économiques.

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