Marketing du foot luxembourgeois : un diamant à polir

Malgré une amélioration notable du niveau de jeu et des structures de plus en plus professionnelles au sein des clubs, les tribunes de BGL Ligue continuent à sonner désespérément creux. Avec des budgets de plus en plus serrés, les dirigeants peinent à investir dans des secteurs clés pour tendre vers la pleine professionnalisation, comme la communication. Un non-sens et un produit sous-exploité, pourtant au potentiel intéressant à différents niveaux.

Il fallait presque se pincer les joues pour s’assurer que l’on n’était pas en train de vivre un rêve éveillé. Près de 8 500 spectateurs se sont en effet réunis pour une finale de Coupe déjà entrée dans la postérité au Luxembourg. Une formidable anomalie, qui a permis à tout un chacun de vibrer pendant plus de 90 minutes dans une ambiance digne des plus grandes échéances. Une folie qui s’est poursuivie une semaine entière, avec des affluences tout aussi spectaculaires lors des rencontres de barrages, et ce quelle que soit la division. Si l’on peut évidemment se réjouir de cette ambiance presque irréelle au sein du Grand-Duché, on ne peut pas nier que tout ceci n’est que l’arbre qui cache une forêt bien dépeuplée. Ainsi, malgré cette belle embellie temporaire, le constat demeure le même : les tribunes au Luxembourg sont de plus en plus dépeuplées, et le public se fait cruellement attendre.

Alors que de l’avis de tous, le niveau du championnat ne fait que s’élever saison après saison, comment peut-on dès lors expliquer que le public ne suive pas cette amélioration et garnisse chaque année un peu plus les tribunes ?

Au risque d’en heurter certains, la raison de ce désamour de la part des supporters s’explique assez simplement : dans une ère où les possibilités de divertissement sont multiples et variées, un produit – aussi bon soit-il – se doit d’être mis en valeur, vendu, et rendu attractif pour la masse. Une réalité que le Luxembourg ne semble pas avoir encore saisie, avec une communication qui, à certains moments frôle le ridicule, et est en décalage total avec la réalité du monde d’aujourd’hui. 

Dans ce dossier qui s’attaquera au sujet, nous couvrirons tous les angles qui, selon nous, doivent être analysés, et – soyons francs – améliorés dès que possible, pour réellement augmenter l’attractivité d’un championnat qui le mérite bien. De la communication digitale aux infrastructures, en passant par le prix des places ou encore l’exploitation des images, nous allons, sous toutes les facettes, évaluer les choses mises en place pour arriver à un état des lieux global de la vente du produit. 

Si nous avons hérité de la réputation de contester, souvent, l’inaction des institutions du pays, il convient de rappeler que ce n’est pas par malice ou par sournoiserie. Nous sommes absolument persuadés que le football au Luxembourg peut se rapprocher de cette semaine magique lors de laquelle le public a répondu en masse pour supporter telle ou telle équipe, avec un sentiment de fierté et d’appartenance que l’on veut voir se renouveler semaine après semaine. Et c’est cette pensée qui nous fait, encore et encore, insister sur les points à améliorer pour amener ce championnat là où il peut – et doit – être. 

Titrer Un diamant à polir peut sembler exagéré et devrait amener son lot de moqueries. Une vision héritée de nombreuses années à se sentir inférieurs ou minoritaires à l’échelle du football mondial. Sans estimer que le Luxembourg a le même niveau que ses pays frontaliers, nous pensons qu’il est possible, au sein de ce petit pays, de créer un véritable engouement. C’est ce dernier qui, dans le cercle vertueux dont nous parlons si régulièrement, contribuera à améliorer la situation.

Alors que les matchs de qualification européenne vont débuter dans peu de temps, les affluences des futurs adversaires des clubs luxembourgeois seront déjà un semblant de réponse à ce qui peut attendre les tribunes lors de la saison à venir. Si les joueurs ont fait le travail sur les pelouses et offert un spectacle intéressant, le travail de sape doit continuer et s’étendre à tous les autres pans qui pourraient – enfin – recréer un véritable engouement au sein du Luxembourg.

Tout retravailler

Si le travail effectué par les joueurs, les entraîneurs, les membres de comité ou encore les bénévoles n’est dans l’ensemble pas à critiquer sur le plan sportif, trop peu de choses sont faites – ou tout simplement mal faites – sur d’autres points. Prix des places, horaires des matchs ou mise en valeur des rencontres : le chantier est vaste, mais également urgent.

