Notre opinion sur la série HBO « The Last of Us »

Alors qu’il reste un épisode avant la fin de la première saison de The Last of Us, l’heure est déjà aux bilan de l’adaptation du jeu vidéo culte de Naughty Dogs. HBO a-t-il réussi à livrer un produit à la hauteur des énormes attentes ?

Le timing pourrait paraitre surprenant. Mais, après huit épisodes et seulement un manquant, il est déjà possible de faire un bilan de l’adaptation phare du jeu vidéo « The Last of Us » sur HBO. Petits tops et flops d’une série qui séduit, mais qui, selon nous, n’a pas toujours réussi le coup parfait.

TOPS

Un rendu visuel époustouflant :

Qu’on se le dise tout de suite : sur le plan cinématique, la série produite par HBO est une absolue réussite. Un travail énorme effectué sur les ombres et lumières, une reproduction extrêmement fidèle des différents environnements abandonnés, ainsi que des infectés extrêmement fidèles à ceux vu dans le jeu confèrent à la série la note maximale sur ce point. Le géant américain n’a pas lésiné sur les moyens et les efforts mis en place paient au vu du rendu final, époustouflant en tout point.

Des libertés scénaristiques appréciées :

Comment accrocher des fans du jeu à une adaptation dont ils connaissent tous les tenants et aboutissants ? En se permettant certaines libertés scénaristiques, tout simplement. En ce sens, l’épisode 3 est une absolue réussite. Totalement transformer l’arc narratif de Frank permet de créer de l’empathie pour des personnages secondaires qui, dans le jeu vidéo, ne sont généralement de passage que pour un court laps de temps. Sorte de douce trêve dans un monde devenu infernal, le troisième chapitre de la première saison permet aussi aux connaisseurs du jeu d’être dans la découverte, chose particulièrement inattendue quand on connait la trame de A à Z. Bien sur, certains grincheux trouveront toujours à redire sur cette liberté prise, mais force est de constater qu’une décision comme celle-ci a apporté énormément de plus-value à l’oeuvre générale.

L’épisode 4 réussit lui aussi une jolie prouesse en combinant plusieurs moments inoubliables du jeu, que cela soit la première apparition des Bloaters, le combat épique contre le sniper, et la course pour quitter Seattle. En mélangeant plusieurs chapitres du premier opus dans un seul évènement, HBO réussit parfaitement à rendre hommage et rester fidèle à la production signée Naughty Dog, tout en maintenant un scénario cohérent.

Pedro Pascal et Bella Ramsey répondent aux attentes :

C’était un des immenses challenges d’une adaptation attendue au tournant : trouver des acteurs à la hauteur des personnages du jeu vidéo. Après les angoisses devant le choix de Pedro Pascal et Bella Ramsey, qui ne ressemblent pas énormément à Joel et Ellie, le soulagement est vite arrivé. L’américano-chilien arrive à capturer très rapidement ce qui a fait du personnage principal un caractère tout de suite charismatique et aimé de tous. Quant à Bella Ramsey, si l’on reviendra sur le développement de son personnage sur laquelle elle est impuissante, sa performance n’en reste pas moins parfaitement réussie, capable de nous faire vivre une grande palette d’émotions.

FLOPS 

Une absence terrible d’infectés :

Il aurait été absurde de penser que la série offrirait le même nombre d’infectés que le jeu. La dynamique même du gameplay (infiltration / élimination / avancée de la trame), aussi plaisante soit-elle manette en main ne se prêtait assurément pas au grand écran. Tout du moins, pas durant chaque épisode. Mais, de là à ne pas offrir une seule séquence d’élimination en plan-séquence par exemple… Si le jeu vidéo et la télévision sont deux médiums totalement distincts, rapprocher les deux est tout sauf impensable. Dans l’historique de la télévision du côté d’HBO, le monstrueux plan séquence de la première saison de The True Détective, revisité avec des humains et infectés aurait pu offrir un épisode d’anthologie. Et s’il va aussi de soi que les 475 kills dans le jeu de Joel aurait enlevé de la crédibilité vis-à-vis du personnage, qui serait vite passé pour un surhomme malgré ses cinquante ans passés, il y a un monde entre diminuer le nombre d’infectés et n’en voir quasiment aucun. C’est bien simple, hormis le premier épisode et la fin du quatrième (très réussie), la menace qui a détruit la société est mineure, pour ne pas dire inexistante. Une absence qui enlève énormément à la crédibilité de la série, qui peine à faire comprendre comment le monde aurait tellement pu s’effondrer, alors que les infectés n’apparaissent que tous les quatrièmes lundi du mois. Et, autre conséquence de ce terriblement faible nombre de malades, le sentiment de peur et menace n’existe pas au fur et à mesure que l’histoire avance. Alors que le jeu forçait les joueurs à peser chaque pas, regarder de tous les côtés devant le risque constant de se faire massacrer par un monstre sorti de nulle part, le cheminement des deux personnages principaux apparait ainsi comme une longue randonnée. 

Ellie perd de son essence :

Au-delà de cet énorme problème de sentiment de menace s’en cache un autre, potentiellement encore plus dommageable : le personnage d’Ellie. Soyons clairs : la performance de Bella Ramsey est impeccable, et permet même d’oublier les évidentes différentes physiques entre la Ellie du jeu vidéo et celle de la série. Mais c’est bien dans son caractère que l’adaptation HBO ne réussit pas à retranscrire ce qui a fait de ce personnage un des plus inoubliables de l’histoire des jeux vidéos.

