Élodie Martins : « Je suis une vraie passionnée de football »

Après cinq ans sur les terrains avec le club du Racing, Élodie Martins est passée entraîneur principal cette saison. Entre le changement de rôle au sein du groupe, la pression inhérente au poste et l’évolution du football féminin au Luxembourg, la coach se livre sans concession.

Comment s’est passé ce passage en tant qu’entraîneur de l’équipe première ?

Lors de la saison passée, j’ai commencé à avoir de réels pépins sur le plan physique, en particulier au niveau des genoux. Cela devenait difficile de continuer, et certains médecins m’ont même dit que je devais m’arrêter là. Mais de mon côté, j’avais envie de continuer et cela me paraissait impensable d’arrêter sans terminer la saison. J’ai fait des injections dans l’espoir que ça aille mieux, mais cela n’a pas fonctionné, au contraire. Il y a eu à ce moment-là des discussions de T2. J’y ai tout de suite réfléchi, car j’ai tout de même le diplôme de l’UEFA, ayant déjà anticipé la suite de ma carrière. J’avais toujours l’espoir de pouvoir encore jouer une voire deux saisons, mais il a fallu se rendre à l’évidence. J’ai encore essayé en début de saison avec la prépa et la Ligue des champions. Mais quand j’ai vu que le lendemain je n’arrivais plus à marcher, c’était compliqué. Donc j’ai accepté de devenir T2.

Et que s’est-il passé par la suite pour en arriver à ce poste d’entraîneur principal ?

Le club avait pris la décision de recruter Adrien Daniele. Pour des raisons personnelles, il a dû arrêter l’aventure, et on m’a alors proposé de reprendre le groupe en intérim. De fil en aiguille, cela s’est bien passé, et je continue donc dans ce rôle qui me plaît beaucoup. 

As-tu hésité avant de prendre ce poste ?

J’ai beaucoup hésité à accepter le poste d’adjoint. Mais une fois que l’on a franchi le cap, que l’on passe de l’autre côté, c’est beaucoup plus simple. Je ne me suis donc pas posé de questions. J’étais excitée à l’idée de prendre ce poste, car je ne connaissais pas forcément très bien le groupe. Je pensais avoir toutes les cartes en main pour faire quelque chose de bien.

En quoi les relations avec tes anciennes coéquipières changent-elles ?

C’est très compliqué. Ce sont des amies et elles le restent. Mais c’est complexe de passer de l’autre côté et de faire comprendre que la Élo « à la cool » et « déconneuse » n’est plus là. Maintenant, je dois être sérieuse et demander le sérieux. Je dois aussi mettre tout le monde sur un pied d’égalité, qu’il s’agisse de joueuses que je connais depuis je ne sais combien d’années ou de nouvelles. Il faut de la droiture avec tout le monde.

As-tu toujours eu la fibre pour entraîner, selon toi ?

Cela a véritablement commencé quand j’ai arrêté de jouer avec le FC Metz et que j’ai rejoint le Luxembourg. On m’a proposé un travail en tant qu’éducatrice dans un club à temps plein. J’avais déjà passé la trentaine et je me suis dit que c’était un tremplin intéressant qui se présentait à moi et qu’il ne fallait pas le louper. Donc oui, cela fait déjà plusieurs années que cette réflexion est en moi.

Y a-t-il une frustration sur le banc de touche de ne plus être sur le terrain  ?

Je suis passée à autre chose, mais parce que je joue encore, pour Longeville-lès-Saint-Avold en France, avec ma fille Lola. Cela me permet de continuer cette activité. Mais parfois, on a encore envie de participer, oui. Être entraîneur, c’est tellement différent de joueuse. 

Tu te vois continuer dans ce rôle sur le long terme ?

Cela me plaît énormément. J’aime beaucoup analyser le football en général. Le dimanche matin, je me lève et je suis sur tous les réseaux pour voir ce qu’il se passe un peu partout. Je suis passionnée. J’aime regarder ça, cela m’inspire, sans que je puisse réellement expliquer pourquoi. Donc oui, je me vois continuer.