Par où commencer ? Difficile de répondre tant les points d’amélioration sont nombreux et vitaux. Ce qui est unanimement reconnu comme un non-sens par les acteurs et observateurs du football luxembourgeois : la programmation des matchs. Il est absolument aberrant au XXIe siècle – et au vu de ce qui est proposé dans l’intégralité des championnats européens – de voir l’intégralité des rencontres se jouer à la même heure. Ce fameux dimanche à 16 h est tout aussi frustrant qu’il est garanti. Et malheureusement, compte tenu de certaines situations déjà observées, la réflexion ne semble pas encore assez poussée sur le sujet. Ainsi, la programmation d’Hesperange contre Dudelange et Pétange-Niederkorn au même horaire, pour deux véritables finales, avait été critiquée avec véhémence par de nombreuses personnes. Une inaction d’autant plus rageante qu’il est possible, de temps à autre, d’assister à des rencontres le samedi, voire le vendredi soir. Et il serait aussi envisageable de mettre en place quelques rencontres le lundi soir, pour assurer une grille exclusive à certaines rencontres, que des observateurs neutres ou d’autres clubs pourraient ainsi aller voir. S’il est évident que certaines problématiques naîtront en cas de programmation mieux travaillée (disponibilité des arbitres, rencontres des jeunes se chevauchant, accord entre les deux clubs), les institutions ainsi que les dirigeants de club doivent impérativement se pencher sur ce sujet. Une rénovation du programme pourrait aussi permettre d’offrir une visibilité accrue de la Promotion d’Honneur qui, elle aussi, évolue à la même heure que ses confrères dans l’élite. Un véritable non-sens qui ne peut se poursuivre, au risque de confirmer encore un peu plus la diminution des affluences en tribunes.

Une vision parfois trop étroite

Une explosion des prix qui est assez symbolique de la vision souvent extrêmement court-termiste des dirigeants du pays. Plutôt que d’offrir des billets attractifs sur le plan financier, le réflexe ici est plutôt de gonfler les prix, l’idée d’une belle vente étant plus séduisante que celle d’en vendre seulement cinq – beaucoup moins sexy – mais qui finalement, rapporte plus.

Ce court-termisme, on peut aussi le retrouver au sein de la Fédération, à l’image des packages proposés pour les qualifications pour la Coupe du monde des Roud Léiwen. Avec un match « de gala » contre le Portugal et une communauté portugaise massive au Luxembourg, elle a alors fait le choix de proposer des packages comprenant l’intégralité des matchs à venir au Stade de Luxembourg. Sans surprise, les places ont été prises d’assaut. Mais nous attendons maintenant de voir, lors des prochaines rencontres contre le Liechtenstein, la Bosnie ou encore l’Islande, s’il y aura autant de personnes au stade que de places vendues.

Enfin, le dernier chapitre qu’il faudrait selon nous faire évoluer dans le domaine est le marketing mis en place dans les rues ou ailleurs. Nous sommes toujours sincèrement choqués de remarquer que les jours qui précèdent un match de la sélection nationale, aucune affiche ne trône aux alentours du Stade de Luxembourg. Une véritable hérésie tant cette activité est partagée à travers le monde, et porte assurément ses fruits. Des choses simples, d’autres peut-être un peu plus compliquées, que l’on espère enfin voir apparaître au Luxembourg. Car, si cela n’est pas le cas, les tribunes déjà fort dégarnies pourraient vite devenir tout simplement vides.

Des infrastructures hétérogènes

Autre point important pour attirer les gens au stade, les infrastructures sont aussi passées au crible dans ce dossier. Avec un constat qui ne surprendra pas grand monde : avec une véritable hétérogénéité en termes de qualité, il est difficile de faire un bilan qui engloberait l’ensemble des clubs.

On peut évidemment se réjouir de l’arrivée du FC Marisca Mersch en BGL Ligue. Car l’histoire de ce petit poucet qui ira jusqu’en finale de la Coupe de Luxembourg est assurément belle. Et les hommes de Mikhail Zaritski ont indiscutablement arraché leur promotion avec tous les mérites possibles sur les pelouses de Promotion d’Honneur. Mais cela n’empêche pas quelques réelles interrogations vis-à-vis des infrastructures de ce club. Avec une absence de tribunes ou une pelouse dont l’état est proche de la catastrophe, le niveau global n’est pas relevé par sa présence. Les terrains verts au Luxembourg sont d’ailleurs parfaitement symptomatiques de la grande hétérogénéité en termes de qualité au Luxembourg. Alors que certains clubs tels que Wiltz ou Pétange offrent de véritables billards, c’est tout le contraire quand on se déplace à Mondorf, ou  chez le fraîchement relégué Hostert. Pas de bon augure pour le spectacle, quand les acteurs sont mis dans de mauvaises conditions pour briller. 

