France : que dit la loi de reconnaissance faciale adoptée par le Sénat ?

Les sénateurs ont proposé cette semaine une loi visant à tester la reconnaissance faciale pour une durée de trois ans. Ce projet doit être examiné par l’Assemblée Nationale la semaine prochaine. En quoi consiste celle loi et faut-il s’inquiéter de son utilisation ?

Après la loi autorisant l’utilisation de caméras intelligentes pour analyser et surtout détecter des mouvements de foule afin d’assurer la sécurité aux Jeux Olympiques, les sénateurs ont franchi un pas supplémentaire cette semaine. Les membres du Sénat ont effectivement adopté cette semaine une loi visant à tester la reconnaissance faciale pour une durée de trois ans, soit au-delà des JO de Paris en 2024 et ce, partout en France. À l’origine de ce projet de loi, un sénateur du parti de droite Les Républicains, Marc-Philippe Daubresse et un centriste, Arnaud de Belenet, dont l’objectif est de « poser des lignes rouges à ne pas dépasser afin d’écarter le risque d’une société de surveillance ». Invité de France Bleu Nord, Marc-Philippe Daubresse a précisé que cette utilisation « dépendait d’une réglementation européenne. Et donc, dans un nombre de cas très limité, il y en a deux en particulier. D’abord les risques terroristes, avec des services de renseignement qui nous disent il y a un risque avéré d’attentat et puis les enlèvements d’enfants, par exemple, quand il y a une alerte enlèvement. » Le sénateur LR a tenu a précisé qu’il s’agissait plus précisément de « reconnaissance biométrique », caractérisée en deux cas : l’identification, « comme quand vous êtes à l’aéroport et qu’on vérifie que votre visage correspond à votre passeport » et l’authentification, « à l’entrée d’un stade de football, par exemple, où vous avez 40 000 personnes et vous savez qu’il y a deux présumés terroristes dans la foule, et vous pouvez aller les chercher avec un algorithme. »

En temps réel ou à posteriori

Cette loi prévoit l’utilisation de la reconnaissance faciale de différentes manières. En temps réel, pour repérer les personnes recherchées, mais pas dans n’importe quelle situation. Cette utilisation serait réservée aux services de renseignement qui luttent contre le terrorisme ou à la police, dans le cadre d’enlèvements par exemple, pour identifier des suspects dans des affaires de criminalités graves. De plus, une autorisation devra être délivrée par le Premier Ministre ou un procureur et sera valable pendant 48 heures. Le suivi en temps réel des caméras de vidéo surveillance pourrait aussi permettre l’identification, via un algorithme, d’une personne recherchée. L’utilisation des images à posteriori, donc après une situation ou un évènement, serait autorisée dans le cadre d’une enquête judiciaire, pour cas de terrorisme ou de fait grave, comme le trafic d’arme. Concrètement, une technologie d’Intelligence Artificielle (IA) permettrait de se replonger dans les images captées par les caméras de vidéo surveillance pour retrouver un visage et, ainsi, un individu. Le tout, une nouvelle fois, sur autorisation du Premier Ministre ou d’un procureur. Ceci est déjà techniquement possible en France. Le Taj, traitement d’antécédents judiciaires, est un fichier de police judiciaire qui permet d’obtenir des informations sur les personnes mises en cause et sur les victimes, dans le cadre d’une recherche d’individu ou d’un recrutement pour un emploi sensible, mais son accès est restreint à certains professionnels.

Une loi à contre-courant de l’Europe

Si la droite est à l’initiative de cette loi pour répondre à des enjeux de sécurité, la gauche a voté contre, estimant que le risque de tomber dans une surveillance de masse était trop important. Ce projet de loi intervient au moment même où l’Union Européenne réfléchit à une interdiction de la reconnaissance faciale dans les lieux publics, avec des règles délimitant l’utilisation de l’IA. Le Parlement Européen a donné son feu vert, cette semaine, pour mettre en place la régulation et l’interdiction de la reconnaissance faciale en temps réel. tout l’inverse de ce projet de loi souhaité par le Sénat. Cette proposition, qui doit être examinée par l’Assemblée Nationale dans les prochains jours, n’est pour le moment pas la position du gouvernement. Le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait d’ailleurs déclaré il y a quelques mois ne pas être favorable à l’utilisation de la reconnaissance faciale.

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