Comment cela se passe-t-il avec Mohamed Nouiri, ton entraîneur adjoint ?

« Momo », avant tout, c’est quelqu’un d’absolument génial. Avoir un T2 comme lui c’est extraordinaire. Je prépare mes séances, et dans l’après-midi, on s’écrit. Il me propose lui aussi des choses de son côté, et je prends toutes ces informations pour choisir l’entraînement. Parfois, on propose d’ailleurs exactement les mêmes séances ! (Rires) Cela se passe super bien. Il est très investi. Et puis on parle beaucoup, car il ne faut pas se le cacher, je suis toute jeune dans ce milieu. Sur tous les choix, on est toujours en concertation. Si finalement j’ai toujours le dernier mot, son avis est précieux, car il peut voir des choses que je n’ai pas vues, et vice versa.

Tu prends la tête d’un club habitué à absolument tout gagner. N’est-ce pas piégeux, d’une certaine manière ?

Je ne l’ai jamais vu comme ça. Oui, c’est sûr que quand ça fait trois ans que le club gagne tout, c’est un challenge. Mais quand j’ai repris le projet, je ne me suis pas arrêtée à ça. Il faut de toute manière préparer les matchs les uns après les autres. Quel que soit l’adversaire, on le prépare de la même façon. Je suis hyper exigeante et j’attends énormément de mes joueuses, peut-être parfois même trop. Mais je ne me suis pas mis de pression supplémentaire, car je pense que c’est la meilleure façon de se louper.

Est-ce mieux d’être une femme pour gérer un groupe féminin, ou cela ne change-t-il rien, selon toi ?

Dans ma vie, je n’ai eu que des entraîneurs hommes. Je pense que le rapport avec le vestiaire est tout de même plus facile quand on est une femme. Maintenant, on doit aussi plus s’imposer, car un homme a une certaine carrure et une prestance de nature. Mais il est certain qu’une femme n’est pas moins compétente. Finalement, je pense que le plus important, c’est la personnalité.

Comment juges-tu l’évolution du football féminin au Luxembourg ?

Je suis ici depuis cinq ans, et je peux affirmer que cela a beaucoup évolué, dans le sens positif. Je suis d’ailleurs persuadée que le fait que certains clubs aillent chercher des joueuses à l’étranger a fait beaucoup dans l’augmentation du niveau. Cela apporte une forme de concurrence et de professionnalisme, qui fait que les joueuses luxembourgeoises progressent. C’est très bénéfique.

C’est paradoxalement une des critiques que l’on entend le plus souvent vis-à-vis du Racing  ; il y aurait trop de joueuses étrangères… Que penses-tu de ce point de vue ?

Avant tout, chacun est libre d’avoir son point de vue. En revanche, le club a des ambitions européennes. Et les performances du Racing, quand il gagne un ou deux matchs en Ligue des champions, c’est aussi le Luxembourg qui y gagne. Il faut être fier de ce que ce club accomplit. Mais je pense qu’il y a une part de frustration de voir la même équipe gagner année après année. Prenez Lyon en France, c’est la même chose : ils n’ont pas toutes les meilleures joueuses françaises, mais ils n’hésitent pas à aller en chercher à l’étranger et cela paye, avec une vraie domination depuis tellement d’années. Je comprends que cela soit frustrant pour certaines équipes qui viennent de monter et ont un très gros écart de niveau entre elles et les cinq meilleures du championnat. Cela s’est souvent terminé par des forfaits, car certains ne veulent pas jouer contre nous et je peux le comprendre, ce n’est pas marrant de prendre dix buts. Mais ce qu’il ne faut pas oublier derrière tout cela, c’est que le Racing représente le pays.

Et au niveau de la visibilité ?

Il y a une évidente progression. La première année où je suis arrivée, il n’y avait quasiment rien. Alors que là, tous les lundis, on voit des articles, on sait ce qu’il s’est passé. Et cette visibilité permet aussi de créer plus d’engouement chez les jeunes, qui rejoignent alors des clubs. Certaines filles peuvent s’identifier. Et plus il y aura de monde qui va jouer, plus on verra une réelle progression.

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