Aux joueurs doivent évidemment s’ajouter les supporters. Et là encore, force est de constater que les qualités d’accueil ne sont pas toujours à la hauteur de ce que l’on aimerait voir. Stades en état de décrépitude, sièges pas loin d’être cassés, toit peu étanche : la liste est longue de ces petits pépins négatifs pour l’expérience client. Alors que les clubs doivent toujours travailler en accord avec les communes pour financer des améliorations, le Luxembourg semble, là encore, bien en retard sur la concurrence.

Comprenons-nous bien : il n’est pas certain que des conditions parfaites garantissent des guichets fermés. En ce sens, le FC Differdange est un bon exemple. Avec des tribunes impeccables, une belle pelouse et une réelle modernité, le FCD03 coche toutes les cases sur le papier. Pourtant, cela n’empêche pas l’enceinte de ne pas être remplie à chaque rencontre, et ce malgré des avantages évidents. Un exemple qui confirme que le travail doit être fait sur plusieurs fronts afin de faire revenir le public.

Mais, et c’est là une évidence, avoir des infrastructures de qualité est toujours essentiel pour grandir. On peut évidemment citer l’exemple du Stade de Luxembourg qui est une réelle réussite, et qui a prouvé que son potentiel peut offrir de très belles rencontres de football. Que cela soit contre la Turquie, le Portugal, ou encore la récente finale de la Coupe entre Differdange et Mersch, on ne doute pas un instant que les supporters, au-delà des résultats sportifs, ont été conquis par une enceinte qui offre une ambiance qui n’a pas à rougir si l’on compare avec ce qui se fait ailleurs. Preuve en est que l’engouement peut revenir, et qu’il y a bien un marché à prendre pour grandement améliorer l’attractivité du football au Grand-Duché. Pour cela, pas de miracle : il va falloir agir, vite et sur bien des aspects, tout en acceptant que cet investissement ne récolte pas nécessairement ses fruits en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Ce n’est qu’avec ce raisonnement que le produit football au Luxembourg gagnera en valeur. Et, au vu de notre constat, rappelons-le une dernière fois : il est vital de se pencher sur le sujet dès que possible, au risque sinon d’atteindre le point de non-retour.

La communication digitale, nouveau nerf de la guerre ?

La communication digitale dans les clubs de foot luxembourgeois, c’est un peu comme un marathon : chacun avance à son rythme. Il y a les lièvres et les tortues, comme le disait si bien Jean de la Fontaine. Le FC Wiltz, par exemple, se montre très actif sur ses réseaux sociaux. Signe que la hiérarchie du rectangle vert n’est pas forcément celle des écrans. Malheureusement, comme sur le pré, le club de Michael Schenk a subi la loi du mercato. « On avait une personne chargée de la communication depuis notre montée en BGL Ligue, Jordy Fourgon, seize heures par semaine. Ce garçon était tellement bien qu’il travaille désormais pour le Borussia Mönchengladbach, en Allemagne », relate le président. « On a pris un étudiant de Master 2 en développement du sport, mais il a dû arrêter au mois de mars, car les allers-retours depuis Cologne devenaient compliqués. Pour le moment, une personne du comité a pris le relais avant de retrouver quelqu’un. Malheureusement, nous n’avons pas le budget pour embaucher à temps plein. Entre les staffs et les joueurs, les budgets sont serrés et cette dépense vient presque en dernier dans la liste des priorités. » En haut du classement, le Progrès, dauphin du Swift cette saison, se heurte aux mêmes limites budgétaires. « Nos dépenses vont d’abord dans le salaire de jeunes coachs compétents pour notre formation et celui des joueurs, donc on fixe des priorités pour optimiser notre budget. Pour l’instant, on n’a pas de fonds à consacrer à une véritable équipe média. On est sortis du covid, il y a maintenant la crise immobilière », confie Thomas Gilgemann. Le président fait lui aussi partie intégrante de la stratégie de communication du club à la guêpe. Par la force des choses, mais aussi par réelle volonté de maîtriser le discours du FCPN sur la toile. « Je m’occupe de publier sur Facebook et Fabrice Bertone, le nouveau directeur du développement, va relancer notre présence sur LinkedIn et Twitter. Sur Instagram, on va faire évoluer notre stratégie et publier uniquement des photos. Nos équipes produisent le contenu et nous, la direction, on s’occupe des publications. L’avantage, c’est que l’on connaît notre club par cœur, donc on peut être très précis, dans le détail, par rapport au sportif ou au projet du club de manière générale. Une communication mal maîtrisée peut rapidement avoir l’effet inverse de celui souhaité. Pour le moment, le staff médical, les coachs, les joueurs, c’est vital pour le club, alors qu’une personne à la communication serait une plus-value. Mais si un jour, on peut avoir une personne qui s’en occupe pleinement, on le fera. »