Ce qui marque, tout au long du long opus de Naughty Dog, c’est le contraste entre un monde déshumanisé, et une Ellie sociale, rigolote, et, malgré toutes les horreurs vécues, innocentes. Le parti pris de faire du personnage d’Ellie une enfant pratiquement asociale dans l’épisode 7 va totalement à l’encontre de l’esprit de la jeune adolescente qui, dans le jeu, sait se faire aimer de tout le monde, et jouit d’une véritable popularité. Le choix de la transformer en misfit ne sert pas à retranscrire la spontanéité et joie de vivre du personnage, qui, lentement mais sûrement, réussit à conquérir le coeur de l’homme le plus brisé de tous les temps qu’est Joel. 

Cette absence d’innocence et oisiveté (que l’on voit par des bribes dans les quatre premiers épisodes) devient extrêmement préjudiciable lors du dernier épisode sorti. Car ce chapitre de l’aventure, sûrement le plus marquant manette en main, marque un énorme tournant dans le jeu vidéo, et la fin définitive de l’innocence du personnage. La réalité d’un monde dur, et fondamentalement mauvais atteint enfin la pétillante d’adolescence, qui ne s’en remettra jamais. Mais avec une Ellie déjà dure, froide, et presque cynique dans l’adaptation HBO, l’arc narratif ne fonctionne pas de la même manière, et apporte beaucoup moins d’impact à ce qui est l’évènement le plus puissant du premier opus.

Aussi, si la relation avec Joel nous a déjà offert quelques moments réussis, la série semble néanmoins se pencher bien plus sur la jeune adolescente que son protecteur. Une vision artistique qui peut se comprendre, au vu de la seconde saison à venir, mais qui perturbe un peu, tant le personnage incarné par Pedro Pascal passe parfois au second plan, lui qui truste la lumière dans le jeu.

Une série rushée… avec des longueurs :

Si l’épisode 3 demeure indéniablement une immense réussite, avec un parti pris assumé de drastiquement changer tant le personne de Frank que ses interactions avec le duo, le choix d’inclure dans la série le DLC Last Behind peut, assez logiquement, poser quelques interrogations. Après deux premiers épisodes assez conséquents en termes de développement narratifs, le choix de calmer le tout dans un épisode sorti du fil directeur principal peut alléger une certaine charge, et offrir une parenthèse bienvenue. Mais le fait de répéter cela une seconde fois, cette fois-ci avec seulement deux épisodes restants n’a pas eu l’effet escompté. Et donne un sentiment de gâchis alors que tant d’autres passages du jeu ne feront pas partie de cette première saison (voir ci-dessous).

Et, plus que d’être passé à côté de certains moments marquants, la série ne prend pas nécessairement assez le temps de développer une histoire qui prend, dans le jeu, un long moment à avancer. Ainsi, la mort de Tess, la retrouvaille avec son frère, et la rencontre avec David s’enchaînent à une rapidité folle, sans donner assez de temps au duo iconique de se rapprocher comme il se doit. On s’inquiète d’ailleurs de constater que le prochain épisode sera le dernier, tant toute l’importance de l’immunisation d’Ellie passe parfois au second plan, alors que ce facteur la rend toujours extraordinaire. Problématique puisque, sans spoiler, l’ultime épisode de la saga devrait évidemment traiter de cela en tous les points, à moins d’une immense surprise.

Quelques passages phares oubliés :

On peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi s’être bloqué sur seulement neuf épisodes au sein d’un jeu qui, par son immense contenu, aurait mérité bien plus de temps de visionnage. Si certains passages de l’opus ont été modifiés dans l’adaptation, d’autres sont tout simplement passés à la trappe. Pas de séquences dans l’hôtel, pas de lycée, pas de girafes, et pas d’égouts… Evidemment, on était en droit de s’attendre à ne pas tout retrouver durant le visionnage, mais certains des passages préférés des joueurs sont totalement passés à la trappe. Forcément un peu décevant, au sein de neuf épisodes dans lesquels deux d’entre eux ont été consacrés à des histoires annexes.

Aussi, et c’est peut-être là être un peu tatillon, mais en tant que fanatique du jeu, un parti pris scénaristique sur l’épisode 8 fait particulièrement tiquer. Pourquoi avoir montré dès le départ que David est maléfique ? Cette révélation fonctionne parfaitement dans le jeu, avec une très forte alliance entre lui et Ellie face à une horde d’infectés (une scène qui aurait dû être présente selon nous) pour apporter une réelle surprise sur les motivations nauséabondes de ce qui est le seul grand méchant du jeu. Un petit accroc, mais bien moins préjudiciable de voir qu’un grand nombre de scènes inoubliables n’ont pas franchi le cut au sein de l’équipe de scénarios.

En bref, The Last of Us version HBO n’est pas ratée, loin de là. Avec des visuels époustouflants, un jeu d’acteur de haute qualité, et une grande fidélité envers le jeu et le scénario, Craig Mazin et Neil Druckmann ont réussi un joli tour de force. Reste néanmoins un raté majeur, en particulier dans l’adaptation d’un survival : une absence cruelle de sentiment de menace, dû à des infectés pratiquement inexistant. Ce faux-pas, qui n’est pas éliminatoire, empêche néanmoins, selon nous, la série de s’ériger en tant que classique instantané. On pourra dès lors parler d’une réussite, sans pour autant être mémorable, ou impeccable.

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