« Le staff médical, les coachs, les joueurs, c’est vital pour le club, alors qu’une personne à la communication serait une plus-value. »

Thomas Gilgemann, Président du Progrès Niederkorn.

Sans salarié à plein temps dans la communication, les clubs de football du Grand-Duché se sont quand même bien adaptés à l’ère du digital et sont relativement à la page. Résultats, transferts, informations : les posts sur les réseaux sociaux sont nombreux et leur présence y est régulière. À Differdange, le FCD03 propose des inside en vidéo pour faire vivre les coulisses de la vie du club. Le Fola y a également été de sa petite vidéo pour célébrer la victoire en barrage, face à Canach. Le F91 Dudelange compte dans ses rangs un producteur de contenu qui publie régulièrement photos et vidéos de qualité : « réels » sur Instagram, séries d’épisodes sur YouTube… mais ce photographe multicasquettes est bénévole. Même à l’étage inférieur, le Marisca Mersch a fait appel à un vidéaste, à l’occasion de la finale de Coupe face à Differdange, pour produire un résumé de qualité de cette soirée inoubliable, malgré la défaite. Globalement, tous les clubs proposent du contenu multimédia sur les différents réseaux sociaux et la prise de conscience de l’importance de ces nouveaux modes de communication est réelle. L’investissement dans un personnel entièrement dédié à la communication serait donc l’étape supplémentaire vers la professionnalisation des clubs ? « Je ne sais pas si c’est un frein qui empêche les clubs de progresser sur le digital », reconnaît Thomas Gilgemann. « Certains ne mettent pas ça en priorité, mais la réalité, c’est que beaucoup ne peuvent pas et s’adaptent pour optimiser leur budget. Honnêtement, nous voyons ce qui se fait à l’étranger et on essaie de l’amener ici pour être plus pro. On a une arche pour l’entrée des joueurs, un panneau de sponsors pour les interviews, un écran géant. On avance chaque année et ça fonctionne, car les partenaires jouent le jeu. À l’inverse, quand je vois certains clubs professionnels à l’étranger, en France, en Belgique ou en Allemagne, on n’a pas grand-chose à leur envier en termes de communication alors qu’ils sont censés avoir une équipe complète derrière. » Du côté de Wiltz, Michael Schenk espère voir les choses évoluer dans les hautes sphères, du côté de l’organisation du championnat. « Il faudrait une stratégie de communication établie par la BGL Ligue et la fédération pour mettre la Division nationale en évidence, car pour le moment, chaque club fait un peu à sa manière dans son coin. C’est justement bon signe, on voit que tout le monde se rend compte que c’est important de communiquer. Il y a plein de choses à mettre en place de la part de la BGL Ligue et de la fédération pour redonner de l’attrait à notre compétition : le but du mois, le but de la saison, ce genre de choses augmentent la notoriété pour un petit pays comme le nôtre. Ça rendrait notre championnat plus important et les gens ne s’intéresseraient pas seulement à l’équipe nationale, car parfois, on a l’impression que le championnat est secondaire. » 

Le président du club du Nord regrette également les disparités dans la presse locale en matière de traitement des rencontres. « Les clubs et les médias devraient travailler main dans la main. Plus on parle d’un produit, mieux il se vend, et ainsi on augmenterait son attractivité. On s’aperçoit que dans la presse locale, certains matchs ne sont même plus couverts. Quand j’ouvre le journal le lundi matin, je trouve une page sur la Formule 1, mais rien sur la façon dont Ettelbruck a joué contre Hospert. Aucun compte rendu de match. Rien. Que Benzema quitte le Real Madrid ou les résultats de Ligue des champions, on le sait, on n’a pas besoin de lire le journal local. Dans un média régional, il faut mettre en évidence le championnat, les joueurs, leur vie en dehors du foot, par exemple. »

Une jeune génération peu présente

« En mai, fais ce qu’il te plaît », dit le dicton. Au Grand-Duché, l’adage voudrait plutôt que l’on dise « En mai, va au stade », si l’on se fie aux affluences des barrages (1 700 personnes à Fola Esch-Jeunesse Canach et Bettembourg-Käerjeng) et de la finale de Coupe de Luxembourg (8 385 spectateurs au stade de Luxembourg). En championnat, pourtant, il est plus difficile de fidéliser les férus de ballon rond à un club. « Les matchs devraient se jouer à des horaires différents, du vendredi soir au dimanche soir, avec une rencontre par week-end filmée en live avec de vraies caméras et des commentateurs », propose Michael Schenk. « Ça permettrait par exemple aux joueurs des autres équipes de venir nous voir. On parle de 100 à 150 spectateurs en moins. On sait qu’on a du mal à attirer les jeunes dans les stades, même si l’entrée est gratuite jusqu’à l’âge de 16 ans et qu’il y a 50 % de réduction pour les étudiants. Ce n’est pas une question d’argent. Certains sont ramasseurs de balle, d’autres font l’entrée avec les joueurs. Des jeunes peuvent venir voir leurs copains jouer, mais ils sont combien?5ou6?Ceuxquin’ontpasle permis doivent se faire emmener, donc c’est compliqué. Ça l’est encore plus s’il y a peu de joueurs locaux dans l’équipe ». Pour le dirigeant du FC Wiltz, les problèmes pour les clubs luxembourgeois pour attirer et fidéliser les supporters dépassent les limites de l’enceinte de leur stade. « On n’est pas capable de parler positivement de notre sport, c’est une maladie luxembourgeoise. On dénigre le niveau de nos compétitions sans avoir vu un match, donc les gens se disent que le niveau est nul est ne prennent pas la peine de se déplacer. C’est une question d’attitude. Mais ça va au-delà de tout ça. Autrefois, il n’y avait que le foot et tout le monde était au stade le dimanche. Aujourd’hui, le Luxembourgeois vit très confortablement et a beaucoup d’autres choses à faire. Maintenant, on peut regarder la Bundesliga ou les grands championnats à la télévision, on peut jouer à la PlayStation, il y a mille choses à faire pour se divertir, donc motiver les gens à venir au stade est très difficile ». Si la vieille garde continue en effet à répondre présente lors des rencontres de BGL Ligue ou Promotion d’Honneur, la présence des plus jeunes générations est quasiment inexistante. Adolescents et jeunes adultes sont en effet fort minoritaires au sein des tribunes du pays. Un renouvellement de génération quasi inexistant est particulièrement préoccupant pour un futur qui pourrait, dès lors, voir les tribunes se dépeupler encore davantage. Les ambiances lors des barrages et de la finale de la Coupe ont sûrement réussi à en convaincre certains de venir plus régulièrement. Les clubs devraient alors profiter de cette ivresse encore présente dans l’esprit des gens pour faire un effort supplémentaire et enfin fidéliser de nouveaux supporters. Lors d’échéances européennes, on ne peut que prier pour ne plus voir des places à des tarifs inaccessibles.

Les produits dérivés ont la cote

En football comme en amour, il faut savoir séduire son interlocuteur. Les petites attentions font la différence et donnent envie de se revoir. Pour fidéliser les supporters, certains clubs comme le FC Wiltz et le Progrès proposent ainsi des produits dérivés aux couleurs de leur club : écharpes, casquettes, stylos, bloc- notes… « Chaque mois environ, un nouvel article est mis en vente pour dynamiser le fanshop », précise Thomas Gilgemann. « C’est essentiel pour le développement de l’image, de la communication. On s’adapte aux saisons pour conserver une certaine logique : on a sorti un parapluie en octobre, des couvertures au mois de décembre. On fait une petite marge, mais on fait surtout ça pour se différencier de la concurrence, comme on a commencé à se démarquer il y a six ans avec un nouveau logo plus moderne. On a multiplié les chiffres du fanshop par 5 sur les matchs à domicile en 2022/2023 par rapport à la saison dernière ». À Wiltz, le club propose également des produits dérivés, comme d’autres au Grand-Duché. Le club de Michael Schenk a également commercialisé, en 2018, un album stickers à collectionner à l’effigie des joueurs. « C’était top, les enfants ont adoré. D’ailleurs, c’est aussi quelque chose que devrait envisager la BGL Ligue pour que les jeunes s’intéressent au championnat et aux clubs. »

La même passion des maillots

Comme partout dans le monde, le maillot est la première vitrine du club. Porté par les joueurs, par les supporters, il peut devenir iconique en cas de parcours légendaire. Plus qu’un uniforme, c’est une véritable seconde peau pour certains, qui adorent en faire la collection.On peut ainsi se demander pourquoi certains clubs de première division d’un championnat n’ont pas le nom des joueurs floqués sur le dos. Le nom des partenaires sur le tricot permet de faire vivre le club, celui des principaux acteurs permet de faire rêver les supporters, des plus jeunes aux plus anciens. Il n’est pas rare de voir dans les travées du stade des maillots à l’effigie des meilleurs joueurs passés par l’équipe du coin. À Wiltz, les noms des joueurs sont bel et bien inscrits au dos des maillots et, comme il faut les changer chaque saison – les maillots, pas les joueurs – le club a décidé de se doter de maillots dits « durables ». « On veut envoyer un message fort aux supporters pour notre avenir. Les maillots produits par notre ancien partenaire étaient en fibres de bambous. Ils sont actuellement en polyester recyclé. On en vend une centaine par saison. Notre stratégie est basée sur l’économie circulaire avec la ville. La brasserie de Wiltz nous produit aussi des limonades et des colas. On souhaite soutenir au maximum les producteurs locaux. On essaie également de ne plus travailler avec du plastique jetable : au stade, nos gobelets et nos bols de frites sont réutilisables. » Côté abonnements, les clubs essaient de fidéliser leurs supporters avec des offres promotionnelles. « On envoie chaque année une remise pour le tarif mensuel à nos abonnés », détaille Michael Schenk, dont le club compte environ 120 abonnés chaque saison. Pour attirer de nouveaux supporters et garder ses habitués, le club continue ainsi à séduire son public. En coulisses, les dirigeants s’activent également pour nouer des liens solides avec des partenaires fidèles. Dans un championnat encore en développement, cette rentrée d’argent est vitale pour la bonne santé financière des clubs. Leurs perspectives d’évolution et d’expansion passent inexorablement par un sponsoring conséquent. Pour entretenir les bonnes relations, les clubs mettent en place des business clubs afin de réunir l’ensemble des partenaires. Le Fola Esch, le Racing, le F91 ou encore le Progrès, de nombreux clubs de l’élite du football luxembourgeois en ont un. « On a mis ça en place après le covid pour permettre aux partenaires de se rencontrer », explique Thomas Gilgemann. « En semaine, c’est compliqué de se voir individuellement, donc chaque semaine, entre 60 et 100 personnes se réunissent les jeudis de 11 h 30 à 14 h 30. C’est une plus-value pour eux en plus de leur sponsoring. Pour nous aussi, c’est un plus. On récupère de nouveaux partenaires grâce au bouche-à-oreille. » Pour les clubs un peu moins huppés comme Wiltz, le business club est aussi un rouage essentiel de la machine pour faire tourner la boutique. « On choisit les meilleures affiches à l’avance et on organise des repas d’avant-match avec les sponsors, cinq à six fois par saison », explique Michael Schenk.

Le Luxembourg souffre encore d’une image qui lui colle à la peau, celle d’un football encore semi-pro pas encore totalement pris au sérieux par tout le monde. Pourtant, force est de constater que les clubs essaient de plus en plus de tendre vers un fonctionnement professionnel : business club, club house, rénovation des installations, une présence de plus en plus accrue sur les réseaux sociaux… Malgré la bonne santé financière du Grand-Duché, les dirigeants sont rattrapés par la réalité économique et fonctionnent avec des budgets de plus en plus serrés, comme le Fola Esch cette saison, ou comme on peut s’y attendre la saison à venir à Dudelange. Pour professionnaliser le fussball, il faudra quoiqu’il arrive, mettre la main au porte- feuille.

Tendai Michot & Florian Tonizzo

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